L’Express des Ananas

Introduction

Sous ce curieux nom se cache un phénomène météorologique particulier ayant d’importantes conséquences pour la côte Ouest des États-Unis. Le nom littéral est Pineapple Express, et vient de l’anglais. L’expression est rarement traduite en français, et l’usage le plus fréquent est de parler également de Pineapple Express dans la Francophonie. Il désigne une situation de « rivière atmosphérique » qui trouve son origine dans le Pacifique tropical. En gros, cette « rivière » prend donc sa source vers Hawaï, patrie des ananas, d’où le surnom donné à ce phénomène. Cette rivière atmosphérique, comme son nom l’indique, transporte ainsi des quantités phénoménales de vapeur depuis l’Océan, qui crèvent en cataractes d’eau sur la côte Ouest. Comme le rappelle Wikipedia, le terme n’est pas « officiel », mais il ne faut pas se fier à cet aspect folklorique. L’Express des ananas est un des cas les plus étudiés de rivière atmosphérique, de par sa forte récurrence (souvent plusieurs fois par an) et ses conséquences majeures pour l’Ouest des États-Unis. D’autres rivières atmosphériques existent de par le monde (notamment au dessus de l’Amazonie et plongeant vers l’Argentine ou encore au dessus de l’Atlantique vers l’Europe de l’Ouest – le Royaume Uni s’étant fait défoncer par l’une d’entre elle ce mois de Décembre 2015 -). Mais probablement aucune n’a atteint la « célébrité » de l’Express des ananas. À la faveur des récentes pluies en Californie qui viennent de sauver in extremis l’État d’une énième année de sécheresse, nous vous proposons un petit retour sur ce phénomène. Nous nous arrêterons plus particulièrement sur la sévérité particularité de l’Express des ananas de ce début mars 2016, qui s’est combiné avec une rivière atmosphérique du golfe du Mexique pour atteindre une immense étendue spatiale et pulvériser des records d’humidité à travers le Sud-Ouest et le Sud des États-Unis.

Un peu de théorie

Parlons donc d’abord un peu des rivières atmosphériques. Ce sont des rivières mais de vapeur d’eau, c’est-à-dire que l’eau y est transporté non sous forme liquide mais sous forme gazeuse. À cette notable différence près, ce sont effectivement des « rivières », c’est-à-dire de longues bandes étroites d’humidité transporté par le vent moyen. Cette page de la NOAA donne quelques informations sur les rivières atmosphériques.
Ces rivières ne peuvent se voir à l’œil nu. Pour les étudier, il est fréquent de regarder ce qu’il convient d’appeler l’Eau Précipitable Totale ou Total Precipitable Water – oh yeah! -, TPW. C’est la hauteur d’eau qui résulterait de la condensation complète de la vapeur sur l’ensemble de la colonne atmosphérique au dessus d’un mètre carré de terrain, ou de manière équivalente une masse d’eau qui en résulterait, sachant qu’un kilogramme d’eau sur un mètre carré donne 1 millimètre de lame d’eau. La charge en vapeur de l’atmosphère varie habituellement de 10 à 40 centimètres pour nos régions, parfois moins ou parfois plus. Évidement, la condensation complète de la vapeur est une hypothèse théorique qui n’est jamais vérifiée, mais l’eau précipitable est ainsi une mesure de l’humidité de l’atmosphère. Pour comparaison, la Belgique a une pluviométrie mensuelle de l’ordre de 50 à 80 millimètres.
L’eau précipitable globale peut être vu au dessus des océans sur le site du CIMMS : http://tropic.ssec.wisc.edu/real-time/mimic-tpw/global/main.html
Cependant, il faut ici se méfier, la banquise fausse le calcul est apparait comme ayant une valeur élevée d’eau précipitable. Il convient alors de savoir où se situe la banquise pour ignorer les fortes valeurs des latitudes polaires. On peut également les voir pour le Pacifique sur le site du REMSS :http://www.remss.com/about/projects/atmospheric-river-watch

Un exemple parmi d’autres de rivière atmosphérique, est celle associée à tempête Desmond, début Décembre 2015, et qui a noyé vif l’Irlande, le pays de Galles, l’Écosse et le nord de l’Angleterre. On vérifiera bien que les fortes valeurs en baie d’Hudson et dans l’Océan Australe atlantique signale la présence de banquise et non une forte humidité de la colonne atmosphérique.

Eau précipitable totale le 05 Décembre 2015, démontrant l’écoulement d’une puissante rivière atmosphérique au dessus de l’Atlantique vers les îles britanniques. Source : http://tropic.ssec.wisc.edu/real-time/mimic-tpw/global/main.html

Cependant, toutes les rivières atmosphériques n’apportent pas la désolation. Pour l’Ouest des États-Unis, ces événements apportent environ la moitié des précipitations annuelles et sont donc d’une grande importance pour la région. Ainsi donc, les rivières atmosphériques impactant la côte Ouest sont originaires du Pacifique tropical, dans les parages d’Hawaï. L’archipel ayant été un important producteur d’ananas au milieu du 20ème siècle, l’expression Express des ananas s’est imposé pour désigner ces rivières atmosphériques particulièrement importantes qui venaient doucher la côte Ouest.

Le Pacifique est une région assez différente de l’Atlantique. Le jet subtropical est plus fortement séparé du jet polaire, et les ondes qui se développent sont plus facilement liées à des anomalies de convection du Pacifique équatorial. Il existe notamment l’oscillation Madden-Julian, en anglais Madden Julian-Oscillation, MJO – oh yeah! -. Cette oscillation représente en quelque sorte un train de convection renforcée qui part de l’Océan Indien et traverse l’Océan Pacifique. Lorsque la convection est au dessus de l’Océan Indien, elle tend à favoriser un blocage Pacifique (qui se rapproche alors du schéma du PNA négatif, la MJO expliquant environ 30% de la variance de schéma de la circulation extratropicale). Puis la convection traversant le Pacifique, elle tend a renforcer le jet subtropical. Le blocage tend alors à progressivement s’effondrer, menant à un renforcement de la circulation zonale sur le Pacifique. Le jet subtropical, nourri de l’humidité de la convection, peut éventuellement alors former un Express des ananas. Il est également à noter qu’habituellement le signal de la MJO faiblit dans le Pacifique Central et Est. La MJO est une oscillation qui se retrouve en premier lieu au niveau de l’Océan Indien et Pacifique Ouest.

Le schéma suivant illustre ce phénomène. Pour la traduction, elles sont les suivantes.
Pour le titre, « Heavy West Coast Precipitation Events » signifie « Événements de fortes précipitations pour la côte Ouest ».
Pour le premier crobar, « 7-10 days before event » signifie « 7 à 10 jours avant l’événement », « Heavy rain over far Western Pacific » signifie « Fortes pluies sur le continent maritime », « Moisture plume extends northeast » signifie « Panache d’humidité s’étendant vers le Nord-Est », « Strong polar jet » signifie « Jet polaire puissant », « Strong blocking high » signifie « puissant blocage anticyclonique ».
Pour le deuxième crobar, « 3-5 days before event » signifie « 3 à 5 jours avant l’événement », »Heavy rain shifts west » signifie « Fortes pluies se décalant à l’Ouest », « Moisture plume extends further North-East » signifie « Panache d’humidité s’étendant plus fortement vers le Nord-Est’ », « Split jet forms » signifie « Formation d’un jet séparé », « Block weakens and shift westward » signifie « Affaiblissement et décalage vers l’Ouest du blocage ».
Pour le troisième crobar, « Precipitation event » signifie « événement précipitant », « Heavy rain shifts further east and weakens » signifie « Fortes pluies se décalant encore plus à l’Ouest et s’affaiblissant » -le signal de la MJO est en effet habituellement le plus fort dans l’Océan Indien et le Pacifique Ouest-, « Deep tropical moisture plume » signifie « Profond panache d’humidité tropicale », « Extended jet » signifie « Jet étendu », « Deep low, heavy rain, and possible flooding » signifie « Profonde dépression, fortes pluies, et inondations possibles ».

Il est à noter, comme dit, que la MJO est responsable d’une partie de la variabilité du PNA. Le renforcement de la convection dans l’océan Indien tend à favoriser un schéma de PNA négatif avec un blocage sur le Pacifique Est. Et lorsque la convection est renforcée sur le Pacifique Central ou Est, un schéma de PNA positif est favorisé. Cependant l’Express des ananas ne se produit pas nécessairement en schéma de PNA positif, mais aussi durant la période de transition d’un schéma négatif à un schéma positif. Le renforcement du Jet et les creusements dépressionnaires sur l’Est du Pacifique favorise des déferlements cycloniques des ondes de Rossby (ondes planétaires), qui in fine débouchent sur un enfoncement encore plus vers le Sud du Jet et l’établissement d’un schéma de circulation PNA positif. Cependant, en toute généralité, la Californie est légèrement plus humide en régime de PNA positif. Signalons aussi que ces déferlements cycloniques peuvent aussi perturber le courant Jet jusque dans l’Atlantique Europe avec un impact non-négligeable sur notre météo belge.

L’El Niño est également un facteur favorisant l’apparition d’un Express des ananas. En El Niño, la convection reste à demeure dans le Pacifique. Le jet subtropical tend alors à être renforcé et à être plus au Sud qu’habituellement -normalement car cette année cela n’aura pas vraiment été le cas…- . La convection de plus va nécessairement assurer l’alimentation en humidité. Ainsi, tous les hivers marqués du sceau d’El Niño auront vu au moins un Express des ananas sur la côte Ouest. Normalement, l’El Niño amène un renforcement de la convection dans le Pacifique Central et Est, ce qui aboutit en toute logique à des conséquences assez similaires à celle de la MJO quand elle traverse le Pacifique. Ainsi, en El Niño, le Jet subtropical tend à être nettement renforcé sur le pacifique, avec des situations dépressionnaires sur la côte Ouest. La région qui en profite plus est l’extrême Sud des États-Unis et le Nord du Mexique.

Mars 2016

À la faveur d’une oscillation Madden-Julian très active dans le Pacifique -fait qui normalement ne se produit pas durant un événement El Niño, ce dernier tendant à inhiber la MJO…-, une série de dépressions sont venus frapper la côte Ouest des États-Unis. La Californie a ainsi été sauvé in extremis de la sécheresse qui perdurait depuis des années par un événement qui n’aurait pas du se produire… Pour l’État, les problèmes de déficit en eau ne sont pas encore complétement résolus, mais les Californiens pourront au moins passer cet Été un peu plus sereinement que les trois précédents.

Pour illustrer, nous pouvons regarder les cumuls de pluies dans différentes villes pour le mois de Mars en cours. Ainsi, depuis le 1er Mars, les cumuls suivants ont été enregistrés, comparés à la valeur normale sur le mois (du 1er au 31 Mars).
Sacramento a reçu 114.8 mm de pluie au 14 Mars, pour une normale mensuelle de 76.7 mm.
San Francisco a reçu 127.5 mm de pluie au 14 Mars, pour une normale mensuelle de 75.2 mm.
Eureka a reçu 160.8 mm de pluie au 14 Mars, pour une normale mensuelle de 134.6 mm.
Fresno a reçu 74.4 mm de pluie au 14 Mars, pour une normale mensuelle de 51.6 mm.
Los Angeles a reçu 40.1 mm au 14 Mars, pour une normale de 61.7 mm.

La carte suivante présente les rapports à la normale des cumuls de précipitations pour le mois en cours, ce mois de Mars 2016 donc :

Rapport à la normale des cumuls de précipitations, pour la période courante du 01er Mars au 14 Mars 2016. Source : http://www.wrcc.dri.edu/

Et la carte suivante présente le rapport à la normale des cumuls de précipitations depuis le début de l’année hydrologique. Cette année hydrologique commence au 1er Octobre, ce sont donc les rapports à la normale courant entre le 1er Octobre 2015 et le 14 Mars 2016. On notera que le Sud des États-Unis, qui est censé bénéficier le plus d’El Niño, est la région la plus sèche sur la période… Il faut aller chercher vers l’Est du Mexique et le Texas pour avoir un signal un peu plus consistant avec El Niño.

Rapport à la normale des cumuls de précipitations, pour la période courante du 01er Mars au 14 Mars 2016. Source : http://www.wrcc.dri.edu/

Pour illustration, il faut savoir que Phoenix, en Arizona, n’a toujours pas vu la moindre pluie de l’hiver. Cela n’était arrivé que deux fois auparavant, et pour les hivers listés ci-dessous, aucun n’avait connu de conditions El Niño établies. Ce serait donc une première…

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Cumul de précipitations à Phoenix, période Février-Mars. Source : https://twitter.com/NWSPhoenix?ref_src=twsrc^google|twcamp^serp|twgr^author

Mais revenons un peu à la Californie. À partir du 04 Mars, la crête anticyclonique qui avait garanti au Sud des États-Unis un temps exceptionnellement chaud et sec commence à s’effondrer. La parade des perturbations prend place dès le lendemain. En effet, le 05 Mars une perturbation glisse du Sud vers le Nord, arrosant copieusement la Californie. Les cartes d’analyse montrent la propagation de ce flux d’Ouest qui provoque l’effondrement de la crête anticyclonique. Dans le même temps, la crête n’est pas entièrement passive et les perturbations viennent ripper contre cette structure, se décalant alors vers le Nord. Cependant, les creusement renouvelés de plus en plus vers le Sud finiront par emporter la décision.

Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa le 05 Mars 2016 à 00 UTC. Notons la crête anticyclonique sur l’Ouest des États-Unis et la profonde dépression dans le golfe de l’Alaska. Source : http://www1.wetter3.de/
Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa. La crête anticyclonique se décale en s’effondrant, et un thalweg s’enfonce en direction de la Californie. Source : http://www1.wetter3.de/

Puis les 06 et 07 Mars 2016, un complexe dépressionnaire vient se positionner sur la côte Ouest. Le minimum principal se situe au large de la Colombie-Britannique, et forme par cyclogenèse aval une faible perturbation sur le Montana et l’Alberta. Un autre système se forme quand à lui au large de l’état de Washington, et arrose copieusement la côte. C’est ce système qui, en migrant vers le Sud-Est, va s’isoler partiellement du flux et provoquer de violentes intempéries au Mexique et en Louisiane, intempéries dont nous avions fait écho ici même :

http://infometeobelgique.blogspot.fr/2016/03/quand-une-tempete-de-neige-mexicaine.html

Les images satellites mettent en évidence une relative continuité de la dépression affectant la côte Ouest, avec une ondulation au Nord d’Hawaï. C’est l’Express des ananas.

Image satellite infrarouge du 06 Mars 2016 à 06 UTC. Notons la perturbation qui s’enroule au large de la Colombie Britannique et dont une partie s’étire depuis le Pacifique. Source : http://rammb.cira.colostate.edu/ramsdis/online/goes-west_goes-east.asp
Image satellite infrarouge du 07 Mars 2016 à 06 UTC. La source d’humidité a été renouvelée. La perturbation de la veille a franchi les Rocheuses et une seconde perturbation se développe au large de l’État de Washington. La continuité avec le Pacifique se fait plus au Nord. Source : http://rammb.cira.colostate.edu/ramsdis/online/goes-west_goes-east.asp
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est site.jpeg.
Autre point de vue pour l’image satellite infrarouge du 07 Mars 2016 à 0600 UTC. Source : http://www.sandiegouniontribune.com/news/2016/mar/07/the-latest-california-storm-moves-south-more-snow/

Nous pouvons mettre mieux en évidence l’express des ananas par la mesure de l’eau précipitable. Le ruban de fortes valeurs s’étire depuis le Nord d’Hawaï jusqu’à la Californie le 06 à 06 UTC. 

Eau précipitable totale le 06 Décembre à 06 UTC. Notons la rivière atmosphérique qui s’écoule à travers le Pacifique jusqu’à la Californie. Source : http://tropic.ssec.wisc.edu/real-time/mimic-tpw/global/main.html

Les cartes d’analyses confirment, avec l’enfoncement vers le Sud des creusements cycloniques. Le 08 Mars, on note un début d’isolement sur la Californie. C’est ce minimum, en renouvelant son approvisionnement en humidité au dessus du Golfe du Mexique, qui va déclencher de violentes précipitations au dessus de la Louisiane.

Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa. Source : http://www1.wetter3.de/
Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa. Source : http://www1.wetter3.de/

Pour la Californie, il y aura quelques jours de répit, puis à partir du 10 l’activité pluvio-instable reprendra, plus modeste. Cette seconde vague de perturbations sera de nouveau alimentée par une rivière atmosphérique prenant sa racine dans le Pacifique tropical. On notera surtout, le 11 Mars, sur l’image suivante, que le creux qui s’était isolé sur le Mexique advecte un second panache d’humidité depuis le Golfe du Mexique. Ce minimum avait déjà été actif en s’alimentant aux sources du Pacifique, là il devient pour ainsi dire explosif en renouvelant son alimentation en air humide aux sources du Golfe du Mexique.

Eau précipitable totale le 11 Mars 2016 à 11 UTC. Les flècches indiquent les deux rivières atmosphériques, « Atmospheric Rivers », l’une pour la Californie et l’autre pour la Louisiane. Source : http://www.wunderground.com/blog/JeffMasters/floods-from-up-to-20-inches-of-rain-create-state-of-emergency-in-louis

La carte d’analyse vient étayer en montrant tout à la fois un profond thalweg pacifique qui concerne la Californie, et un minimum d’altitude au dessus du Mexique :

Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa le 11 Mars 2016 à 00 UTC. En lien avec l’image de l’eau atmosphérique ci dessus, notons un profond minimum mexicain issu de la dépression sus mentionnée au large de l’État de Washington. Ce minimum draine de l’humidité vers la Louisiane après avoir drainé de l’humidité vers la Californie. Dans le même temps, au large de la côte Ouest, un profond thalweg circule dans le flux d’Ouest, en lien avec la deuxième rivière atmosphérique. Source : www1.wetter3.de

Les conséquences concrètes sont spectaculaires. Alors que les grands barrages -situés principalement dans le Nord du pays- étaient pratiquement vides, ils sont maintenant pratiquement plein :

Lac Shasta, le plus grand lac artificiel de Californie et l’un des plus importants réservoirs d’eau, dans le Nord de l’État. La photo de gauche date de 2015, la photo de droite de 2016. https://twitter.com/shelbygrad/status/709857291944591360/

Cependant, dans le Sud de la Californie à nouveau, l’amélioration de la situation pour les réservois n’est que très relative :

Situation des réservoirs d’eau en Californie. Notons que la plupart des réservoirs reste déficitaires malgré tout, après trois années d’exceptionnelles sécheresses. Cependant, les deux plus importants réservoirs, le lac Shasta et le lac Oroville, tout deux dans le Nord de l’État et donc ayant tout deux le plus profité des récentes pluies, sont remplis ; ce qui autorise un relative optimisme pour cet Été en Californie. Source : http://cdec.water.ca.gov/cdecapp/resapp/getResGraphsMain.action

Les inondations ne sont pas fait attendre également, par exemple le long de la Russian River (dont le nom rappelle que les Russes occupaient autrefois la côte Ouest jusqu’à la Californie) :

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Débordement de la rivière Russe à Monte Rio, Californie. Source : http://abcnews.go.com/US/wireStory/storm-stay-lingering-northern-california-37599094

Ou encore comme ici à Sacramento, la capitale :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est site2.jpg.
Débordement de la rivière Sacramento dans al périphérie Sud de la ville. Source : https://twitter.com/PocketPride/status/709186770944942080/

Et dans la Sierra Nevada, la neige a fait son grand retour après avoir été absente une bonne partie de l’Hiver :

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Neige dans la Sierra Nevada, à Tahoe. Source : https://www.instagram.com/p/BC6dxWwtIwE/

On pourra noter cependant que les perturbations ont eu du mal durant tout l’Hiver à s’enfoncer vers le Sud, ce qui représente une déviation majeure par rapport au schéma El Niño classique. Certains, y compris des scientifiques dans leur habituel prudence, considèrent que cela n’est peut-être qu’un aléas, aucun El Niño n’étant un exact copier-coller de la situation canonique. Cela est sans doute vrai, mais il n’empêche que la sécheresse que subit le Sud des États-Unis n’a été que partiellement atténuée par cet événement El Niño. Il ne fallait certes pas s’attendre à un miracle vu le déficit accumulé, mais même sans parler de miracle, l’hiver dans le Sud des États-Unis aura été très loin de réaliser les promesses d’un événement El Niño. Ceci est de plus à mettre en parallèle avec un mois de Juillet 2015 très « pluvieux » -du point de vue des standards locaux où un mois de Juillet est à peu près complétement sec-. Ces éléments donnent l’impression que l’évolution progressive de la circulation atmosphérique avec le changement climatique est maintenant capable de dominer un débat avec El Niño.
De plus, à nouveau, mais c’est bien plus l’activité de la MJO dans le Pacifique Central qui a été capable de déterminer le coup de force des perturbations de début Mars. L’événement El Niño n’a probablement joué qu’un rôle mineur. Cela est d’autant plus vrai que Novembre et Février, deux des mois les plus frais et humides en Californie et encore plus en El Niño, ont été parmi les mois les plus chauds et secs chacun respectivement à sa climatologie. Il est particulièrement perturbant de noter qu’il a fallu combiné une forte activité de la  MJO, qui est censé être relativement inactive en El Niño, avec un événement El Niño justement, pour arriver à forcer un pineapple express à descendre vers le Sud, et encore sans atteindre des latitudes qui pourraient réellement être considérées comme classique.

Conclusion

Les Californiens ont qualifié ce mois-ci de « Miracle March« , mars miraculeux. À long terme, il est difficilement envisageable cependant de dépendre de miracles pour arriver à maintenir le bilan hydrologique de la région. Cet hiver a pu mettre un terme à trois années consécutives de forte sécheresse pour la Californie, mais il n’a pas vraiment résolu les problèmes. La consommation excessive d’eau liée à une forte croissance économique et démographique conjuguée au changement climatique sont en train à la longue d’user l’autosuffisance en eau de la région. D’autant que la Californie n’est pas seul au Sud des États-Unis, et pour la région l’amélioration des conditions est encore moins perceptible.

Bande étroite de front froid

Introduction

Le 30 Janvier, nous avons eu le droit en Europe au passage d’un magnifique cas de front froid. Nous avions alors profité de l’occasion pour commenter les caractéristiques de ce front froid sur notre page.

Image illustrant une publication du 30 Janvier à 17h montrant à gauche les évolutions des paramètres météorologiques à la station de Courières et à droite une image radar
Publication sur notre page Facebook le 30 Janvier vers 17h où nous vous montrions les changements drastiques des paramètres mesurés
Image illustrant une publication du 30 Janvier à 23h montrant à gauche une image satellite de l'enfoncement de tropopause et à droite une carte illustrant ce même enfoncement de tropopause vu par les modèles
Publication sur notre page Facebook le 30 Janvier vers 23h où nous vous montrions l’anomalie de tropopause qui s’enfonce vers le Sud, forçant le soulèvement à l’avant.
Image illustrant une publication du 30 Janvier à 11 montrant une image radar radar seul pour mettre en évidence la bande étroite de front froid.
Publication sur notre page Facebook le 30 Janvier vers 11h où nous vous montrions l’affrontement entre la masse d’air maritime polaire qui déferle depuis le Nord, et la masse d’air maritime tropical qui se fait bousculer au Sud.

En effet, ce n’est pas tout les jours qu’un cas d’école nous passe dessus. Il était notamment apparu au sein de ce front froid une structure particulière nommée bande étroite de front froid, une région où les précipitations sont très fortes. Dans la continuité de cet article, nous allons détailler une des formes que peut prendre le front froid. Ici, nous allons prendre le temps de développer et d’approfondir la compréhension d’un front froid actif. Le développement se proposant d’être didactique et le plus explicite possible, il pourra paraître un peu long par endroits. Pour ceux qui veulent, des petits encadrés résument tout au long du texte les idées successives. Pour ceux qui le souhaitent, la lecture pourra se limiter à ces encadrés.
Nous nous proposons très classiquement de parler dans un premier temps du schéma conceptuel, tel qu’il est en théorie ; puis dans un deuxième temps de faire l’étude de cas du 30 Janvier 2016. La troisième partie, un peu abrégée, est un complément pour ceux qui souhaiterait se pencher sur un autre cas concret, celui du 02 Février 2016.
Pour vous aider, nous vous proposons ici l’organisation du texte.

Schéma conceptuel de l’anafront froid

Définition d’un front (résumé)

Définition d’une masse d’air (résumé)

Mécanismes de soulèvement (résumé)

Bandes transporteuses (résumé)

Anafront et catafront froid (résumé)

Schéma conceptuel de l’anafront froid (résumé)

Les éléments de la bande étroite de front froid (résumé)

La formation de la bande étroite de front froid (résumé)

Les précipitations au sein de la bande étroite de front froid (résumé)

La situation du 30 Janvier 2016

Analyse synoptique de surface (résumé)

Images radars (résumé)

Pointage de surface (résumé)

Images satellites (résumé)

Données à Lille-Lesquin (résumé)

Radiosondages (résumé)

Données des modèles (résumé)

La situation du 02 Février 2016

Analyse synoptique de surface

Images radars et satellites

Données à Charleville-Mézières et radiosondages

Données modèles

Conclusion

Schéma conceptuel de l’anafront froid

Définition d’un front

Il convient en premier lieu de définir un front. De manière générale, il s’agit d’une surface de discontinuité où s’affrontent deux masses d’air aux propriétés différentes. Cette surface a souvent une grande extension horizontale (de 100 à 1000 kilomètres) et une profondeur d’environ 5 km.
Pour bien commencer, rappelons avant tout que l’advection est le transport part le vent d’une des propriétés de l’atmosphère. Ainsi, on parle d’advection thermique quand le vent transporte de l’air chaud ou de l’air froid dans le flux. Par un raccourci quelque peu cavalier, habituellement, on se limite à parler d’advection pour l’advection « thermique » ; c’est-à-dire lorsque le vent transporte du chaud ou du froid. Notons aussi pour ceux qui n’ont pas peur du mal de crâne que le vent peut transporter du vent également…
Quand le vent transporte de l’air d’une région froide vers une une région chaude, l’air froid peut alors éventuellement venir bousculer continuellement l’air chaud. Dans ce cas il est possible qu’un front froid se forme, symbolisé par une ligne continue et des petits triangles, généralement de couleur bleue. Ce symbolisme indique que l’air froid progresse dans la direction indiqué par les triangles et vient remplacer l’air chaud antérieur.
Au contraire, quand le vent advecte de l’air chaud vers une région d’air plus frais, il peut se former un front chaud. Le front chaud est symbolisé par une ligne continue et des demis cercles, généralement de couleur rouge. De la même façon, les demis cercles indiquent dans quelle direction progresse l’air chaud.
Généralement, les fronts se retrouvent en association avec une dépression, une région de pressions relativement plus basses que l’environnement. Dans l’Hémisphère Nord, le vent souffle de telle manière à laisser à senestre les basses pressions, et à dextre les hautes pressions. Cette règle est moins bien vérifiée en surface à cause du frottement, mais en général cela reste une approximation valable. Ainsi, l’Europe est soumis à un flux d’Ouest dominant car les hautes pressions sont vers le Sud du continent en moyenne, et les basses pressions vers le Nord.
Dans ce schéma classique de flux d’Ouest dominant, le défilé des perturbations se présente ainsi pour un lieu donné. Le vent est d’abord à l’Ouest, à l’avant du front chaud, et les températures sont « relativement » fraîches. Puis le front chaud passe, le vent bascule au Sud-Ouest, les températures se radoucissent. Puis, le front froid débarque, le vent bascule au Nord-Ouest, les températures baissent. Puis se met en place la traîne, le vent revient progressivement à l’Ouest en attendant le front chaud suivant.
Notons que ce schéma est la description classique d’un flux d’Ouest. Cependant il est rare de voir les dépressions se succédant invariablement durant plusieurs jours. Cela reste un schéma conceptuel pour aider à poser les idées. Dans la pratique, il peut également arriver que le front froid rentre par le Sud. C’est alors un vent de Sud qui amène la baisse des températures… Dans tout les cas, les variations sont infinies autour de ce schéma de base. Notons aussi que dépression, front froid et front chaud ne vont pas forcément ensemble. Il est possible d’avoir front chaud et front froid sans dépression associée. Il est également possible d’avoir front froid seul (le cas du front chaud seul n’est pas strictement impossible mais est plus rare et conceptuellement ce n’est guère satisfaisant).
Après avoir tant discouru, il est temps de prendre une pause avec une joli image de l’Europe le 16 Novembre 2015 :

Carte représentant les fronts chauds en rouge, les fronts occlus en violet, et les fronts froids en bleus. L'Europe est concernée par une dépression avec front occlus pour la Scandinavie, front froid pour la Manche et front chaud pour la Pologne.
Situation synoptique du 16 Novembre 2015. La flèche bleue indique l’air froid qui pousse vers l’Est, et la flèche rouge indique le mouvement de l’air chaud. Carte de l’université libre de Berlin : http://www.met.fu-berlin.de/de/wetter/maps/

Nous avons là un cas de flux d’Ouest avec son train de perturbations, et le vent qui va et vient autour de la référence qu’est l’Ouest.Pour résumer, un front est une zone d’affrontement entre deux masses d’air différentes. Au niveau d’un front chaud, l’air chaud l’emporte sur l’air froid, et son symbolisme est une ligne continue et des demis cercles pointant dans le sens de progression du front. Au niveau d’un front froid, l’air froid l’emporte sur l’air chaud, et son symbolisme est une ligne continue et des triangles pointant dans le sens de progression du front. Pour résumer, front chaud, front froid et minimum dépressionnaire vont souvent ensemble, mais ce n’est pas toujours le cas.

Définition d’une masse d’air

La difficulté dans ce bazar est de définir précisément ce qu’est une masse d’air chaude et une masse d’air froide. La température pourrait être un bon candidat en apparence. Cependant, en pratique, la température est affectée par l’altitude. En effet, la température décroit à mesure que l’on s’élève. De plus, l’humidité interfère également. Et pour couronner le tout, en surface le cycle diurne a une grosse influence. Ainsi, dans un monde idéal et sans complication, la température devrait baisser après le passage d’un front froid. Cependant, en pratique, ce n’est pas toujours le cas et on a déjà vu des fronts froid apporter un léger radoucissement… On définit alors une température qui est moins affectée par tous ces effets. En réalité, il y en a deux, mais qui sont des « cousines germaines », la thêta prime w notée θ’w ; et la thêta e notée θe. Les deux sont utilisables indistinctement. Et pour éviter les effets dus à la surface, les prévisionnistes regardent les valeurs de θe ou θ’w à 850 hPa (vers 1500 mètres d’altitude) -plus rarement à 925 ou 950 hPa soit vers 500 – 1000 mètres-.

Il est à noter, et c’est important, que la notion de chaud ou froid est « relative ». En Hiver, la température pourra par exemple passer de 5°C à 15°C au passage d’un front chaud. La masse d’air à 5°C sera donc « froide » et la masse d’air à 15°C sera donc « chaude ». Et en Été, la température pourra passer de 15°C à 25°C au passage d’un front chaud. La masse d’air à 15°C sera donc « froide » et la masse d’air à 25°C sera donc « chaude ». Nous avons alors ce curieux constat que la masse d’air à 15°C en Hiver est la masse d’air (très) chaude, et la masse d’air à 15°C en Été est la masse d’air froide. C’est un peu déroutant comme concept, mais les fronts chauds et fronts froids sont des notions « relatives ». Relatives à l’environnement, relatives au moment. C’est pourquoi on parle parfois d’ondes thermiques ou de perturbations, pour indiquer que localement le champ de température est déformé. Cependant, ce sont bien des ondes, comme le sont les vagues à la surface de l’Océan par exemple. Ce sont des perturbations temporaires qui dépendent de l’état de base du système.Pour résumer, un front est une zone d’affrontement entre deux masses d’air différentes. Au niveau d’un front chaud, l’air chaud l’emporte sur l’air froid, et son symbolisme est une ligne continue et des demis cercles pointant dans le sens de progression du front. Au niveau d’un front froid, l’air froid l’emporte sur l’air chaud, et son symbolisme est une ligne continue et des triangles pointant dans le sens de progression du front.

Mécanismes de soulèvement

Il convient à ce stade d’expliciter une notion essentielle. Au niveau des fronts, aussi bien froid que chaud, l’air chaud tend à être soulevé, et à être rejeté en altitude. Parfois, des personnes avec une compréhension très approximative de la météo ; parfois des personnes comprenant bien la météo mais croyant bien faire en simplifiant ; « inventent » une explication de ses mouvements verticaux. Les ascendances seraient dûes au fait que l’air chaud, moins dense, plus léger, que l’air froid, peut flotter et se soulever ; et que l’air froid plus dense coule vers la surface. Si un jour quelqu’un vous baratine avec ce genre d’explications, vous avez le droit de le férir sans ménagement, un bon coup dans la margoulette avec un bouquin de météo le plus épais possible devrait suffire à remettre en place les idées du chenapan. Si vous vous apercevez que cela ne dissuade pas ses ardeurs à dire n’importe quoi, il ne faut pas hésiter à appliquer de nouveau le traitement. La théorie « montgolfière » ne marche que pour des mouvements de l’ordre de 10 à 20 km grand maximum. C’est par exemple vrai dans les cellules orageuses. À noter que même dans les orages multicellulaires, ce n’est déjà plus vrai… L’air chaud qui monte parce que l’air chaud, c’est léger ; et l’air froid qui coule parce que l’air froid, c’est lourd ; c’est seulement vrai pour une cellule orageuse. À grande échelle, l’air n’est pas flottable. À grande échelle, l’air est stable. Et la théorie « montgolfière » est totalement fausse. Les mouvements verticaux dans les dépressions extratropicales sont dues à deux phénomènes différents. Le sujet peut vite devenir extrêmement compliqué (et ce n’est rien de le dire) et différentes approches sont possibles pour voir la même chose. Pour ceux qui veulent savoir, nous décortiquerons ici l’équation omega mais d’autres approches sont possibles (agéostrophisme par exemple).
La première cause donc est de nature dynamique. Elle est assez facile à comprendre avec les mains. C’est en quelque sorte l’effet patineur. Observons un patineur sur la glace. Quand il souhaite tourner plus vite sur lui même, il rentre ses bras, il se recentre sur son axe de rotation. Au contraire, quand il souhaite ralentir sa rotation, le patineur écarte les bras. Il se décentre par rapport à son axe de rotation. L’air en mouvement fait un peu près pareil. Quand le vent advecte de l’air ayant une forte rotation dans une région à faible rotation ; l’air doit « écarter les bras » pour ralentir sa rotation et s’ajuster à son nouvel environnement. Plus exactement, l’air doit donc diverger (si certains veulent voir la chose autrement, il faut disperser la masse). On parle alors d’advection de tourbillon positif, phénomène associé alors à de la divergence. Quand l’advection de tourbillon positif croit avec l’altitude, la divergence croit aussi avec l’altitude. Il se produit alors un mouvement d’ascendance, l’air venant des couches inférieures pour « boucher le trou » créée dans les couches supérieures par la divergence.
La deuxième cause est un peu plus compliqué à comprendre avec les mains. Elle est de nature thermodynamique. Il s’agit de la tendance des particules d’air à rester entre copines. On va poser tout de suite un gros mot, on parle aussi de soulèvement isentropique. Cela veut dire en clair que l’air va chercher à rester à la même (iso) entropie, ou pour simplifier un peu, rester à la même température une fois pris en compte les effets de l’altitude et de l’humidité. Ainsi, quand le vent souffle à travers une région où les températures varient rapidement, les particules d’air vont préférer monter ou descendre pour rester à la même entropie (température corrigé de l’altitude et de l’humidité), plutôt que d’être arraché de la surface isentropique où elles se trouvent.
Dans les fronts chauds, le mécanisme de soulèvement tant à être plus volontiers de nature thermodynamique. Au contraire, dans les fronts froids, le soulèvement tend plus volontiers à être de nature dynamique. Dans tout les cas, l’explication des mouvements verticaux est ainsi malheureusement plus compliquée, mais aussi plus exact. L’air ne se met pas à flotter ou à couler à grande échelle..Au niveau des fronts, tant chaud que froid, se produit un soulèvement continu de l’air. Ce soulèvement provoque la formation des nuages et de la pluie typique d’une perturbation. Cependant, ce soulèvement n’est en aucun cas dû au fait que l’air chaud est plus léger et donc « flotte ». Les mouvements verticaux sont forcés par les écoulements de grande échelle.

Les bandes transporteuses

Un autre point à aborder, avant de parler d’anafront froid et de bande étroite, est la structure tridimensionnelle d’un cyclone extratropical. Il existe différents modèles conceptuels décrivant les perturbations des latitudes moyennes, chacun éclairant une face différente du phénomène. Il convient ici de montrer le mouvement de l’air dans les systèmes en développement ou matures, afin de mieux comprendre l’anafront froid. Dans un cyclone extratropical, trois bandes transporteuses se mettent en place. À l’avant du front chaud, nous retrouvons la bande transporteuse froide. À l’avant du front froid, nous trouvons la bande convoyeuse chaude. Et enfin, à l’arrière de la dépression, avec l’enfoncement d’air stratosphérique, nous avons la bande transporteuse sèche.

Image illustrant dans un plan les bandes transporteuses associées à une dépression.
Une perturbation barocline par un site Internet. Cold Conveyor Belt : Bande Transporteuse Froide, Warm Conveyor Belt : Bande Transporteuse Chaude, Dry Conveyor Belt : Bande Transporteuse Sèche. Source : http://www.islandnet.com/~see/weather/almanac/arc2009/alm09dec.htm
Image illustrant dans un plan les bandes transporteuses associées à une dépression.
Les bandes transporteuses dans une perturbation vue par le COMET Program. Le L rouge indique le minimum de surface (Low), Cold Conveyor Belt : Bande Transporteuse Froide, Warm Conveyor Belt : Bande Transporteuse Chaude, Dry Conveyor Belt : Bande Transporteuse Sèche. Source : http://www.meted.ucar.edu/mesoprim/bandedprecip/print.htm (inscription gratuite requise).

Pour résumer, un ensemble front chaud – front chaud se caractérise par trois bandes transporteuses différentes. Pour le front froid, nous serons surtout concerné par la bande transporteuse chaude à l’avant de la limite frontale, et la bande transporteuse sèche à l’arrière.

Anafront et catafront froid

Nous en arrivons donc aux fronts froids. En effet, comme dit, il n’existe pas un mais deux types de fronts froids différents. On distingue en effet anafront froid et catafront froid. Le nom peut sembler particulièrement barbare… Mais la différence se comprend facilement. Pour faire simple, les anafronts froids sont plutôt du genre actif. Et généralement ce sont des situations de frontogénèse. Les catafronts froids au contraire sont plutôt du genre peu actif. La différence plus rigoureusement se fait dans l’organisation des mouvements verticaux. Dans le cas d’un anafront froid, l’air chaud antérieur est soulevé sur une grande profondeur le long de la pente frontale.Les précipitations se produisent alors essentiellement en arrière de la trace au sol du front froid. Au contraire, dans un catafront froid, une intrusion d’air sec en altitude vient couper les ascendances dans l’air chaud, qui se produisent alors essentiellement en avant de la trace frontale au sol. Les pluies précédent donc le front.

Coupe de l'anafront froid, mettant en évidence le caractère essentiellement post frontal des précipitations
L’anafront froid vue par l’EUMETCAL. WA : Warm Advection, CA : Cold Advection. La position du front froid est indiqué par le triangle, pointant dans la direction du déplacement. L’EUMETCAL ne l’indique pas explicitement ; mais le pied de la masse nuageuse, là où la flèche rouge se redresse, est la fameuse bande étroite de front froid. Source : http://www.eumetcal.org/euromet/french/satmet/s7342/s7342bb2.htm
Schéma décrivant le catafront froid, les flèches rouges représentant le mouvement de l'air chaud, la flèche noire le mouvement de l'air sec et les flèches noir du bas le déplacement du front
Le catafront froid vue par l’EUMETCAL. WA : Warm Advection, CA : Cold Advection. La position du front froid est indiqué par le triangle, pointant dans la direction du déplacement. Source : http://www.eumetcal.org/euromet/french/satmet/s7342/s7342bb2.htm
Image illustrant le catafront avec l'arrivée de la masse d'air froid en bleu et les flèches noires illustrent le mouvement de l'air.
Catafront froid vu par l’Université d’État de la Caroline du Nord. Cold air : air froid, forward-sloping ascent : ascendance penché vers l’avant, warm air: air chaud. Source : http://www4.ncsu.edu/~nwsfo/storage/training/jets/anafront.html
Image illustrant l'anafront avec l'arrivée de la masse d'air froid en bleu et les flèches noires illustrent le mouvement de l'air.
Catafront froid vu par l’Université d’État de la Caroline du Nord. Cold air : air froid, rearward-sloping ascent : ascendance penché vers l’arrière, warm air: air chaud. Source : http://www4.ncsu.edu/~nwsfo/storage/training/jets/anafront.html

Notons en particulier que l’EUMETCAL explicite la pente frontale. C’est simplement, tout comme pour les fronts chauds, une pente où la θ’w ou θe, au choix, reste constante.
Ceci dit, ces schémas sont chacun un peu différents, mais vise à amener à la même compréhension. L’objectif est de montrer le caractère radicalement différent des ascendances dans l’air chaud, menant à une distribution des précipitations tout aussi différente. En pratique cependant, l’atmosphère n’apprécie guère les situations bien carrées et bien définies, et cata ou ana front froid, le résultat est souvent un pâté de précipitations plus ou moins organisé relativement à la trace frontale. En effet de multiples processus interviennent à toutes les échelles. Très simplement, ce peut être l’influence d’un relief par exemple, ou la déformation du champ de vent induite par le front lui-même, ou autre. Le schéma conceptuel des fronts froids est donc robuste, mais il est rare de trouver en pratique des cas bien définis et bien « propres ». La situation de ce 29 Janvier est donc particulièrement intéressante, car elle offre un cas d’école d’anafront en pleine frontogénèse.
Pour les fronts froids, il y a généralement un thalweg d’altitude qui arrive par derrière (le cochon…). Dans le thalweg, l’air a une très forte rotation, alors qu’en aval, surplombant le front froid lui-même, l’air a une rotation plus faible. Il se passe alors une advection positive de tourbillon qui croit avec l’altitude. Ce qui implique alors des ascendances comme nous l’avons vu… Le thalweg est en quelque sorte un bulldozer qui vient pousser au cul le front froid et force l’air à se soulever à l’avant.
Ce thalweg est associé à une intrusion d’air sec stratosphérique. On peut alors suivre sa trace sur les images vapeurs d’eau qui montre un gradient très marqué. Cette anomalie d’altitude est également associée en toute logique à une baisse de l’altitude de la tropopause.Pour résumer, les fronts froids sont de deux types différents. Il y a les anafronts froids, généralement des fronts actifs et en cours de formation, avec des précipitations essentiellement post frontales dans l’air froid postérieur. Et il y a les catafronts froids, généralement des fronts peu actifs avec des précipitations essentiellement pré frontales dans l’air chaud antérieur.

Schéma conceptuel de l’anafront froid

Un anafront froid est donc caractérisé par différents éléments.

Au premier chef, il y a donc le thalweg d’altitude qui lui pousse au cul. Comme dit, ce thalweg est défini par un enfoncement troposphérique, avec même une intrusion d’air stratosphérique jusqu’en basse troposphère dans les cas les plus extrêmes. Juste en amont du maximum de thalweg se produisent des subsidences de grandes échelles qui viennent s’engouffrer sous la pente frontale. Ces subsidences apportent de l’air froid et sec.
À l’avant du thalweg se produit un soulèvement de grande échelle. L’air chaud et humide du secteur chaud se retrouve soulevé sur la profondeur. Les ascendances forcent la condensation de la masse d’air, formant le système nuageux de l’anafront. Il existe deux zones distinctes d’ascendances. La première, directement en aval de la limite frontale de surface, constitue la bande étroite de front froid que nous développerons plus loin. La seconde zone d’ascendances se situe le long de la pente frontale, et penche vers l’arrière. Elle forme la bande large de front froid. Comme nous l’avons vu, cette zone d’ascendances permet de distinguer ana et cata front froid. Les précipitations se produisent essentiellement après le passage de la limite frontale dans le cas d’un anafront froid.

Il n’est pas inutile d’insister lourdement sur la différence entre ces deux zones. Il existe deux zones d’ascendances, certes continues et liées mais bien distinctes. La première, le long d’une surface frontale quasiment verticale, prend place au pied de la trace frontale au sol et s’étend sur une profondeur de 3 à 5 kilomètres. La deuxième, se prolonge en moyenne et haute troposphère, sur une surface frontale légèrement penchée vers l’arrière. À ce niveau, l’air chaud en cours de soulèvement surplombe l’air plus froid et sec qui s’engouffre à l’arrière sous la pente frontale.

Associé au thalweg, il y également un jet d’altitude. Ce jet tend à être sensiblement parallèle à la surface frontale. C’est une autre manière de distinguer entre ana et cata front froid. Un catafront froid verra le jet être plutôt perpendiculaire à la surface frontale ; et un anafront verra le jet être plutôt parallèle (voir aussi les schémas précédents sur ana et cata fronts où l’on voit pour se dernier l’intrusion d’air sec et froid d’altitude). En pratique, en situation opérationnelle, cette méthode pour « trier les patates » est couramment utilisée car elle plus pratique.
Les schémas suivants reprennent les éléments mentionnées.

Schéma d’un anafront froid à l’aide de GIMP. La surface délimitée par les traits marrons représentent la tropopause, qui subit un net enfoncement à l’arrière du front. Le jet d’altitude, matérialisé par les flèches évidées noires, prend place sur le bord d’attaque de cette anomalie. De plus, cet enfoncement est lié à des subsidences et à un courant d’air sec et froid symbolisé par la flèche verte. La pente frontale est indiquée en bleue, pratiquement verticale en basses couches, elle penche vers l’arrière avec l’altitude. Le jet de basses couches est indiqué par les flèches pleines rouges. En surface, suite au frottements notamment, la convergence est renforcée. Les flèches pleines noires le montrent. La bande large de front froid est symbolisé par les traits de pluies bleus azur et verticaux. La bande étroite est symbolisé par les traits de pluies bleus azur et penchés. Un petit orage tout à l’arrière rappelle que dans la traîne, une fois passé l’anomalie de tropopause, de la convection peut éventuellement se développer.
Un schéma en français, tiré de l’EAO Anasyg-Pressyg ( http://www.meteorologie.eu.org/anasyg/ qui fut un temps libre d’accès…), venu originellement du groupe synoptique PFP de Météo-France. Image repris par Concepts et méthodes pour le météorologiste et par La convection orageuse dans tout ses états. Le schéma en conséquence est assez explicite. Source : http://www.meteofrance.fr/publications/nos-collections/cours-de-meteorologie/concepts-et-methodes-pour-le-meteorologiste-tome-1

Ces schémas conceptuels permettent ainsi de mieux appréhender ce qu’est un anafront froid en tant qu’objet tridimensionnelle. Il est certain que dans la nature on ne verra jamais passer dans l’atmosphère une surface peinte en bleue et hérissée de triangles mais cela permet de poser les idées. Pour l’observateur, cela se traduira par un vent fort et un ciel bâché dans un premier temps, puis une brève période de fortes précipitations avec un vent qui change de direction, puis une période plus longue de précipitations modérés durant laquelle la température baisse sensiblement et le vent faiblit.Pour résumer, un anafront est donc un front froid souvent actif ou le jet d’altitude est sensiblement parallèle à la pente frontale. Il se caractérise par plusieurs éléments. Le plus notable est la bande étroite de front froid à l’avant immédiat de la trace frontale au sol. Il y a également présence d’un tube de vent fort près de la surface, généralement vers 1000 – 1500 mètres, dénommé jet de basses couches, et qui apporte de l’air humide et doux. Au niveau de la bande étroite de front froid prend place des ascendances très fortes mais assez peu profonde qui génère des pluies très intenses. À l’arrière immédiat du front froid, une accalmie se met très temporairement en place, avec une hausse importante de la pression et un changement brusque de la direction du vent. Puis, le long de la pente frontale en altitude se développe la bande large de front froid. Les précipitations y sont plus modérées, mais prennent une grande extension spatiale. En surface, sous la pente frontale, l’air y est nettement plus froid, et la pression continue de remonter.

Les éléments de la bande étroite de front froid

Pour en venir à la bande étroite de front froid, elle est donc une caractéristique de l’anafront froid. Dans les anafronts froids, on retrouve normalement toujours une bande étroite de front froid. Cependant, elle est rarement très marquée, comme toujours la pratique est assez éloignée de la théorie dans la vaste majorité des cas. La bande étroite est une région de fortes précipitations sur une grande longueur (au moins cent kilomètres) mais sur une faible largeur (jamais plus de dix kilomètres). De plus, elle s’étend sur une faible profondeur, de l’ordre de trois à cinq kilomètres. C’est donc une région d’assez petite échelle.

La zone de fortes précipitations est plus un épiphénomène, la manifestation d’un ensemble de processus. Dans le détail, la bande étroite de front froid réunit divers éléments.
Nous retrouvons en premier lieu une bande transporteuse chaude particulièrement vigoureuse. Elle forme un tube de vent fort à la surface. C’est donc un jet de basses couches positionné à l’avant de la limite frontale, en anglais LLJ pour Low Level Jet. Ce jet transporte de l’air doux et humide à l’avant du front froid. Il est fréquent que ce jet de basses couches apporte des records de températures en surface (sauf de manière notable en Décembre 2015…). Dans un cas classique européen, ce jet sera de Sud-Ouest (mais à nouveau, toutes les configurations sont théoriquement possibles). Ce jet est généralement maximum entre 1000 et 1500 mètres comme dit, avec des vitesses qui dépassent les 60 km/h.

L’élément suivant de la bande étroite est une zone de forte ascendance juste à l’avant de la trace frontale. Ces ascendances peuvent atteindre de 1 à 10 m/s, ce qui est énorme pour un cyclone extratropical. Habituellement, les ascendances sont plutôt de l’ordre de 1 à 10 cm/s. Dans les orages, les ascendances sont encore plus violentes cependant, de l’ordre de 10 à 100 m/s. Ces très fortes ascendances sont bien évidement la raison de la formation d’une masse nuageuse et d’une bande de forte pluie. L’air forcé de se soulever se refroidit alors adiabatiquement, ce qui concourt à la condensation de la vapeur d’eau. Le jet de basses couches étant particulièrement riche en vapeur d’eau et les ascendances particulièrement fortes, le mélange est détonnant.

Il y a également à l’arrière immédiat de la bande étroite, une très petite région de précipitations faibles ou nulles. À cet endroit, à l’arrière immédiat de la surface frontale, l’air subit un léger « ressaut » et ce sont les subsidences qui dominent, ce qui tend à tuer les pluies.
Notons qu’au niveau de la bande étroite du front froid, la pente frontale tend à être pratiquement verticale. Cette situation est liée à différents processus, dont entre autre la violence des ascendances. Le frottement de surface joue également un rôle, en ralentissant la progression de la pente frontale au sol. Normalement, un front froid penche vers l’arrière, mais si en surface le front est ralentit il va en toute logique se redresser.

Description schématique du flux dans un anafront froid classique, montrant la bande transporteuse chaude (flèche grisée) subissant une ascendance orientée vers l’arrière le long de la zone frontale. À gauche, une vue plane, à droite une coupe. Notons la bande étroite de front froid puis le léger ressaut de l’ascendance, puis la bande large de front froid. Warm Conveyor Belt : Bande Transporteuse Chaude, Cold front zone : zone frontale froide, Line convection : Convection en ligne, Low-level jet : jet de basses couches, Surface cold front : front froid de surface, up : vers le haut, down : vers le bas. Source : http://www.metoffice.gov.uk/media/pdf/s/8/Chapter_7._Fronts.pdf

En lien avec ces variations de températures et de vent, on note la formation d’un thalweg de la pression en surface qui est très marqué. Il se forme alors un véritable V, qui marque lui aussi la trace au sol du front.

Exemple du 02 Février 2016. Situation en pression mer et géopotentiel 500 hPa. Données du modèle français Arôme. Source : www.meteociel.fr

Cette signature dynamique confirme également l’intensité des processus en jeu.Pour résumer, la bande étroite de front froid se définit comme étant une région très étroite, quelques kilomètres (d’où son nom….) de fortes précipitations, s’étirant sur une longueur de 100 à 1000 kilomètres. Avec la bande étroite de front froid, nous avons les éléments suivants :
*un jet de basses couches très puissant en avant
*de vigoureuses ascendances le long d’une pente frontale quasi verticale

*à l’arrière immédiat de la bande étroite, une accalmie très temporaire
*une intrusion d’air froid et sec venu pour partie de la stratosphère, à l’arrière du front
En surface, on peut s’attendre à assister à un renforcement du vent et une baisse drastique de la pression, dans un contexte doux et humide, puis à des fortes précipitations temporaires, puis à une baisse drastique de la température, un affaiblissement du vent et une hausse de la pression.

La formation de la bande étroite de front froid

Les soulèvements au niveau de l’anafront froid sont d’abord initiés par l’écoulement de grande échelle. Il y a en particulier l’advection positive de tourbillon d’altitude, liée plus globalement au thalweg, à l’intrusion d’air stratosphérique en altitude, et à l’enfoncement de la troposphère. Puis, le front commence à s’emballer en quelque sorte. Le renforcement du gradient de température et la convergence de basses couches forcés plus ou moins indirectement par les ascendances éloignent alors l’atmosphère de son état d’équilibre. Pour compenser, une circulation secondaire se met en place pour rétablir l’équilibre mais cette circulation secondaire ne fait qu’amplifier la frontogénèse. Dit ainsi, cela peut sembler vachement pas très logique, mais nous nous abstiendrons ici de développer les processus frontogénètiques qui sont assez compliqués à expliquer. Toujours est-il qu’une fois la machine lancée, elle ne s’arrête pas si facilement.

Dans les cas d’un anafront froid, la frontogénèse se poursuit pour former une bande étroite de front froid. Les mécanismes mis en jeu sont alors assez différents, car ils interviennent à petite échelle et les équilibres de grande échelle ne sont alors plus tout à fait respectés. Un mécanisme qui est intéressant de noter, similaire à celui d’une ligne de grains, est la formation d’une piscine d’air froid à l’arrière du front froid. En effet, sous la pente frontale s’engouffre de l’air plus froid et sec de la bande transporteuse sèche. Les précipitations venues de la moyenne et haute troposphère traversent cette couche d’air sec. Les précipitations s’évaporent alors, et l’évaporation est un processus qui refroidit l’air ambiant. Ainsi, la bande large de précipitations exacerbe le refroidissement postérieur au passage du front froid. Tout comme dans les lignes de grains, il se forme un courant de densité qui provoque une légère hausse de la pression de surface associée à un refroidissement un peu plus exagéré que ce qui n’aurait dû être observé. Cette piscine d’air froid tend à renforcer la contraction du front froid par différents processus.
Cette piscine d’air génère notamment du tourbillon positif dans l’axe du front. Si le jet de basses couches génère lui aussi du tourbillon mais négatif, les deux peuvent se combiner pour renforcer les ascendances. En effet, c’est le principe de la roue. L’image tiré de Wikipédia présente le cas d’un vent croissant avec l’altitude, mais cela marche dans tout les sens.

La théorie de la roue. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9licit%C3%A9_%28dynamique_des_fluides%29

Au niveau de la bande étroite de front froid, il se passe donc à peu près ceci. Le courant de densité provoqué par l’évaporation des précipitations génère du tourbillon avec une rotation antihoraire, et le mouvement relatif au front génère du tourbillon avec une rotation horaire. Les deux se combinent pour renforcer les ascendances.

Le diagramme de gauche montre le flux relatif au mouvement de la surface frontale. Le vent relatif à la surface frontale décroit avec l’altitude, générant du tourbillon positif (à comparer avec l’image Wikipedia). Le crobar de gauche reprend ce cisaillement vertical de vent, et y a joute le tourbillon produit par la piscine d’air d’air froid. On voit que les deux tourbillons se combinent pour forcer les ascendances. Source : Koch, S. E., and P. J. Kocin, 1991: Frontal contraction processes leading to the formation of an intense narrow rainband. Meteor. Atmosph. Phys, 46, 123-154.

Un autre élément qui favorise les ascendances et la condensation de la vapeur d’eau au sein des ascendances. En effet, le jet de basses couches qui est forcé de s’élever est très riche en humidité. Il s’en suit que le refroidissement adiabatique généré par les mouvements verticaux forcent la condensation, d’où la formation des masses nuageuses, de la pluie, etc… Cette condensation a cependant un autre effet, qui est de libérer de la chaleur. Cette énergie favorise en retour les ascendances.

D’autres mécanismes prennent place pour expliquer la contraction de la bande étroite de front froid. Cependant, nous allons rester simples et nous en tenir à ces éléments. La frontogénèse est un sujet particulièrement complexe et votre serviteur n’est même pas sûr de pouvoir aborder la question sans finir par dire une bêtise.Pour résumer, la bande étroite de front froid est amorcé initialement par une frontogénèse classique avec des soulèvements de grandes échelles. Différentes mécanismes expliquent qu’ensuite le front se contracte jusqu’à former une bande étroite. Entre autres, l’un deux est la création de tourbillon à axe horizontal de sens opposé de part et d’autre de la surface frontale qui amplifient les ascendances. Un autre mécanisme est le relargage de chaleur latente dû à la condensation au sein des ascendances.

Les précipitations au sein de la bande étroite de front froid

Au niveau de la bande étroite de front froid, les ascendances ont également d’autres conséquences. En premier lieu, elles transportent très rapidement de l’eau liquide en altitude. Il existe alors une importante accumulation d’eau surfondue -i.e. d’eau liquide par des températures négatives- à basse et moyenne altitude.

Dû au très fort cisaillement horizontale de vent, la bande étroite de front froid en général se déforme. En effet, il existe à l’avant du front froid un jet de basses couches, avec des vents atteignant parfois plus de 30 nœuds. Par contre à l’arrière le vent est moins fort et n’a pas la même direction. Il se produit alors un très fort cisaillement de vent, qui crée des tourbillons.

Sur l’horizontale, si le vent est de plus en plus fort de la gauche vers la droite, cela va tendre à créer du tourbillon négatif.

. La théorie de la roue, à mésoéchelle. Les flèches bleues représentent le jet de basses couches. Source : https://www.e-education.psu.edu/worldofweather/files/worldofweather/idealizedschematic.png

Ces très forts cisaillements de vent tendent alors à « casser » la bande étroite en petits bouts dans les cas les plus extrêmes. Ils se forment alors des régions de fortes précipitations en forme d’ovale très allongé et qui sont légèrement incliné, de l’ordre de 30°, par rapport à la limite frontale en elle même. Et entre ces fortes précipitations, on retrouve des régions de trous. Pour l’information, la nomenclature anglaise tend à adopter les termes « precipitation core » et « gap region » pour ces éléments, ce qui peut se traduire par « cœur de précipitation » et « région de trou ». En général, quand on parle anglais on a l’impression que ça claque, mais quand on traduit cela paraît nettement moins sexy tout compte fait. Toujours est-il qu’à la connaissance du pimpim qui rédige ces quelques lignes, il n’y a pas de nomenclature en français pour ces structures, et il faudra se contenter de l’inspiration de votre serviteur pour trouver un nom qui claque.

Données d’observations (situation du 08 Décembre 1976) d’une bande étroite de front froid présentant des discontinuités. Gaps : trous, Large gaps : trous large, Velocity of Synoptic-Scale Front : Vitesse de déplacement du front d’échelle synoptique, Velocity of Precipitation Cores : Vitesse de déplacement des cœurs de précipitations, Mesoscale Front : front de mésoéchelle, Précipitations Cores : Cœur de précipitations. Références indiqués sur l’image.
Schéma théorique d’un front froid avec des trous. Le jet de basse couche côté chaud est indiqué par la grosse flèche « Strong warm flow » -fort flux chaud-. La flèche « Weak cold flow » -faible flux froid- indique l’advection d’air froid qui définit un front froid. Ce dernier ce déplace suivant la mince flèche « Direction of travel of interface » -direction de déplacement de l’interface-. Le front froid est sombrement dénommé « interface zone » dans ce schéma. Lorsque la ligne est continue simple, elle indique les régions de fortes précipitations (precipitation core dans la nomenclature anglaise). Lorsque la ligne est ondulée et multiple, elle indique les régions de trous (gap region dans la nomenclature anglaise). Notons que le front n’est pas explicitement tracé, mais il passe grossièrement par le centre des régions de trous. On voit alors clairement que les maximums de précipitations sont légèrement inclinés par rapport à la trace frontale. Source : http://www.metoffice.gov.uk/media/pdf/s/8/Chapter_7._Fronts.pdf
Le seul schéma en français de la déformation d’une bande étroite de front froid, à la connaissance de votre serviteur. Cela ne résout guère les problèmes de nomenclature… Image tiré de La convection orageuse dans tout ses états.

Pour les précipitations, la structure verticale joue également un rôle. Les puissantes ascendances au sein de la bande étroite, même si elles prennent place sur une profondeur assez faible, sont suffisantes pour générer du grésil voire de la grêle (notons que la « mini grêle » n’existe pas, soit c’est de la grêle -plus de 2 millimètres- soit du grésil -moins de 2 millimètres-) dans les cas les plus extrêmes.Pour résumer, les précipitations au sein d’un anafront froid ne prennent pas une structure continue. Au contraire, on note la présence de zones où les précipitations sont localement plus fortes, et des régions où les précipitations sont faibles. Au sein de la bande étroite de front froid, les puissantes ascendances permettent parfois la formation de grésil et grêle alors même que la situation n’est pas pas convective et que les ascendances sont relativement peu profondes. Tout ces éléments font de la bande étroite de front froid un objet très particulier dans le monde de la météorologie.

Situation du 30 Janvier 2016

Analyse synoptique de surface

Ainsi, nous allons étudier le passage du front froid ce 30 Janvier, qui nous offre un cas d’école, comme on dit, d’un anafront froid. Pour comprendre, nous allons revenir un peu en arrière, le 29 Janvier. Ce jour là, à minuit, une dépression, dénommée Leonie et centrée sur la Carélie russe, est en fin de vie. Rappelons que le vent souffle en laissant en moyenne les basses valeurs à senestre et les hautes valeurs à dextre. On distingue encore l’onde thermique de Leonie avec un petit minimum « chaud » sur le Donbass et la Crimée. Le reste de front chaud s’étire à travers l’extrême sud de la Russie européenne, le reste de front froid est sur l’Ukraine. En Europe Centrale, le vent souffle en longeant le gradient de température. En français clair et plein, cela veut dire que le vent ne souffle pas, soit du chaud vers le froid, soit du froid vers le chaud. Le vent souffle en restant dans l’air froid en Allemagne et Pologne, et souffle en restant dans l’air chaud en Autriche et Hongrie. Il se forme alors un front quasi stationnaire, une région où deux masses d’air se frottent l’une à l’autre sans chercher les embrouilles. Au sol, cela se traduit par une barre nuageuse avec peu ou pas de pluie associé. Par contre, sur l’Atlantique, la dépression qui va nous concerner est déjà particulièrement creuse. Elle a été nommé Marita par les Allemands, Gertrude par les Anglais, et l’onde est notée « Y » par les français. Le minimum dépressionnaire est à 969 hPa au sud de l’Islande. Le front chaud est à l’Est de la Grande Bretagne, tandis que le front froid est encore sur l’Atlantique.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 29 Janvier à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/


Avançons un peu dans le temps, au 29 Janvier à 12 UTC. La pression au centre de Marita-Gertrude-Y est tombé comme une pierre, et atteint au minimum 948 hPa. Le front chaud est déjà sur le Sud de la Scandinavie, tandis-que le front froid vient de balayer les îles britanniques. Les conditions sont particulièrement dégradées pour l’Irlande, le Royaume-Uni et la Norvège, qui se font sévèrement secouer. Notons que Marita-Gertrude-Y peut alors officiellement être considérée comme une bombe météorologique. La pression en son cœur a en effet chuté de 27 hPa environ en 24 heures, passant de 975 hPa le 28 à midi, à 948 hPa le 29 à midi. Elle atteindra son minimum le 29 à 18 UTC, avec 947 hPa.

La Belgique a simplement vu passer la pointe Sud du front chaud. Les températures sont devenues un peu plus douces, l’air est un peu plus humide, la nébulosité a augmenté, le vent souffle un peu plus fort, mais au bilan le front chaud passerait presque inaperçu.

Enfin, en Carélie, Leonie n’est pratiquement plus individualisable. L’onde thermique associé est pratiquement dissipée. Et sur l’Europe Centrale, le front quasi-stationnaire se meurt lentement.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa(vers 1500 mètres) le 29 Janvier à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 30 Janvier à 00 UTC, Marita-Gertrude-Y est en train de se combler. Sa pression est remontée à 951 hPa, alors qu’elle est au large de Bodø, Norvège. L’onde thermique commence également à s’affaiblir. Le front occlus est encore actif à travers la Scandinavie jusqu’au Pays Baltes, le front chaud tente de survivre en Russie Blanche. Par contre, le front froid qui s’étend à travers toute l’Europe ne semble pas vouloir suivre le même chemin que celui de Leonie. On pourra se rapporter à la situation du 29 à minuit pour comparer. Ce 30 Janvier, la limite frontale propose une petite ondulation avec une petite pointe du dôme chaud sur la mer du Nord. On note que le vent souffle cette fois-ci pleinement en travers le gradient de température de l’Angleterre au Danemark. En clair, le vent souffle du froid vers le chaud en Angleterre, puis du chaud vers le froid en Allemagne et au Danemark. Un ensemble front froid – front chaud veut se mettre en place.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 30 Janvier à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 30 Janvier à 06 UTC, l’ondulation thermique devient patente. C’est reparti pour un tour ! La masse d’air en bleue est ici la masse d’air maritime polaire (mP) et la masse d’air en vert est la masse d’air maritime tropical (mT) vont à nouveau s’affronter. On note que la masse d’air douce se fend d’une pointe jusqu’à Oslo. À travers la Manche et la mer du Nord, un nouveau front froid très actif se met en place. Nous sommes en plein dans le cas d’une frontogénèse avec une configuration d’anafront froid. Le front chaud quand à lui, au niveau de la Baltique et de la Poméranie, est quasiment inactif. Notons qu’il n’y a pas réellement de creusement dépressionnaire associé. Nous sommes dans le cas de fronts sans dépression, situation peu courante mais qui arrive de temps en temps. Enfin Marita-Gertrude-Y se comble en remontant vers le Nord (pression à 953 hPa). Il n’y a quasiment plus que l’air froid associée à cette dépression, et sur l’Europe de l’Est il n’y a plus de front vraiment actif. Il est alors intéressant de noter que les français ne change pas de nomenclature, et le front froid est toujours considéré comme le front froid de l’onde Y. En effet, c’est la même perturbation du champ de température qui est impliquée. Par contre, les allemands, s’intéressant aux minimums de pression, porte sur les fonds baptismaux le minimum à 972 hPa au Nord de l’Écosse, avec le doux nom de Marita II. Ce minimum de pression n’est cependant associé qu’à une très faible activité frontale. Dans le même temps, les anglais, qui eux aussi suivent les minimums de pression, n’accordent aucune importance au minimum écossais et garde le nom Gertrude pour le minimum norvégien et nomme Henry le minimum à l’autre bout de l’Atlantique à 968 hPa au large de Terre-Neuve (ce sera l’onde Z pour les français et Norysk pour les Allemands).

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 30 Janvier à 06 UTC (07h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 30 à 12 UTC, le front froid devient particulièrement développé. Il s’étire de la Bretagne à la Suède. Nous sommes au maximum de la frontogénèse, et la Belgique est en train de se faire balayer par un beau cas d’anafront froid. Marita-Gertrude continue de se combler, remontant à 955 hPa. Henry secoue l’Écosse, et Norysk sur l’Atlantique se comble un peu.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 30 Janvier à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 30 à 18 UTC, la masse d’air maritime polaire a bien progressé. À l’arrière, la monumentale anomalie de Norysk-Henry-Z progresse vers l’Europe.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 30 Janvier à 18 UTC (19h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 31 à 00 UTC, le front froid commence à perdre en activité. Le gradient de température continue de couper le champ de pressions (les plages de couleurs deviennent plus vertes tout en croisant les lignes blanches). Cependant, les lignes blanches commencent à se déserrer. La frontogénèse est passé.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 31 Janvier à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Ainsi ce front froid se présente dans une configuration classique de flux d’Ouest. Nous pouvons nous attendre alors à voir apparaître en surface le schéma classique d’un front froid, avec vent de Sud-Ouest doux et humide, passage de la bande étroite et de la trace au sol du front, basculement du vent au Nord-Ouest et enfin bande large de front froid. Voyons voir si c’est le cas.Pour résumer, dans la nuit du 30 Janvier, un front froid se forme sur la Manche et la Mer du Nord. Dans la journée, il balaye la France, le Bénélux et l’Allemagne, alors qu’il se déplace en moyenne du Nord-Ouest au Sud-Est. Ce front présente la particularité intéressante d’être un cas d’anafront froid en pleine frontogénèse. Cela promet un beau cas d’école…

Images radars

Regardons en premier lieu les observations qui nous permettent de voir l’évolution de ce front froid. Commençons par les données radars. Les données sont de qualités variables suivant les pays mais elles permettent déjà d’avoir un bon aperçu de la dynamique observée du front froid. De plus, l’accès aux données radars étant rarement gratuite, la qualité fluctue également d’une source à l’autre… Nous avons donc choisi de vous présenter deux cartographies différentes, pour mieux appréhender les phénomènes. Il est en particulier notable que l’affaiblissement très marqué des échos sur l’Allemagne est sans doute un peu artificiel.

Sur ces images nous notons deux grandes zones pluvieuses bien distinctes. À travers la France, le Bénélux, et l’Allemagne, nous retrouvons une vaste région de pluie qui correspond au front froid. Et sur l’Écosse et l’Irlande, nous avons une zone de pluie plus discontinue et avec une très nette courbure cyclonique. Ce sont des averses liées à la dépression écossaise.

Pour le front froid, nous voyons de suite qu’il possède les caractéristiques d’un anafront très actif. Il y a quelques faibles précipitations à l’avant du front, dans l’air chaud antérieur. Puis la bande étroite, très marqué avec sa rangée de pixels rouges, qui s’étire à travers France et Belgique. Cette bande se poursuit, mais de manière moins marquée, en Allemagne. À 11 UTC en particulier, on la voit longer la frontière Sud du Schleswig-Holstein. Immédiatement à l’arrière, nous notons un léger creux de précipitations. Puis la bande large prend place.

Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 11 UTC (12h locales heure de Bruxelles). Source : http://europa.buienradar.nl/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 12 UTC (13h locales heure de Bruxelles). Source : http://europa.buienradar.nl/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 13 UTC (14h locales heure de Bruxelles). Source : http://europa.buienradar.nl/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 10 UTC (11h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 11 UTC (12h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 12 UTC (13h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/

Si nous regardons plus en détail sur la France l’image radar, nous voyons apparaître de curieuses structures. La bande étroite de front froid n’est pas une ligne continue, mais forme des noyaux oblongues de fortes précipitations, légèrement incliné par rapport à l’axe de front. Entre, s’intercalent des zones de faibles précipitations. Ce sont les cœurs de précipitations et les régions de trous que nous avions vu en théorie précédemment.

Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 12h30 UTC (13h30 locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/

Pour résumer, les radars montrent une structure classique des anafronts froids. Quelques faibles précipitations se produisent dans l’air chaud préfrontal. Au niveau du front, la bande étroite de front froid présente de fortes intensités pluviométriques. Cette bande étroite n’est pas une ligne continue mais forme des régions de précipitations renforcés et de régions de faibles précipitations. Puis une accalmie tout relative est visible. Et enfin, la bande large de front froid avec des intensités pluviométriques plus faible mais étendues sur une plus grande superficie.

Pointage de surface

Nous pouvons analyser également les données de surface. Nous avons dit que pour la bande étroite de front froid, un élément caractéristique est la bande transporteuse chaude, avec un fort vent de Sud-Ouest chaud et humide à l’avant, suivi par un vent de Nord-Ouest plus faible. Les données de vent mettent en évidence ce phénomène. Il y a sur la France et l’Allemagne un couloir de vent fort, qui s’étire de Saint-Nazaire à Hamburg, et passe dans le sud de la région parisienne et à travers les Ardennes. À l’arrière, le vent est plus faible, et de direction Nord-Ouest. Le front est donc une zone de discontinuité marquée. Au sol, la trace frontale serait tracé au milieu de cette discontinuité, entre les vents de Sud-Ouest et les vents d’Ouest à Nord-Ouest.

Vent observé à 10 mètres (barbules) et vitesse dudit vent (plage de couleur) le 30 Janvier à 12 UTC. Données des stations synoptiques et amateurs, mise en forme par Infoclimat. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes/observations-meteo/temps-reel/temperature/france.html

De plus les températures du point de rosée (température à laquelle la vapeur d’eau condense) montre un axe de forte valeur au niveau de l’axe du jet de basses couches. Les valeurs atteignent  11°C à 12°C pour la côte Atlantique, et s’étirent jusqu’à 5°C ou 6°C pour la région d’Hamburg. À l’arrière, les points de rosées sont nettement plus faibles, de l’ordre de 6°C à 7°C pour la Bretagne jusqu’à 3°C ou 4°C pour la Frise. L’axe d’air doux et humide est un peu difficile à identifier clairement dans les observations, car, comme dit, la surface perturbe énormément le champ de température et il est souvent difficile d’y voir clair.

Points de rosée observés à 2 mètres du sol le 30 Janvier à 12 UTC. Données des stations synoptiques, mise en forme par Ogimet. Source : http://ogimet.com/

Pour résumer, les radars montrent une structure classique des anafronts froids. Quelques faibles précipitations se produisent dans l’air chaud préfrontal. Au niveau du front, la bande étroite de front froid présente de fortes intensités pluviométriques. Cette bande étroite n’est pas une ligne continue mais forme des régions de précipitations renforcés et de régions de faibles précipitations. Puis une accalmie tout relative est visible. Et enfin, la bande large de front froid avec des intensités pluviométriques plus faible mais étendues sur une plus grande superficie.

Données satellites

Les images satellites permettent également d’illustrer la dynamique en jeu. Commençons par une image en fausse couleur composé en infra-rouge et visible. Les images sont à 09, 12, et 15 UTC et une image sur un domaine un peu plus large est proposée pour 12 UTC. Nous pouvons noter en premier lieu les quelques nuages bas présents sur l’Europe Centrale, les restes du front quasi stationnaire que Leonie a laissé traîné derrière elle.
Le plus important pour nous est le système nuageux qui s’étend de l’Atlantique à la Scandinavie. Sur les Cornouailles à 09 UTC puis sur la Normandie à 12 UTC et enfin sur la Picardie à 15 UTC, on note un véritable « coin » aux bords très net. C’est la signature de l’enfoncement de la tropopause à l’arrière du front, qui provoque à l’avant un soulèvement de la masse d’air. Le maximum de dynamisme transite donc par l’Angleterre et le Royaume-Uni. La difficulté vient du fait que les cirrus de Norysk déborde déjà et sont à une altitude folle pour la saison, masquant partiellement la scène.
De plus, l’asséchement est tellement marqué que l’Angleterre expérimente localement un ciel clair (à comparer avec les radiosondages présentés un peu plus loin). 
Le sommet des nuages sur la France à 12 UTC a un aspect « grumeleux » qui indique la puissance des ascendances et le cisaillement d’altitude. C’est un autre marqueur d’une situation particulièrement dynamique.

Image composé des canaux IR et visible montrant en rosé les nuages d’altitude, en bleu très clair les nuages de moyenne altitude et en blanc cassé les nuages de surface. Image du 30 Janvier à 09 UTC. Source : http://www.woksat.info/wos.html
Image composé des canaux IR et visible montrant en rosé les nuages d’altitude, en bleu très clair les nuages de moyenne altitude et en blanc cassé les nuages de surface. Image du 30 Janvier à 12 UTC. Source : http://www.woksat.info/wos.html
Image composé des canaux IR et visible montrant en rosé les nuages d’altitude, en bleu très clair les nuages de moyenne altitude et en blanc cassé les nuages de surface. Image du 30 Janvier à 15 UTC. Source : http://www.woksat.info/wos.html

La vue plus large de 12 UTC confirme ces éléments. On note l’aberration qu’est Norysk sur l’Atlantique, avec des sommets nuageux qui dépassent les 14 000 mètres… Plus débile que ça, tu meurs. Le bouclier de cirrus aborde déjà le continent, l’image étant ainsi faite qu’on peut voir par transparence à travers ces cirrus surplombant tout le monde. On peut ainsi deviner que le bord d’attaque de l’anomalie se poursuit même sous les cirrus, vers la Bretagne et plus loin l’Irlande, même si elle perd de sa netteté alors. Sur l’Écosse, une dépression faiblement active tournicote. Un petit front occlus s’enroule en écharpe autour, et quelques cellules convectives ouvertes complètent le paysage. Sur l’Europe, la masse nuageuse de l’anafront froid se distingue mais visuellement sur le satellite on ne note aucune caractéristique vraiment remarquable.

Image composé des canaux IR et visible montrant en rosé les nuages d’altitude, en bleu très clair les nuages de moyenne altitude et en blanc cassé les nuages de surface. Image du 30 Janvier à 09 UTC. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes-meteo-temps-reel-images-satellites-infrarouge-visible-haute-resolution.html

Plus intéressant sans doute est l’image masse d’air RGB. Elle combine les canaux ozone, vapeur d’eau, et infra rouge, pour mieux mettre en évidence les anomalies d’altitudes et les masses d’airs. Cela indique donc l’enfoncement de tropopause. La dominante plutôt bleu violet indique une masse d’air froide. Par contre, sur l’Irlande et l’Angleterre on note une teinte plus rouge, qui indique l’anomalie d’altitude qui vient s’enfoncer en coin dans la masse nuageuse sur le continent. On note que cette anomalie a une grande extension horizontale, et elle s’enroule tout du long sur l’Atlantique, depuis le Groenland jusqu’à notre beau pays. On note également, même si ce n’est pas en rapport direct avec le sujet, les teintes rouges à nouveau au dessus du Maghreb. C’est une anomalie d’altitude qui s’était isolée au passage de Leonie et qui continue de tourner en rond sur place. On note aussi l’arrivé par l’Atlantique de Norysk-Henry-Z (toujours lui…) qui ramène de l’air excessivement doux et humide pour la saison, visible par les teintes vertes sur l’Océan.

Image composé des canaux IR, vapeur d’eau, et ozone, montrant en rouge les anomalies d’altitude, en bleu les régions froides et en vert les régions chaudes. Image du 30 Janvier à 12 UTC. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes-meteo-temps-reel-images-satellites-infrarouge-visible-haute-resolution.html

Pour montrer de manière encore plus net cette anomalie, nous pouvons regarder l’imagerie vapeur d’eau. Le problème, à nouveau, est le débordement du bouclier de cirrus qui surplombe le bord d’attaque de l’anomalie, qui est moins nettement visible. On note cependant à nouveau que l’anomalie travers l’Irlande et l’Angleterre et vient jouer son rôle de bulldozer.

Image vapeur d’eau à 12 UTC. En bleu-vert les régions sèches, et en jaune-orangé les régions humides en moyenne et haute troposphère. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes-meteo-temps-reel-images-satellites-infrarouge-visible-haute-resolution.html

Il est notable qu’il serait préférable de regarder des animations et il faut avoir le réflexe de faire une animation. La voici :

Animation d’images, de 06 UTC à 18 UTC. Images composé des canaux IR, vapeur d’eau, et ozone, montrant en rouge les anomalies d’altitude, en bleu les régions froides et en vert les régions chaudes. Image du 30 Janvier à 09 UTC. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes-meteo-temps-reel-images-satellites-infrarouge-visible-haute-resolution.html

La qualité est un peu détruite par la conversion JPG – GIF mais le GIF, c’est robuste…La progression de l’anomalie d’altitude se voit nettement, partant du Groenland, elle s’enfonce progressivement vers le Sud et soulève la masse nuageuse à l’avant. On peut aussi noter la dominante verte sur la France en matinée, ce qui indique la présence d’air chaud et humide. C’est la bande transporteuse chaude qui se laisse deviner, avant qu’elle ne finisse totalement sous le front.Pour résumer, les images satellites montrent particulièrement bien l’anomalie d’altitude qui vient soulever la masse d’air à l’avant. L’advection chaude de basses couches est plus difficile à cerner car elle est surplombée par le corps nuageux du front. Sur ces images, l’anafront froid présente quelques caractères particuliers. L’élément le plus notable est bord d’attaque de l’anomalie, plus ou moins bien défini selon les cas, à l’arrière du front. La puissance des ascendances se devine également à l’aspect grumeleux du sommet des nuages.

Données de Lille-Lesquin

Nous pouvons étudier le passage de ce front froid dans une ville particulière, pour mettre en évidence la séquence des événements. Prenons le cas de la station de Lille-Lesquin. L’évolution des paramètres pour cette station est tout à fait caractéristique. Jusque vers 11h00 UTC, nous avons un régime pour ainsi dire stationnaire. Les températures sont douces, le point de rosée est élévée, et il pleut faiblement dans le secteur chaud. Le vent est de secteur Sud-Ouest (direction 210°C) particulièrement fort avec des rafales à 18 m/s (soit pratiquement 70 km/h). C’est la bande transporteuse chaude qui passe. La pression tombe comme une pierre, en cohérence avec le vent très fort. À 11h00 UTC, on note une brusque remontée de la pression, et le vent commence à virer. C’est alors que passe la bande étroite. Il tombe en l’espace de 20 minutes, environ 2.2 millimètres de pluie avec une pointe vers 11h05 au delà de 14 mm/h. Autant dire que cela rince… La pression effectue ce qu’on appelle parfois un crochet, c’est-à-dire une forte et brève remontée après une chute continue. Puis on note une brève accalmie à l’arrière immédiat de la bande étroite de front froid. Il cesse de pleuvoir l’espace d’un quart d’heure. La température et le point de rosée sont quand à eux en chute libre. Vers 11h30 UTC, la pluie reprend, modérée. C’est la bande large de front froid. La bande étroite est plus performante sur la durée. Ainsi les intensité de pluies sont plus faibles (de l’ordre de 2 ou 3 mm/h ) mais elle dure jusqu’à 13h00 UTC. Ainsi il tombe entre 11h30 et 13h00 UTC 3.2 millimètres. Notons aussi la relativement bonne corrélation de la pression et de la température. La pression augmente avec la baisse de la température et du point de rossée ; puis diminue avec leur hausse respective. Elle forme ainsi une petite « bosse » de fortes pressions entre 12h00 UTC et 12h30 UTC. C’est la piscine d’air froid, formée par l’évaporation des précipitations. Le vent quand à lui s’est nettement calmé. Il a subi une rotation très marqué, passant de Sud-Ouest (210°) à Nord-Ouest (300°) en l’espace d’une heure. Puis il revient progressivement plus à l’Ouest, tout en continuant à faiblir nettement. Après 14h UTC, le front froid a évacué la région et l’évolution des paramètres à la station n’est alors plus pilotée par cette structure.

Précipitations en dixième de millimètre -courbe verte-, température en °C -courbe bleue-, point de rosée en degrés Celsius -courbe orange- sur l’échelle de gauche ; pression en hectopascals -courbe violette- sur l’échelle de droite ; à la station de Lille-Lesquin le 30 Janvier 2016.
Précipitations en dixième de millimètre -courbe verte-, température en °C -courbe bleue-, point de rosée en degrés Celsius -courbe orange- sur l’échelle de gauche ; pression en hectopascals -courbe violette- sur l’échelle de droite ; à la station de Lille-Lesquin le 30 Janvier 2016.

De plus, même si la hauteur de la nébulosité n’est pas indiquée sur ses graphiques, on peut noter une certaine logique dans celle-ci. Les plafonds, jusque vers 10 UTC, dans l’air chaud et humide, étaient particulièrement bas. La couche principale était en stratocumulus, très nuageux à couvert, entre 300 et 400 mètres au dessus du sol.Pour résumer, les données de Lille montrent les caractéristiques classiques du passage d’un anafront froid :
*faibles précipitations, temps doux et humide, nuageux, vent fort de Sud-Ouest
*bande étroite de front froid, avec une forte intensité pluviométrie, un saut de pression, et un changement brusque de la direction du vent, suivi par un bref moment de faibles précipitations. La température et l’humidité baisse
*bande large de front froid, avec un refroidissement marqué, un maximum de pression, et un vent de Nord-Ouest beaucoup plus faible
*l’évacuation du front avec mise en place de la traîne (peu active) et la poursuite du refroidissement. La pression repart légèrement à la baisse.

Radiosondages

Il existe une autre source d’observations intéressante que sont les radiosondages (souvent délaissés malheureusement). Par chance, la station de Trappes a réalisé un sondage alors que le front était à peine plus au Nord-Ouest. Ainsi, le sondage a pu mesuré les conditions dans la bande transporteuse chaude, et offre des données intéressantes à étudier. Malheureusement, MétéoFrance réalise de nos jours leurs radiosondages comme des branques -pour rester poli- et il faudra s’en contenter.

Nous allons commencer dans le secteur chaud puis remonter vers le Nord-Ouest pour traverser le front. À Idar-Oberstein, largement à l’avant du front froid, nous avons un radiosondage typique d’un secteur chaud. Le courant jet de basses couches commence déjà à se dessiner, mais pour l’instant la ville reste à l’écart du dynamisme du front froid. On note simplement la présence d’une saturation de basses couches, qui indiquent la présence d’une solide chape de stratocumulus. Rien que du très classique pour la saison. Cette chape de stratocumulus a pu donner quelques précipitations préfrontales par épaisseur.

Radiosondage atmosphérique effectué à Idar-Oberstein, Allemagne, le 30 Janvier à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

On note sur le radiosondage une tropopause haute pour l’époque de l’année, vers 10 500 mètres d’altitude. On note aussi un profil pratiquement saturé sur la profondeur, ce qui se traduit par une colonne d’air fortement chargé en humidité avec un contenu en eau précipitable d’un peu plus de 20 millimètres. On note également un très puissant jet de basses couches, avec un maximum à 850 hPa (1449 mètres exactement à Trappes ce jour) de pratiquement 120 km/h. Cela commence à booster…

Radiosondage atmosphérique effectué à Trappes, France le 30 Janvier à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

Au même instant, Essen est aussi aux prises avec le jet de basses couches. Les deux sondages sont très similaires. La tropopause est là aussi rejeté vers 10 500 mètres, le jet de basses couches dépassent les 110 km/h et le profil est extrêmement humide pour la saison et la station avec un contenu en eau précipitable de pratiquement 18 millimètres.

Radiosondage atmosphérique effectué à Essen, Allemagne, le 30 Janvier à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

À ce moment, le front se déplace en gros à 310° pour 15 m/s. Avec un peu de trigo -en espérant que votre serviteur ne se soit pas planté…- on peut calculer le vent relatif à la pente frontale. Le résultat est présenté ci-dessous. Une valeur négative indique que dans le repère lié au front, le vent fonce sur ce dernier. Au contraire, une valeur positive indique que le vent s’en éloigne. On note sur les deux diagrammes que le vent relatif au front est maximum en surface et décroit rapidement avec l’altitude. D’une part, cela indique une convergence de basses couches qui renforce le front. D’autre part, d’après la théorie de la roue, le vent tendra alors à tourner dans le sens horaire relativement au front. Et donc, en liaison avec le tourbillon de la piscine d’air froid, cela peut forcer les ascendances.

Composante du vent horizontale perpendiculaire au front dans un référentiel lié à ce dernier. Données calculées pour Essen, Allemagne.
Composante du vent horizontale perpendiculaire au front dans un référentiel lié à ce dernier. Données calculées pour Trappes, France

Si nous regardons les radiosondages un peu en arrière du front, nous avons là aussi de quoi dire. À Nottingham, on note l’enfoncement spectaculaire de la tropopause, qui tombe vers 6 900 mètres. C’est à comparer à l’image satellite qui montrait un vigoureux enfoncement de tropopause. On retrouve également une grosse poche d’air froid et sec entre 450 et 600 hPa. C’est la signature de la bande convoyeuse chaude et de l’enfoncement de troposphère. Entre 400 et 450 hPa il reste une mince couche d’air relativement plus chaud et humide qui pourrait être l’intrusion d’air plus chaud et humide poussé par Norysk – Henry – Z (et qui apportera quelques fameux record en Europe, pour pas changer…).

Radiosondage atmosphérique effectué à Nottingham, Royaume-Uni, le 30 Janvier à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

L’enfoncement de tropopause et l’intrusion d’air sec concerne alors toute l’Angleterre. Ici à Albermale, au Nord de Nottingham, la tropopause est un peu plus haute, autour de 7500 mètres, mais reste dans l’absolu assez basse.

Radiosondage atmosphérique effectué à Albermale, Royaume-Uni, le 30 Janvier à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

À cet égard, le sondage de Camborne est intéressant car le front est déjà passé, mais l’enfoncement de tropopause n’est pas encore arrivé.

Radiosondage atmosphérique effectué à Camborne, Royaume-Uni, le 30 Janvier à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

La ville étant sans doute aussi victime en partie de l’aberration qu’est Norysk-Henry-Z.Pour résumer, les radiosondages montrent la séquence du passage de l’anafront froid. En premier lieu, un profil chaud et humide mais non totalement saturé à Idar-Oberstein, puis un profil de corps à Essen et Trappes avec une saturation sur la profondeur et un jet de basses couches, puis un asséchement de mi troposphère qui s’étendent à l’ensemble de la colonne atmosphérique avec un enfoncement très nette de tropopause.

Données modèles

Les modèles vont permettre de rassembler ces éléments pour tracer le déroulé de la frontogenèse. Le 30 Janvier à 00 UTC, nous avons donc le cyclone Marita-Gertrude-Y qui s’éloigne, laissant derrière lui une zone barocline qui a déjà un début d’ondulation :

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 30 Janvier à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Dans le même temps, en cohérence avec les images satellites que nous avons décortiqué, nous notons la descente vers le Sud d’un profond thalweg dynamique et thermique à 500 hectopascals. 

Situation en géopotentiel 500 hPa (en décamètres) et température 500 hPa (en °C) le 30 Janvier à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Au cours de la journée, ce thalweg va rapidement balayer l’Angleterre et la France. On peut noter à quel point les images satellites suivent avec précision l’enfoncement de ce thalweg.

Situation en géopotentiel 500 hPa (en décamètres) et température 500 hPa (en °C) le 30 Janvier à 06 UTC (07h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

À 12 UTC, le coin du thalweg s’enfonce sur la Normandie. Notons que l’anomalie s’étend depuis le Groenland jusqu’aux Îles Britanniques, en cohérence avec l’image satellite et les radiosondages. À ce thalweg est associé une puissante anomalie de tropopause, avec un enfoncement de l’air stratosphérique vers le Sud et le sol.

Situation en géopotentiel 500 hPa (en décamètres) et température 500 hPa (en °C) le 30 Janvier à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Tandis qu’à 18 UTC il s’évacue déjà et laisse place à la monumentale anomalie douce de Norysk-Henry-Z :

Situation en géopotentiel 500 hPa (en mètres) et température 500 hPa (en °C) le 30 Janvier à 18 UTC (19h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Pour illustrer un aspect particulier de ce dynamisme, nous pouvons revenir à ce que nous disions sur l’advection de tourbillon. Quand l’advection de tourbillon est positive elle implique de la divergence. Au contraire, quand l’advection de tourbillon est négative, elle implique de la convergence. Nous allons étudier les advections de tourbillons à 500 hPa et 300 hPa le 30 Janvier à 12 UTC.

Situation en géopotentiel 500 hPa (en mètres) et advection de tourbillon (1/h²) le 30 Janvier à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/
Situation en géopotentiel 300 hPa (en mètres) et advection de tourbillon (1/h²) le 30 Janvier à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Nous pouvons voir qu’en toute logique, l’advection de tourbillon tend à être négative quand l’air entre dans le thalweg. Au contraire, en sortie de thalweg, l’advection tend à devenir positive. On peut noter que l’advection négative de tourbillon sur l’aval du thalweg correspond pas trop mal à l’anomalie de tropopause noté précédemment sur les images satellites. Il y aurait possibilité de mettre mieux en évidence l’anomalie de tropopause, mais tous ces éléments sont liés en tout cas.

Les données modèles vont nous être utiles pour effectuer une coupe transversale à travers le front, le 30 Janvier à 12 UTC. La coupe se fait dans le sens de déplacement, donc l’arrière du front sera sur la gauche et l’avant sur la droite. Nous partirons des données du modèle états-unien GFS. L’axe de coupe est indiqué dans la petite carte en bas à gauche par le trait plein noir. Nous commencerons par une coupe verticale selon la verticale de la θ’w, une température corrigée de l’altitude et de l’humidité en quelque sorte. Les couleurs chaudes indiquent des valeurs chaudes, et réciproquement. La pente frontale suit approximativement l’iso 23°C. Pour la règle générale, pour un front chaud ou froid, il faut se placer du côté chaud du plus fort gradient et prendre une valeur qui atteint la surface évidement.

Coupe transversale en θ’w selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle états-unien GFS. Source : www.meteociel.fr

Nous pouvons ensuite regarder le vent transversal à la coupe, c’est-à-dire le vent qui traverse la coupe. Nous pouvons noter la présence d’un maximum près de la surface juste en avant la limite frontale décrit précédemment. C’est le jet de basses couches. En altitude, le jet polaire est également présent. On note qu’il est en retrait du jet de surface, et il est sur le bord d’attaque de l’anomalie de tropopause. La zone de vent négatif derrière n’a pas de signification particulière, elle est liée à la situation du moment mais n’interfère pas avec le front, l’axe de coupe étant assez large.

Coupe transversale en vent transversal selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle états-unien GFS. Source : www.meteociel.fr

En lien avec ces deux éléments, la vitesse vertical. Nous notons deux pôles de convections. Le premier, sous 700 hPa est qui pointe au maximum à -50 ou -60 hPa / h (soit de l’ordre de 20 cm/s d’ascendances, mais le modèle sous estime sans doute), correspond à la bande étroite de front froid. Ces ascendances prennent place dans la région où la pente frontale est pratiquement verticale, juste après le courant jet de basses couches. On note un pôle de subsidence à 12 hPa / h juste à côte rappelle que les subsidences ne sont pas loin et peuvent justifier un creux temporaire de précipitations après la bande étroite. Puis en altitude, nous avons une zone d’ascendances qui s’étire vers l’arrière du front (donc vers la gauche). Cette zone d’ascendance présente deux maximums, un à -55 hPa / h vers 600 hPa et un autre à -20 hPa / h vers 400 hPa. Ce sont les ascendances de la bande large de front froid. Notons que les ascendances suivent parfaitement bien la pente frontale précédemment définie. Nous retrouvons également les zones de subsidences sous le front froid.

Coupe transversale en ω selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle états-unien GFS. Source : www.meteociel.fr

Pour résumer, les radars montrent une structure classique des anafronts froids. Quelques faibles précipitations se produisent dans l’air chaud préfrontal. Au niveau du front, la bande étroite de front froid présente de fortes intensités pluviométriques. Cette bande étroite n’est pas une ligne continue mais forme des régions de précipitations renforcés et de régions de faibles précipitations. Puis une accalmie tout relative est visible. Et enfin, la bande large de front froid avec des intensités pluviométriques plus faible mais étendues sur une plus grande superficie.

Situation du 02 Février 2016

Analyse synoptique de surface

Le 02 Février, un autre cas d’anafront froid se présente à nouveau en flux d’Ouest. L’exposé sera plus bref, maintenant que sommes rodés. Le 01er Février à minuit UTC, Marita I  et II-Gertrude-Y se trouve donc sur la Scandinavie. Le minimum lapon à 971 hPa est Marita I-Gertrude, le minimum norvégien à 971 hPa est Marita II. Sur l’Atlantique, le minimum à 950 hPa est Norysk-Henry-Z, qui apporte un front chaud immense s’étirant du Sud de l’Islande à l’Allemagne et des records à sa démesure

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 01er Février à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 02 à minuit UTC, la pression au sein de Norysk est remontée à 965 hPa. Son front froid reste par contre actif, tendu des Açores à la Baltique. Le gradient thermique passe en plus à travers le champ de pression. Le vent tend donc donc à advecter du froid depuis l’Atlantique, vers l’Europe.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 02 Février à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 02 à 06 UTC, le front froid se coupe de la dépression. Météo France continue de le noter Z donc, puisque c’est la même onde thermique alors que la pression au sein de Norysk-Henry remonte à 968 hPa (si certains commencent à être perdu, se référer à la discussion sur le cas du 30 janvier).

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 02 Février à 06 UTC (07h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 02 à 12 UTC, Norysk-Henry continue à perdre du punch. Sa pression remonte à 972 hPa. Pendant ce temps, le front froid se renforce visiblement, avec une accentuation de l’ondulation sur la France. C’est reparti pour un tour !

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 02 Février à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 02 à 18 UTC l’onde Z atteint son maximum d’activité. L’advection de la masse d’air maritime est très nettement visible sur la France, avec une plage verte qui s’enfonce en coin sur le centre du pays. Le vent, si on suit la logique (laissant les basses valeurs à main gauche et les hautes valeurs à main droite) devrait être d’Ouest sur le centre de la France. Cependant, l’approximation marche moins bien en surface et le frottement concourt à dévier le flux vers les basses valeurs. Ainsi le vent de surface est probablement Sud-Ouest, en pleine dans l’axe de l’advection maritime tropical. Les deux vont bien ensemble… On notera que Norysk-Henry gagne encore 2 hPa à 974 hPa. Cependant, il reste relativement vigoureux, sans doute plus forcé par l’activité convective que par la baroclinicité à proprement parler.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 02 Février à 18 UTC (19h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

Le 03 Février à minuit UTC, le front commence à s’affaiblir à nouveau. Notons le relâchement du gradient de pression sur le Sud de la France et de l’Allemagne (visuellement, les isobares sont moins serrés). L’advection d’air froid se poursuit (le gradient de température étant toujours en plein travers du champ de pression) mais l’affaiblissement du gradient de pression implique un affaiblissement du vent, et donc de l’advection au final. Le front est bien en train de perdre de son jus.

Situation en pression mer (traits continues blancs) et thêta E à 850 hPa (vers 1500 mètres) le 03 Février à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

En surface, nous confirmons ces éléments avec les observations du vent de surface et du point de rosé. À 12 UTC, on a le jet de basses couches associé à un axe de point de rosées élevés. La cassure du vent est parfois très net.

Vent observé à 10 mètres (barbules) et vitesse dudit vent (plage de couleur) le 02 Février à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données des stations synoptiques et amateurs, mise en forme par Infoclimat. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes/observations-meteo/temps-reel/temperature/france.html
Points de rosée observés à 2 mètres du sol le 02 Février à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données des stations synoptiques et amateurs, mise en forme par Infoclimat. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes/observations-meteo/temps-reel/temperature/france.html

À 15 UTC, le front a progressé vers le Sud. Le jet de basses couches c’est donc lui aussi décalé au Sud, avec l’axe d’humidité. On peut noter à quel point la trace frontale est aisé à retrouver.

Vent observé à 10 mètres (barbules) et vitesse dudit vent (plage de couleur) le 02 Février à 15 UTC (16h00 locales heure de Bruxelles). Données des stations synoptiques et amateurs, mise en forme par Infoclimat. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes/observations-meteo/temps-reel/temperature/france.html
Points de rosée observés à 2 mètres du sol le 02 Février à 15 UTC (16h00 locales heure de Bruxelles). Données des stations synoptiques et amateurs, mise en forme par Infoclimat. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes/observations-meteo/temps-reel/temperature/france.html

Images radars et satellites

Les données radars montrent la progression de cet anafront froid vers le Sud-Est, et la mise en place de la bande étroite de front froid et de la bande large de front froid. Les images sont chacune espacées d’une heure de temps sauf celle de 13 UTC qui est en fait à 13h15 UTC. À 09 UTC, le front n’est pas encore très bien structuré. Il est notable que ce n’est pas avant 11 UTC que les éléments se mettent réellement en place. Auparavant, une légère diffluence en mi troposphère contrecarre la structuration du front. Puis le front se renforce progressivement, et à 15 UTC la structure classique d’un anafront se dessine nettement. Il n’est certes pas follement actif, mais on a un autre cas intéressant. On peut aussi noter qu’à l’arrière du front froid nous avons la mise en place d’un régime d’averses, ce qui n’était pas le cas le 30 Janvier. Ce régime d’averses se note par l’aspect moucheté du radar, chaque tâche correspondant à une cellule.

Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 09 UTC (10h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 10 UTC (11h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 11 UTC (12h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 12 UTC (13h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 13 UTC (14h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 14 UTC (15h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/
Image composite radar pour l’Europe, le 30 Janvier à 15 UTC (16h locales heure de Bruxelles). Source : http://www.radareu.cz/

Et une petite animation pour mieux mettre en relief l’évolution (il y a eu quelques problèmes de cadrages à la sauvegarde des images…) :

Tandis que les images satellites mettent bien en évidence l’enfoncement de tropopause (teintes plutôt rouge) et le déferlement de l’air maritime polaire à l’arrière du front froid (teintes violacés). L’air maritime tropical étant quand à lui solidement établi sur l’Europe (teintes vertes). On peut noter un enfoncement de tropopause qui accompagne Norysk-Henry et maintient son activité convective. Pour le front qui nous concerne, on voit sa masse nuageuse avec les nuages à fort développement vertical (teintes bleutés) et une autre anomalie de tropopause, distincte de celle de Norysk-Henry, qui vient s’enfoncer vers le Sud.

Image composé des canaux IR, vapeur d’eau, et ozone, montrant en rouge les anomalies d’altitude, en bleu les régions froides et en vert les régions chaudes. Image du 02 Février à 09 UTC. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes-meteo-temps-reel-images-satellites-infrarouge-visible-haute-resolution.html
Image composé des canaux IR, vapeur d’eau, et ozone, montrant en rouge les anomalies d’altitude, en bleu les régions froides et en vert les régions chaudes. Image du 02 Février à 12 UTC. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes-meteo-temps-reel-images-satellites-infrarouge-visible-haute-resolution.html
Image composé des canaux IR, vapeur d’eau, et ozone, montrant en rouge les anomalies d’altitude, en bleu les régions froides et en vert les régions chaudes. Image du 02 Février à 15 UTC. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes-meteo-temps-reel-images-satellites-infrarouge-visible-haute-resolution.html
Image composé des canaux IR, vapeur d’eau, et ozone, montrant en rouge les anomalies d’altitude, en bleu les régions froides et en vert les régions chaudes. Image du 02 Février à 18 UTC. Source : http://www.infoclimat.fr/cartes-meteo-temps-reel-images-satellites-infrarouge-visible-haute-resolution.html

Une vue en fausses couleurs permet d’apprécier la subsidence à l’arrière de l’anomalie, qui à nouveau assèche complétement le Royaume-Uni (à comparer avec les radiosondages présentés un peu plus loin). Ce dernier se retrouve sans un nuage par endroit. Le bord d’attaque de l’anomalie est cependant moins marqué que le 30 Janvier 2016.

Image composé des canaux IR et visible montrant en rosé les nuages d’altitude, en bleu très clair les nuages de moyenne altitude et en blanc cassé les nuages de surface. Image du 02 Février à 12 UTC. Source : http://www.woksat.info/wos.html
Image composé des canaux IR et visible montrant en rosé les nuages d’altitude, en bleu très clair les nuages de moyenne altitude et en blanc cassé les nuages de surface. Image du 02 Février à 15 UTC. Source : http://www.woksat.info/wos.html

Et l’animation qui montre l’évolution permet de rassembler ces éléments.

Données de Charleville-Mézières et radiosondages

Les données prises tout du long à Charleville-Mézières viennent confirmer le passage d’un anafront froid. Quelques faibles précipitations préfrontales sous le stratocumulus sont présentes, avec un fort vent de Sud-Ouest et des températures douces. À 15 UTC, la bande étroite passe avec son crochet de précipitations, le vent qui vire, et la température qui se prend un gadin. Puis la bande large circule, avec des précipitations continues mais plus modérées, des températures qui baissent doucement, une pression qui remonte et un vent de Nord-Ouest qui a bien faibli.

Précipitations en dixième de millimètre -courbe verte-, température en °C -courbe bleue-, point de rosée en degrés Celsius -courbe orange- sur l’échelle de gauche ; pression en hectopascals -courbe jaune- sur l’échelle de droite ; à la station de Charleville-Mézières le 02 Février.
Précipitations en dixième de millimètre -courbe verte-, température en °C -courbe bleue-, point de rosée en degrés Celsius -courbe orange- sur l’échelle de gauche ; pression en hectopascals -courbe violette- sur l’échelle de droite ; à la station de Charleville-Mézières le 02 Février 2016.

Les radiosondages à travers le front montre les éléments déjà cités. À Payerne, à l’avant du front, il ferait presque beau si ce n’était pour les quelques stratocumulus du secteur chaud. le vent de Sud-Ouest est établi sans être excessif.

Radiosondage atmosphérique effectué à Payerne, Suisse, le 02 Février à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

À Trappes et Beauvechain, c’est au contraire un sondage de corps perturbé avec un jet de basses couches.

Radiosondage atmosphérique effectué à Beauvechain, Belgique le 02 Février à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html
Radiosondage atmosphérique effectué à Trappes, France, le 02 Février à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

À Camborne, l’intrusion d’air sec est déjà nette mais la tropopause ne s’est pas encore enfoncé.

Radiosondage atmosphérique effectué à Camborne, Royaume-Uni, le 02 Février à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

Tandis qu’à Nottingham et à Albermale on note la très forte subsidence et la très basse tropopause. À Nottingham en particulier, la tropopause cherche à tomber à 6 000 mètres…

Radiosondage atmosphérique effectué à Nottingham, le 02 Février à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html
Radiosondage atmosphérique effectué à Albermarle, Royaume-Uni, le 02 Février à 12 UTC. Données mises en forme par l’université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html

Données modèles

Le dynamisme est ici moins vigoureux. On suit le transit du thalweg thermique et dynamique à 500 hPa qui vient bousculer la masse d’air et la soulever selon les mécanismes explicités précédemment.

Situation en géopotentiel 500 hPa (en mètres) et température 500 hPa (en °C) le 02 Février à 00 UTC (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/
Situation en géopotentiel 500 hPa (en mètres) et température 500 hPa (en °C) le 02 Février à 06 UTC (07h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/
Situation en géopotentiel 500 hPa (en mètres) et température 500 hPa (en °C) le 02 Février à 12 UTC (13h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/
Situation en géopotentiel 500 hPa (en mètres) et température 500 hPa (en °C) le 02 Février à 18 UTC (19h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/
Situation en géopotentiel 500 hPa (en mètres) et température 500 hPa (en °C) le 03 Février (01h00 locales heure de Bruxelles). Données d’analyse du modèle états-unien GFS. Source de l’image : http://www1.wetter3.de/Archiv/

L’intérêt ici est de regarder la coupe à travers le front pour le modèle Arôme -ce qui n’avait pas été fait par votre serviteur le 30 Janvier …-. C’est un modèle beaucoup plus fin et il c’est un modèle non hydrostatique, donc il peut mieux rendre compte des ascendances et subsidences dans le cas d’un courant de densité par exemple.

À 12 UTC, la pente frontale suit l’iso-26°C (la pente frontale est toujours du côté chaud du plus fort gradient) tandis que les ascendances atteignent 100 hPa / h soit environ 35 centimètres par seconde. On note que les ascendances sont nettement identifiables entre bande étroite et bande large.

Coupe transversale en θ’w selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle français Arôme. Source : www.meteociel.fr
Coupe transversale en ω selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle français Arôme. Source : www.meteociel.fr

À 15 UTC, le front a progressé vers le Sud-Est tout en restant très actif.

Coupe transversale en θ’w selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle français Arôme. Source : www.meteociel.fr
Coupe transversale en ω selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle français Arôme. Source : www.meteociel.fr

À 18 UTC, le front continue de progresser vers le Sud-Est.

Coupe transversale en θ’w selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle français Arôme. Source : www.meteociel.fr
Coupe transversale en ω selon l’axe indiqué en noir sur la carte en bas à gauche. Données du modèle français Arôme. Source : www.meteociel.fr

Conclusion

Nous avons ébauché ce que pouvait être la bande étroite de front froid, un élément des anafronts froids et sans doute une des structures les plus remarquables des cyclones extratropicaux. Ce 30 Janvier, elle s’est simplement traduit par du vent fort et de la pluie. Elle peut cependant être associée à des phénomènes bien plus destructeurs. Des violentes rafales de plus de 100 km/h et de la grêle ont déjà été rapporté à travers le monde en association avec cette structure. À l’extrême, quand la mécanique de petite échelle domine franchement et que l’air est marginalement instable, la différence avec les lignes de grains peut devenir particulièrement ténue.

EDITO : « Mini-tornade », pourquoi la précision est importante

Pour la énième fois, certains médias n’ont pas hésité, emportés sans doute par un réflexe pavlovien, à utiliser le terme de « mini-tornade » pour caractériser la tornade avérée en Charente-Maritime et le phénomène venteux (encore non-classifié) de Hotton. Bien que la RTBF, à travers Nicolas-Xavier Ladouce, France2, à travers Philippe Verdier, et BelRTL, à travers Christian De Paepe, aient insisté sur la non-existence de ce terme et sur la différence entre une tornade et une rafale descendante, certaines contre-réflexions ont été émises. Nous aimerions ici y répondre et participer à la disparition de ce terme. 

Lorsque la RTBF a utilisé le terme de mini-tornade il y a plus de 2 ans pour caractériser le phénomène venteux de Lierre le jour même du fameux arcus de Knokke le 5 août 2013, leur réponse à Belgorage (qui critiqua l’utilisation de ce terme) nous éclaira beaucoup sur la manière de procéder de trop de médias : « Bien sûr, ce terme n’a sans doute pas de valeur scientifique stricto-sensu, mais il est néanmoins très facilement compréhensible par le public large et certainement peu spécialisé auquel nous nous adressons. » Evidemment, nous nous félicitons de l’évolution qui s’est produite en 2 ans puisqu’un des responsables météo de la chaîne publique recadre les choses à ce sujet, mais il nous a été répondu sur notre page FB que « pour les victimes, peu importe le mot utilisé ». 

Nous répondons qu’à chaque type de phénomène correspond une dynamique et des dégâts particuliers. Une rafale descendante ne tourbillonne pas et ne fait pas s’envoler des débris. Par conséquent, le comportement à adopter n’est pas le même qu’avec une tornade. Par exemple, aux Etats-Unis, la police et les services spécialisés indiquent bien de ne pas se réfugier sous un pont ou une bretelle d’autoroute car la force d’aspiration y est plus importante. Avec une rafale descendante, les précautions sont différentes. De ce fait, pour sauver votre vie ou limiter les dégâts, vous adoptez un comportement et des précautions différents et cela peut fortement influer sur les conséquences finales. Dès lors, lorsque les enquêteurs de terrain viennent déterminer la nature du phénomène, ils seront évidemment intéressés par les dégâts provoqués sur les habitations et la nature. En fonction des résultats de l’analyse, des leçons devront être retenues du drame pour éviter qu’il ne se reproduise dans le futur ou le limiter. Ainsi, les victimes apprendront de leur malheur. Savoir différencier les phénomènes est donc bien plus important qu’on ne le croit. Quand on différencie tornade et rafale descendante, c’est comme appeler un chat un chat, et si vous êtes d’ailleurs mordus ou griffés par un chat, ce n’est pas par un chien. Non seulement, les 2 animaux n’ont pas la même apparence, mais ils ne véhiculent pas forcément les mêmes microbes et donc ne provoquent pas les mêmes conséquences. Pour la tornade et la rafale descendante, c’est la même chose. 

Plus ou moins dans le même style, on nous a répondu que pour le « bon peuple, c’est une mini-tornade ». Malheureusement, le « bon peuple » a une fichue tendance à ne plus savoir aussi écrire correctement. Et ceci n’est pas une bonne raison pour justifier de telles aberrations. Pourquoi devons-nous utiliser le préfixe « mini » pour caractériser ce qui vient de nous arriver ? Utilise-t-on ce préfixe pour un orage a 1 éclair et 1 coup de tonnerre ? Pour une averse de 1 minute ? Pour la tempête tropicale Marco en 2009 qui mesura 15 kilomètres de rayon ? Pour un séisme de 2.0 sur l’échelle de Richter ? Pour une éruption d’1 heure ? Il semblerait que la « mini-tornade » soit l’exception. Il faudrait alors effectuer des recherches historiques pour aller aux sources de cette aberration afin d’en chercher les causes premières. Aujourd’hui, cela est accepté par la presse car « elle s’adresse à un public peu spécialisé ». Cela est particulièrement dommageable car la presse, tel un professeur, devrait informer et éduquer la population, au lieu de déformer les propos et les définitions. Pourtant, les cônes belges et français, bien que moins impressionnants que ceux rencontrés aux Etats-Unis, obéissent aux mêmes lois de la physique. Quelqu’un me disait un jour « qu’il était stupéfait d’apprendre que les tornades existaient en Belgique ». Cela explique peut-être pourquoi on s’évertue à utiliser le terme de « mini-tornade », en pensant que les vraies tornades n’existent qu’aux Etats-Unis. L’image ci-jointe, de la tornade de Braine-le-Comte, prouve le contraire.

  Dans une société où faire montre d’un peu de raisonnement et de rigueur semble de plus en plus passer pour de l’arrogance intellectuelle et scientifique, ces quelques réflexions nous feront passer aux yeux de certains pour des utopistes, des idéalistes, voire … des emmerdeurs. Si nous tenons à cette précision, c’est parce que nous pensons que parler correctement aide notre société. Quelqu’un disait que « Quand on écrit mal, on pense mal, et quand on pense mal, on vit mal ». Albert Camus a ajouté : « Mal nommer les choses contribue au malheur du monde ». Ici, utiliser le terme de « mini-tornade » ou confondre « tornade » et « rafale descendante » contribuent à de mauvais comportements et aux malheurs des personnes. C’est pourquoi nous tenons à cette précision.

Le brouillard: formation et types

Phénomène basique et assez courant en automne et en hiver, le brouillard est un phénomène pourtant régi par des lois physiques assez complexes et est surtout l’un des phénomènes météorologiques les plus difficilement prévisibles. En effet, sa formation est souvent due à des particularités locales que les modèles ne parviennent pas encore à intégrer malgré les progrès de la prévision numérique engrangés ces dernières années. Cet article permet de comprendre comment le brouillard se forme et quels sont les différents types. 

Brouillard dans l’Entre-Sambre-et-Meuse (auteur: H. Vicenzi)Brouillard ou brume?Les deux termes sont souvent utilisés sans distinction pour désigner le phénomène. Or, dans le vocabulaire météorologique, ils désignent deux comportements différents: 

  • On parle de brume lorsque la visibilité est supérieure à 1 km. Cette brume peut aussi survenir pendant les journées d’été avec peu de vent, mais celle-ci ne se forme pas alors traditionnellement. Il s’agit plutôt d’une concentration de poussières et de particules de pollution. Dans ce cas, on parle de brume sèche.
  • On parle de brouillard lorsque la visibilité est inférieure à 1 km. Il s’agit d’une concentration de minuscules gouttelettes d’eau maintenues en suspension dans l’air par la turbulence de ce dernier mais aussi par le jeu des charges électrostatiques identiques de ces gouttes, les maintenant séparées les unes des autres. Le brouillard n’est rien d’autre qu’un nuage touchant le sol, très souvent du type stratus.

Formation

Le brouillard étant un nuage, il nécessite la même condition de formation, à savoir un air saturé en humidité. L’humidité relative est alors de 100 %. Cela signifie que l’air, d’une température donnée, ne peut plus contenir davantage d’eau sans que l’humidité se condense en nuages, voire en précipitations. Cette condition peut être atteinte de deux manières:

  • Soit par refroidissement de l’air, sans changement de la quantité absolue (réelle) d’humidité. La physique nous dit qu’un air plus froid peut contenir moins d’humidité dans l’absolu. Considérons ici deux données: d’une part la quantité d’humidité réelle de l’air (appelons-la Qr), et d’autre part la quantité maximale d’humidité que ce même air peut contenir (appelons-la Qm). Qr ne va donc pas changer tout au long du processus de refroidissement de l’air. Par contre, Qm diminue. A force de refroidissement, Qm finit par être égal à Qr, l’humidité relative atteint 100 %, l’air devient donc saturé en humidité. Il ne peut se refroidir davantage sans condenser une partie de l’humidité, formant des gouttelettes, et donc du brouillard.
  • Soit par augmentation de l’humidité réelle de l’air, sans changement de température. Cela peut provenir de l’évaporation d’un sol gorgé d’eau ou d’une étendue d’eau. Ici, Qm ne bouge pas, c’est Qr qui grimpe. Une nouvelle fois, lorsque Qr finit par être égal à Qm, nous assistons à la saturation de l’air et à la formation de brouillard.

Un autre paramètre est essentiel pour la formation du brouillard: un vent faible ou inexistant qui ne remue pas l’air en refroidissement. 

Types de brouillard

Le brouillard de rayonnement 

Il est indissociable du phénomène d’inversion présenté quelques mois auparavant (article sur l’inversion de température). Ce brouillard se développe selon le premier mode de formation expliqué ci-dessus et survient la nuit et tôt le matin. En cours de nuit, le sol rayonne en infrarouge, et se refroidit plus rapidement que l’air. Néanmoins, les premiers mètres de la troposphère se refroidissent également suite au contact avec le sol. Il se forme ainsi une couche près du sol plus froide que l’air au-dessus. Si cette couche d’air se refroidit suffisamment jusqu’à saturation, du brouillard finit par se former. Ce brouillard peut présenter une très grande densité et une visibilité très réduite, mais il peut être assez réduit en hauteur. Ainsi, il arrive qu’en circulant dans ce brouillard, on puisse voir la lune et les étoiles au-dessus alors que la visibilité horizontale est très réduite. 

 Ce brouillard se forme donc la nuit et peut survenir en toute saison. Sa dissipation s’effectue généralement en matinée grâce à l’élévation de la température. Toutefois, en hiver, il peut arriver que le soleil ne soit pas suffisant pour réchauffer la couche d’air prise par le brouillard. Celui-ci subsiste alors toute la journée. 

Le brouillard d’advection 

Ce brouillard se forme lorsqu’une masse d’air doux et humide arrive sur un sol froid. Le bas de la couche d’air se refroidit suite au contact avec le sol, et si la baisse de température est suffisante, du brouillard se forme. Cela se produit souvent en hiver lorsqu’un front chaud arrive au-dessus de régions ayant été soumises à un temps froid d’assez longue durée auparavant. Le mode de formation de ce brouillard est donc mixte: à la fois une diminution de température et un apport supplémentaire d’humidité. L’inverse (air froid sur sol chaud) existe aussi, mais est plus rare chez nous. 

Le brouillard d’évaporation 

Il se forme généralement après le passage d’une perturbation active ou d’orages très pluvieux. Le sol et la végétation gorgés d’eau restitue de l’humidité dans l’atmosphère. Si cet apport d’humidité (deuxième mode de formation) est important, du brouillard peut se former. Généralement, ce brouillard est peu épais et assez localisé. Ce brouillard se forme aussi au-dessus des étangs et lacs, lorsque ceux-ci présentent des températures plus élevées que celles de l’air. L’humidité de l’évaporation se condense immédiatement en brouillard, sous forme de touffes laissant l’impression que l’étendue d’eau « fume ». Brouillard de précipitations Ce brouillard accompagne parfois les fronts chauds en automne et en hiver, lorsque des précipitations continues tombent dans un air plus froid près du sol. Ces précipitations surchargent cet air en humidité, menant à la formation d’un brouillard rarement dense, mais néanmoins visible, troublant la visibilité. 

Brouillard d’inversion de subsidence 

Il se produit à la fin de l’automne et en hiver par temps anticyclonique. L’anticyclone entraîne une descente d’air. Celui-ci se réchauffe par compression adiabatique, et peut se retrouver ainsi plus chaud que l’air plus froid près du sol sur lequel il vient butter. Des nuages se forment au contact entre les deux masses d’air. Si la limite s’abaisse près du sol, du brouillard peut se former, d’autant plus que l’humidité reste piégée dans les basses couches de la troposphère. 

Brouillard givrant

Il ne s’agit pas d’un type de brouillard à proprement parler. Il s’agit d’un brouillard dont les gouttelettes gèlent en touchant des surfaces à températures négatives. Même lorsque l’air est lui-même à température négative, les gouttelettes restent liquides (phénomène de surfusion). Elles se congèlent toutefois lorsqu’elles entrent en contact avec des surfaces. Une couche de givre de plusieurs millimètres, voire centimètres pour les cas extrêmes, peut se former. 

Pourquoi du brouillard dans les vallées?
Une nouvelle fois, le phénomène d’inversion de température est en cause. La couche d’air plus froid se formant près du sol a tendance à couler vers les points les plus bas lorsque ceux-ci sont présents. L’air froid s’accumule donc dans les vallées, et l’humidité de cet air peut se condenser si celui-ci arrive à saturation; la vallée se remplit ainsi de brouillard.

Séisme du 22 mai 2015 & quelques notions de sismologie belge

Je profite de la survenue du tremblement de terre de la nuit dernière pour faire un peu de séismologie belge et donner quelques explications sur la cause de cette secousse.

Le séisme du 22 mai 2015

Ce séisme est survenu dans le sud-est du Royaume-Uni et a été ressenti assez largement dans l’ouest et le centre de la Belgique. Selon l’Observatoire Royal de Belgique, ses caractéristiques sont les suivantes:Date et heure d’origine: 22 mai 2015 à 3h52m17,2s heure d’été belgeCoordonnées de l’épicentre: 51,360°N 1,270°E, à Saint-Nicholas-at-Wave (sud-est de l’Angleterre)Profondeur du foyer: 15,0 km (incertitude: +/- 5,2 km)Magnitude locale: ML = 4,1Ce tremblement de terre est survenu au nord de la région concernée par le tremblement de terre de Folkestone (ML = 4,3) le 28 avril 2007. 

Quelques explications

Comme vous le savez sûrement, nos régions sont situées assez loin des grandes limites de plaques tectoniques qui sont sismiquement et/ou volcaniquement actives. Pourtant, nous héritons d’une longue et passionnante histoire géologique qui, à travers des centaines de millions d’années, permet à nos régions de se trémousser de temps à autre. La première carte jointe (source : Observatoire royal de Belgique) montre les grandes structures tectoniques de nos régions et la plupart des tremblements de terres connus. J’ai ajouté, en rond jaune, l’épicentre du tremblement de terre anglais de la nuit dernière (pour rappel survenu à 3h52 heure belge et ayant une magnitude locale ML = 4,1). Ce tremblement de terre a pris place dans une grande structure (en bleu foncé) connue sous le nom de Massif anglo-brabançon. Il s’agit d’une structure plissée et fracturée qui, par deux fois, s’est comprimée pour former une chaîne de montagnes. Il faut en effet s’imaginer que, voici 500 millions d’années, le nord de la Belgique ressemblait plutôt aux Pyrénées qu’à une plaine de basse altitude comme maintenant. L’érosion a fait son œuvre entretemps.

 Néanmoins, la structure a conservé les cassures d’alors, qui constituent des faiblesses de la croûte terrestre. Sous la pression de forces tectoniques lointaine (d’une part, la poursuite de l’élargissement de l’océan Atlantique et, d’autre part, les contrecoups de la plaque Africaine), il arrive que l’une de nos failles belges casse, provoquant un tremblement de terre. Ce fut ainsi le cas voici quelques années dans la région de Court-Saint-Etienne et d’Ottignies-Louvain-la-Neuve. Durant les 200 dernières années, le massif anglo-brabançon a d’ailleurs accouché de deux séismes relativement importants : le premier en 1828 en Hesbaye (magnitude estimée à 5,5) et le second en 1938 du côté de Renaix (magnitude : 5,6). Plus loin dans le temps, un séisme d’une magnitude estimée à 6 est survenu en Mer du Nord en 1382.D’autres structures tectoniques traversent nos régions. La première court de l’Allemagne à la Manche en passant par les grandes villes wallonnes. Elle est responsable de l’activité sismique observée dans le Hainaut et la région de Liège. Dans les années soixante, la région entre Mons et Charleroi a connu plusieurs tremblements de terre d’une magnitude de 4 à 4,5. Le séisme de 1995 (magnitude 4,5) dont l’épicentre se trouvait à Le Roeulx, près de La Louvière, est par contre du ressort du massif anglo-brabançon. Liège garde en mémoire le tremblement de terre de 1983 (magnitude 5) qui avait causé énormément de dégâts dans l’ouest de l’agglomération.Enfin, la frontière entre la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne est le siège de l’activité tectonique la plus « active », avec la lente fissuration de la plaque européenne en deux à ce niveau. Ces mouvements ont entre autres donné le fort séisme de Roermond de 1992, ressenti dans toute la Belgique. En 1692, le puissant tremblement de terre de Verviers (magnitude estimée à 6,5) est lié à cette activité.La deuxième carte montre l’ensemble des témoignages parvenus à l’observatoire royal de Belgique et exprime l’intensité (donc le ressenti) du tremblement de terre de la nuit dernière. L’intensité est différente de la magnitude, qui exprime la puissance dégagée par la faille en mouvement génératrice du séisme.

 Tout ceci nous montre que les séismes ne sont pas si rares chez nous, bien que la plupart d’entre eux soient tellement faibles que seuls les sismomètres les détectent. Qui par exemple s’est rendu compte du tremblement de terre survenu sous Spa la semaine dernière ou encore de cette petite secousse imperceptible s’étant produite sous Ans en décembre dernier?

Atlas des nuages

Cette rubrique est destinée à accueillir toutes les infographies publiées par Info Météo concernant la présentation des divers nuages connus. Le but est d’obtenir, à terme, un atlas des nuages le plus exhaustif qu’il soit, sans pour autant que nous garantissions le fait qu’absolument tous les spécimens seront un jour représentés. Chaque infographie reprend plusieurs photos claires permettant d’identifier le nuage ainsi que quelques explications concernant leur mode de formation et les précieuses indications que celui-ci donne quant à l’évolution de la météo à court terme. 

Ce dossier se constituera au fur et à mesure des prochains mois. N’hésitez pas à cliquer sur les infographies pour les agrandir et ainsi faciliter la lecture.

Cirrus

Cirrostratus

Cirrocumulus

Altocumulus

Altostratus

Nimbostratus

Les orages d’hiver/de neige, si ça existe!

Appelé thundersnow en anglais (on ne peut être plus clair), l’orage de neige passe pour un mythe dans l’imagination du plus grand nombre, comme un phénomène réellement saisissant et incroyable quand le quidam finit par en être témoin. Pourtant, ce phénomène n’est pas extraordinaire en soi, bien que plutôt rare. Pour le météorologue averti, il n’est qu’un orage classique au cours duquel la neige atteint le sol, et est donc un événement typiquement hivernal ou printanier précoce. Pourtant, il peut s’accompagner d’éléments qui peuvent en déboussoler plus d’un et engendrer rapidement des situations très délicates. 

Orage de neige. Auteur: B. Daujat. Il faut partir d’un premier concept, celui d’orage d’hiver. En effet, et contrairement à certaines idées, un orage peut survenir à n’importe quel moment de l’année pourvu que les conditions d’instabilité, de différences verticales de températures et de dynamique (vents forts en altitude, cisaillement…) soient remplies. Ces orages hivernaux surviennent généralement dans un contexte de traîne, dans une masse fraîche derrière un front froid, avec la présence d’air glacial en altitude. Le passage d’un creux d’altitude (axe de pressions plus basses que le voisinage et rempli d’air encore plus froid) peut accentuer l’intensité des orages. Ils peuvent parfois se produire sur le front froid lui-même lorsque ce dernier est très actif. Dans l’immense majorité des cas, les orages d’hiver sont avant tout engendrés par la dynamique, l’instabilité ne prenant qu’un rôle très secondaire, car souvent très limitée. Cette instabilité se mesure notamment avec la CAPE (énergie potentielle disponible pour la convection). En hiver, elle n’excède guère quelques centaines de J/kg d’air. En été, elle peut dépasser les 2000 J/kg d’air, voire les 3000.

L’orage d’hiver est un orage généralement doté d’une activité électrique médiocre, voire très faible. Il n’engendre parfois qu’un unique et puissant éclair. Le type d’activité électrique dominante est souvent la foudre, qui frappe en coups très intenses mais très espacés. C’est ainsi que les coups de tonnerre typiques des orages d’hiver sont généralement très puissants et explosifs. Ceci est dû à une plus faible hauteur du nuage orageux, qui engendre une répartition différente des charges électriques positives et négatives. La masse de charges positives se trouvant au sommet du cumulonimbus est plus proche du sol en raison de la plus faible hauteur: dès lors, les coups de foudre positifs, plus puissants que les négatifs, se produisent plus facilement. Outre cela, l’orage d’hiver se déplace généralement très rapidement, accompagné de courtes mais intenses précipitations, régulièrement sous forme de grésil ou de grêle, et parfois d’un fort coup de vent.

Plus rarement, certaines orages d’hiver peuvent évoluer en supercellules ou en ligne de grains venteuses parfois très virulentes (comme le derecho du 25 janvier 2014) et engendrer des tornades. L’activité électrique peut ainsi devenir puissante et les rafales être très brutales. Le phénomène le plus redoutable des orages d’hiver organisés est en effet le vent, qui peut être générateur de dégâts compte tenu de la très forte dynamique atmosphérique associée à ces organisations orageuses. Une bonne partie des tornades belges est générée par des orages d’hiver.

Lorsque l’air est suffisamment froid à tous les étages de la troposphère, les précipitations qui se forment au sein du cumulonimbus sont solides. Elles finissent dès lors par précipiter vers le bas, sous forme de grésil ou de neige, générant le saisissant orage de neige.

L’Histoire de la météorologie belge mentionne quelques spécimens d’orages hivernaux/neigeux intenses. 

Assez loin dans le temps, au cours de l’après-midi du 14 mars 1940, Bruxelles connait un orage de neige spectaculaire, s’accompagnant également de grêle et de violentes rafales de vent. Ces bourrasques se font encore plus terribles en d’autres endroits de la Wallonie (Charleroi, Dinant…) où des tornades sont suspectées. Ces phénomènes ont pris place sur l’un des fronts froids les plus marqués qu’ait connu notre pays, celui-ci séparant de l’air arctique à l’ouest et s’avançant vers l’est, de l’air maritime tropical à l’est. A Uccle, la température descend de 10°C à 15h00 à -0,5°C à 16h00. Dans le nord de la France, des rafales de plus de 200 km/h sont suspectées localement, compte tenu des dégâts engendrés.

Le 27 novembre 1973, alors que la Belgique subit l’un des plus grands épisodes neigeux du 20ème siècle par un afflux d’air polaire direct de nord, des orages sont observés à Anvers, à Bruxelles et sur le Condroz. Ils apportent de fortes précipitations neigeuses.

Le 3 janvier 1978, dans un flux de nord-ouest très dynamique, de puissants orages de neige s’organisent en ligne et traversent la Belgique. A leur passage, on note des rafales de 106 km/h à la côte et, fait plus remarquable, de 108 km/h à Genk.

Plus près de nous, la ligne de grains qui traverse le pays le 10 décembre 2000 constitue, par son étendue, l’un des pires orages hivernaux des dernières décennies. De l’activité électrique est signalée en de nombreuses stations officielles: Anvers, Beauvechain, Florennes… C’est surtout le vent qui, très violent, provoque de nombreux dégâts. Une personne perd la vie à Saint-Gérard, en province de Namur. En France, deux tornades sont observées dans le Nord-Pas-de-Calais, et une troisième en Champagne-Ardenne. On note de très violentes rafales: 101 km/h à Chièvres, 112 km/h à Saint-Hubert, 119 km/h à Gosselies et 130 km/h à Bierset. En France, on note 111 km/h à Abbeville et à Charleville-Mézières et 126 km/h à Saint-Quentin.Le 28 janvier 2003 voit un système orageux arqué traverser la Belgique dans un flux maritime polaire de nord-ouest. Il est noté en de nombreuses stations du pays (Uccle, Koksijde, Anvers, Beauvechain, Bierset, Kleine-Brogel, Florennes…). De fortes rafales l’accompagnent par endroits: on mesure ainsi 79 km/h à Anvers et à Koksijde et 83 km/h à Spa). Il est observé vers 19h15 au sud-ouest de Charleroi par l’auteur de cet article. L’activité électrique n’est pas très importante, mais les précipitations sont intenses à son passage.

La ligne orageuse entame sa progression à travers la Belgique au soir du 28 janvier 2003 (source: KNMI).

L’orage du 1er mars 2008 est exceptionnel pour son activité électrique puissante pour la saison. Survenant sous un énorme creux d’altitude pris dans un flux de nord-ouest à nord engendré par la tempête Emma, il s’organise en ligne de grains et balaye la moitié est de la Belgique en fin de nuit. A son passage, on note beaucoup de vent et des chutes de neige et de grésil en abondance. Des pointes à plus de 100 km/h sont enregistrées (111 km/h à Ernage). Frappant également et sévèrement l’Allemagne et les Pays-Bas, il est désigné par certains scientifiques comme un derecho, à savoir le stade ultime de l’organisation des systèmes orageux (MCS).

Le mois de décembre 2010exceptionnellement neigeux, voit se produire des orages de neige le soir du 16 décembre. Un front froid très marqué descend de Mer du Nord, précédant un flux d’air polaire direct repoussant l’air maritime qui concernait jusqu’alors la Belgique. L’orage se fait particulièrement intense sur Namur où une accumulation rapide de plusieurs centimètres de neige est observée, tandis que la température passe de +2,5°C à -0,5°C en une vingtaine de minutes.

Le Grognon à Namur après l’orage de neige du 16 décembre 2010.

Au soir du 29 décembre 2011, un front froid traverse rapidement le pays. Des cellules orageuses se greffent sur celui-ci, et l’une d’entre elles provoque des dégâts dus au vent dans le Tournaisis mais aussi du côté d’Anvers. Quelques jours plus tard, la tempête Andrea déferle sur l’Europe le 5 janvier 2012. Son front froid traverse la Belgique du nord-ouest au sud-est en matinée et s’accompagne d’orages plus nombreux que fin décembre, organisés en ligne de grains très venteuse. Le vent dépasse les 120 km/h à Ernage (Gembloux).

Le 5 février 2013 en fin de nuit, une ligne de grain ponctuellement électrique mais très venteuse est responsable de nombreux dégâts en Flandre occidentale. Une tornade est avérée à Oosterzele. 

Les hivers doux sont régulièrement marqués par des épisodes orageux intenses. En fin d’après-midi du 3 janvier 2014, une ligne de grain très active dans de l’air maritime postfrontal a balayé la Flandre et l’ouest du Hainaut, accompagnée d’une activité électrique marquée. De très fortes rafales descendantes et une tornade ont été signalées, provoquant des dégâts localement très importants. 

Le 25 janvier 2014 a vu se produire un derecho en début de soirée sur l’extrême ouest de la Belgique et le nord de la France, en raison d’une dynamique extrêmement puissante en altitude accompagnant une énorme anomalie de tropopause dans un flux d’ouest-nord-ouest. Si l’activité électrique est restée assez sommaire, des rafales destructrices ont été observées en Flandre occidentale.

Plusieurs orages ont été observés au cours de l’hiver 2014-2015. Ce fut notamment le cas la nuit du 13 au 14 janvier 2015 lorsque qu’une ligne de grain associée à un creux venant de l’ouest se renforça brutalement en un fort orage venteux, neigeux et grêligène dans la vallée de la Meuse, avant de sévir sur l’agglomération liégeoise. L’activité électrique fut assez remarquable pour un orage hivernal, avec une succession régulière de puissantes chutes de foudre positives. A noter que ce ne fut pas le seul orage de neige de cet hiver-là. 

Une seconde ligne orageuse a été observée l’après-midi et en début de soirée du 28 janvier 2015 sur la région bruxelloise puis du côté de Liège. Elle était associée à un front froid très marqué précédant une invasion d’air maritime polaire. L’activité électrique a été bien présente pour un épisode hivernal. 

Le 2 mars 2015, on a observé un orage déversant des grêlons de 2 cm de diamètre sur Charleroi dans l’après-midi.

Le 9 février 2016 dans l’après-midi, le front froid de la tempête Suzanna s’est déstabilisé sur le massif ardennais, donnant des orages significatifs, mais sans provoquer de dommages.

L’après-midi du 27 février 2017, un front froid orageux traverse la Wallonie. Les orages sont localement forts.

Orage dans la région de Lobbes l’après-midi du 27 février (auteur: Info Meteo).

En fin de soirée du 18 janvier 2018, un bow echo traverse le pays depuis la côte jusqu’à la province de Liège. Sur l’ouest de la Flandre et à Bruxelles, le système est particulièrement actif avec de la grêle et de fortes rafales de vent (76 km/h à Uccle).

A noter que la plupart des orages de début de printemps (fin mars/début avril) sont très similaires à leurs cousins hivernaux. Toutefois, la douceur en basse couche peut déjà provoquer une certaine instabilité. Des orages de ce type ont été observés le 31 mars 2015 un peu partout dans le pays avec une certaine activité électrique, ainsi que le 28 mars 2016, à la fois sur le front froid de la tempête Jeanne et à l’arrière de celui-ci.

Quoiqu’il en soit, l’orage d’hiver et/ou de neige est un événement surprenant, mais pas exceptionnel non plus. Il n’empêche que ce type d’orage doit faire l’objet d’une attention particulière étant donné les importantes chutes de neige qu’il peut amener. Lorsqu’il se structure en ligne à la faveur d’une très forte dynamique d’altitude, le vent devient l’élément le plus dangereux. Un épisode orageux hivernal d’envergure est observé tous les 1 à 2 ans en moyenne, mais certains hivers particulièrement dynamiques peuvent en comporter plusieurs, comme ce fut le cas au cours des hivers 2007-2008, 2013-2014 et 2014-2015.

Source: Belgorage, MeteoParis.

L’inversion de températures et ses conséquences

Un terme compliqué mais facile à comprendre 

Dans une troposphère standard, la température décroît avec l’altitude compte tenu de la détente adiabatique, c’est-à-dire du seul fait de la diminution de la pression avec l’altitude, sans aucune intervention d’échange de chaleur de quelque forme qu’il soit et sans phénomène de condensation de la masse d’air. Ce gradient équivaut à -9,76°C par kilomètre d’altitude. Il s’explique par le fait qu’un gaz comprimé va s’échauffer, au contraire d’un gaz dilué qui va se refroidir suite aux mouvements plus ou moins prononcés des molécules le composant. En réalité, le vrai gradient thermique est de -6,5°C par kilomètre. En effet, la détente adiabatique n’est pas le seul phénomène à régir le comportement des températures avec l’altitude. D’autres phénomènes liés au rayonnement de l’air, du sol et de l’espace viennent modérer le gradient par rapport à la composante adiabatique. 

Mais cette situation étant parfaite, elle n’est que très rarement approchée. En effet, la troposphère subit des phénomènes de convection et de soulèvement dynamique (mouvements verticaux vers le haut), de subsidence (mouvements verticaux vers le bas), d’advection (mouvements horizontaux) et de rayonnement thermique qui entremêlent des masses d’air de température et d’humidité différentes, ce qui perturbe en permanence ce gradient thermique. Dès lors, différents comportements de la température vont être observés. Dans certains cas, le gradient, habituellement négatif, peut devenir positif sur une épaisseur plus ou moins prononcée de la troposphère. La température, dans cette épaisseur, augmente avec l’altitude. C’est le phénomène d’inversion thermique. Dans le cas où, dans une couche d’air, la température n’évolue pas avec l’altitude, on parle d’isothermie.

Différents types
L’inversion de température peut se former de différentes manières, qui décrivent chacune un type:

1) L’inversion de subsidence: Celle-ci est directement liée à la présence d’un anticyclone. En effet, au sein de celui-ci, l’air descend depuis la haute troposphère en direction du sol. Il se comprime selon la loi adiabatique, et s’échauffe donc. De cette manière, il arrive que cet air descendant soit plus chaud que l’air se trouvant en-dessous. Nous sommes donc en présence d’une inversion. Celle-ci prend généralement place entre 0 et 5 km d’altitude.

2) L’inversion de rayonnement: Celle-ci est très fréquente et survient à pratiquement chaque nuit claire, que ce soit en été ou en hiver. Elle prend place sur les premiers mètres de la troposphère, au niveau du sol donc. Ce dernier rayonne en infrarouge l’énergie qu’il reçoit du soleil en cours de journée. Ce rayonnement entraîne un refroidissement du sol. Ce refroidissement se transmet ensuite par conduction à l’air en contact avec le sol, puis avec l’air situé un peu plus au-dessus et ainsi de suite. Cette inversion peut devenir très importante les nuits bien dégagées, lorsque de la neige est présente au sol.

3) L’inversion de front chaud (ou de front occlus): lors de l’approche d’un front chaud ou d’un front occlus, l’air chaud, plus léger, s’élève et tend à se répartir au-dessus de l’air plus froid dans la basse troposphère. Pour le front chaud, cette inversion disparaît une fois que le front passe puisqu’il évacue l’air froid des basses couches. Pour le front occlus, il faut attendre que celui-ci s’éloigne pour voir disparaître l’air chaud en altitude.

4) L’inversion de vallée: elle est une conséquence de un ou plusieurs autres types d’inversion. La nuit, l’air froid, plus lourd que l’air chaud, a tendance à couler vers les points les plus bas du relief. Il s’accumule donc préférentiellement dans les vallées, alors que l’air au-dessus reste plus doux.

Les bienfaits et les méfaits de l’inversion 
L’inversion thermique, en tant que phénomène récurrent de notre météo, a de nombreuses conséquences sur celle-ci. Nous en exposons ici quelques-unes.

La fraîcheur bienfaitrice des nuits caniculaires
Lorsque vous tentez de dormir la nuit, dans une chaleur insoutenable, consolez-vous en pensant que, quelques dizaines de mètres au-dessus de votre maison, c’est souvent pire encore. En effet, l’inversion de rayonnement intervient: l’air près du sol se refroidit, tandis que celui en altitude ne change pratiquement pas de température. Un bel exemple est survenu la nuit du 18 au 19 août 2012. A 2h00 du matin, les sondages effectués à Beauvechain ont mis en évidence une température au sol de 24,2°C, alors qu’environ 200 mètres plus haut, il faisait un étouffant 31,8°C !

L’interminable grisaille
Lorsqu’en hiver, le temps est anticyclonique mais que le ciel reste désespérément couvert et humide, cela est souvent imputable à une inversion de subsidence. Une mince pellicule d’air froid où l’humidité est confinée se retrouve coincée sous l’air chaud descendant de l’anticyclone. Ce type de temps peut persister des jours entiers. Cette situation fut très bien rencontrée le 28 octobre 2014, date à laquelle Info Météo avait déjà expliqué ce phénomène.

Les bancs de brouillard
Par nuit claire, le rayonnement intervient et engendre, on l’a vu, une baisse des températures dans les premières mètres de l’atmosphère. Or, un air plus froid ne peut contenir que moins d’humidité qu’un air plus chaud. De cette manière, il arrive très souvent que l’air se refroidissant atteigne le point de rosée, c’est-à-dire le moment où, à quantité d’humidité invariante, l’air ne peut plus contenir toute cette quantité: il arrive à saturation. L’humidité se condense et forme du brouillard. Celui-ci ne peut être épais que de quelques mètres. Ainsi, lorsque l’on voyage dans de tels bancs de brouillard, il arrive que l’on parvienne à distinguer parfaitement la lune et les étoiles au zénith alors que la visibilité horizontale est absolument exécrable. L’inversion ne mesure ici que quelques mètres d’épaisseur.

Les pics de pollution
En plus de cloisonner l’humidité, l’inversion est un piège à polluants. Lorsqu’elle est combinée à une absence de vent, les concentrations en particules et en ozone peuvent atteindre des niveaux particulièrement élevés dans la couche d’air située sous l’inversion.

Les pluies verglaçantes
Parmi les méfaits de l’inversion, la pluie verglaçante est sans doute l’un des pires. Après une période de plusieurs jours de gel, la remise en route du flux d’ouest se précède d’une perturbation, et donc d’un front chaud. Celui-ci engendre, on l’a vu, un phénomène d’inversion. Très souvent, l’air qui s’avance en altitude par dessus l’air froid des basses couches est un air doux dont la température est positive. De la pluie s’y forme suite au conflit de masses d’air. Si l’air froid en-dessous est à température négative, la pluie va geler en atteignant le sol, formant du verglas. Les pluies verglaçantes sont capables de provoquer les plus grands désordres dus à  la météo dans nos régions.
Le vent nocturne
On l’appelle aussi  jet nocturne. Lorsque l’air se refroidit près du sol lors d’une inversion thermique, il gagne en densité et finit par isoler du sol l’air doux plus léger au-dessus. L’air froid étant plus dense, les mouvements de l’air – le vent donc – y sont plus compliqués. Au-dessus par contre, le vent continue de souffler. Il a même tendance à accélérer puisqu’il se retrouve déconnecté du contact avec la surface du sol où il subit des frottements en temps normal. Ceci n’étant plus le cas, il peut circuler en glissant sur la couche d’air froid, libéré des entraves du relief. Il se forme ainsi un jet de basses couches, le vent nocturne, à quelques centaines de mètres au-dessus du sol. La nuit en été, il peut à lui seul maintenir les orages formés avant le coucher de soleil ou encore mieux engendrer leur formation. C’est ce qu’il s’est passé sur le Condroz le soir du 8 juin 2014 où les orages avaient atteint une violence inouïe (voir ici: Un violent épisode orageux très inhabituel).
Son comportement vis-à-vis des orages: une arme à double tranchant

Ce comportement a déjà été discuté dans un précédent article (voir ici: L’importance de l’inversion de température dans le développement des orages). L’inversion joue en premier lieu un rôle d’inhibition de la convection, et empêche les développements orageux, alors que tous les paramètres montrent un risque important (chaleur, humidité, dynamique…). Pourtant, il arrive que l’inversion finisse par éclater en un point, parce qu’il s’est produit à cet endroit un phénomène qui y a contribué: une convergence locale des vents qui force l’air à s’élever, un apport de chaleur en basse couche qui rétablit le profil décroissant de la température avec l’altitude… L’orage qui se forme alors à cet endroit a de fortes chances d’être très violent, voire supercellulaire car il est alimenté par l’ensemble de l’énergie stagnant sur la région et convergeant vers cet orage. C’est ce qui s’est passé en soirée du 7 juin 2014 avec la supercellule de Wingene en Flandre Occidentale, puis celle qui déversé un déluge de grêlons géants sur Bruxelles, interrompant le match Belgique-Tunisie.
Les « trous à froid »
Ce terme désigne les vallées encaissées qui collectent l’air froid s’y concentrant lors des nuits de rayonnement. La température peut ainsi être bien plus basse que sur les plateaux environnants. C’est au cours d’une occurrence particulièrement marquée de ce phénomène qu’est survenu le record de froid en Belgique, enregistré à Rochefort avec -30,1°C.

Régimes de temps

IntroductionJour après jour, la météo change sans arrêt. Cette matinée est froide et enneigée, et dans l’après-midi un redoux accompagné de pluie se fait. La veille, le brouillard avait persisté toute la journée ; le lendemain le vent se lève. Cette journée d’été est très chaude, et deux jours plus tard, après le passage des orages, il fait frais et humide. Pour prévoir cette évolution du temps, nous pouvons nous appuyer sur des modèles numériques, la force brute en quelque sorte. Il existe cependant aussi la possibilité, derrière cette diversité de temps sensible en Belgique, de rassembler des situations qui se ressemblent en quelques « paquets », de dessiner les contours de quelques situations types. Ce sont les régimes de temps. Nous vous montrerons comment la dynamique d’échelle synoptique et supra-synoptique peut s’enchaîner pour aboutir à quelques situations types chez nous. Et nous vous montrerons qu’au sein de ces régimes de temps, le temps sensible est souvent très similaire.

Atmosphère, gradients et rotation

La planète présente une double particularité que nous allons détailler. Nous allons tout de suite poser de grands mots, pour nous expliquer juste après. Il y a d’une part un gradient des principales quantités physiques en allant vers les pôles, et la rotation propre de la planète. Déjà, gradient, qu’est-ce donc ? C’est un contraste, c’est une « pente » quelconque. Pour mieux nous comprendre prenons une maison en ces temps de froidure. À l’intérieur de l’habitation, il fait chaud, alors qu’à l’extérieur il fait froid. Le gradient en physique est une notion qui sert à modéliser ce contraste. On peut voir cette différence comme une pente. L’air chaud tente de s’écouler en quelque sorte vers le froid. Et nous en faisons l’expérience quotidienne. Dans les habitations, la chaleur tend à s’échapper vers l’extérieur.

Illustration du concept de gradient. Image piquée à ce site : http://www.energie-environnement.ch/conseils-de-saison/416-fermer-les-volets-et-les-stores-quand-la-nuit-tombe

Sur ce petit schéma nous avons illustré ce concept de pente, à travers les murs de l’habitation, avec une petite réglette pour donner les valeurs de températures. Cela reste purement schématique, mais montre comment les physiciens se représentent un contraste. Dehors, il fait froid, à l’intérieur il fait chaud, et au travers du mur il y a une pente qui mène du froid au chaud. Il semble logique que l’air chaud va « couler » le long de la pente. Nous pouvons parler aussi d’une différence de potentiel, l’air chaud représentant un haut potentiel, et l’air froid un bas potentiel. Tout comme au sommet d’une pente, il suffit de se laisser rouler jusqu’en bas. Alors qu’arrivé en bas, nous n’avons plus d’énergie potentielle, et il ne suffit plus de se laisser rouler pour remonter la pente… Pour la température du globe, cela signifie la même chose. Plus nous allons vers les pôles et plus il fait froid en moyenne. Cela peut sembler une évidence. Le Sud, c’est le Soleil, la chaleur. Cependant, cette tendance implique effectivement une sorte de « pente », l’air ayant tendance alors à s’écouler vers le froid pour homogénéiser la température globale.

Profil de températures à la surface de la Terre, du Pôle Sud à gauche au Pôle Nord à droite

Le profil de température illustre cette pente. Il est assez fortement idéalisé (il fait nettement plus froid au Pôle Sud par exemple…) mais reste un bon schéma d’illustration. Nous voyons que la Belgique est en plein dans cette pente de températures. Il existe le même gradient pour l’humidité, c’est-à-dire la teneur en vapeur de l’atmosphère. Les régions tropicales ont une forte teneur en vapeur d’eau, comparées aux latitudes moyennes et aux latitudes polaires. Il s’agit là aussi d’un gradient d’énergie, puisque la vapeur d’eau est une importante source d’énergie.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est latest72hrs.gif.
Teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère (en jaune – brun, les fortes humidités et en violet les faibles humidités). Image du Cooperative Institute for Meteorological Satellite Studies à partir des données TMI du satellite TRMM : http://tropic.ssec.wisc.edu/real-time/mimic-tpw/global/main.html

Sur cette animation, nous voyons bien que l’humidité se concentre dans les régions tropicales. De plus, nous voyons également que l’humidité est entrainée vers le Nord-Est pour alimenter un peu les latitudes moyennes. C’est un point que nous allons développer. Et enfin, ce gradient existe aussi pour une autre quantité qui est le vent. Cette notion est très abstraite (même pour les spécialistes ce n’est pas le concept le plus facile à appréhender…). Il s’agit là aussi d’un gradient d’énergie.L’autre paramètre à prendre en compte est la rotation de la Terre. Si la Terre ne tournait pas sur elle-même, les choses seraient bien plus simples. L’air pourrait circuler des zones de hauts potentiels vers les zones de bas potentiels sans souci, et effacer les gradients. Cependant, la rotation de la Terre perturbe cet écoulement naturel. Ce mouvement tend à maintenir les gradients et à maintenir les différences de potentiel. Les régions tropicales sont situées les plus loin de l’axe de rotation de la Terre.Ce faisant, l’atmosphère dans les régions tropicales possède ce qu’il convient d’appeler un « moment angulaire » important. C’est en fait le principe de la fronde : Voir ICI Pour que la pierre lancée possède une forte énergie, il faut tourner la fronde rapidement et à distance de soi. Cette énergie est nommée « moment angulaire », c’est une énergie de rotation. La longue lanière permet de donner plus d’énergie pour la même vitesse de rotation. Si nous tenons la fronde plus court, alors il faut la tourner plus vite pour avoir la même énergie (faites l’expérience chez vous ^^ ). Il se passe la même chose pour l’atmosphère. Si l’air se déplace vers le Nord, sa distance à l’axe de rotation diminue. Tout comme pour la fronde tenue trop court, il faut alors que l’air accélère la rotation. Ce qui se traduit par un mouvement vers l’Est de plus en plus rapide. Cette contrainte sur le moment est une autre raison qui explique que le flux sous nos latitudes soit essentiellement de l’Ouest vers l’Est.

Déferlements des ondes

L’interaction de ces gradients et de la rotation de la Terre produit aux latitudes moyennes (entre 30°N et 70°N environ) une zone de conflit entre l’air chaud et humide au Sud et l’air froid et sec au Nord. C’est dans ce contexte que se met en place la circulation atmosphérique moyenne d’Ouest, avec un jet qui atteint son maximum d’intensité vers 11km à 13km d’altitude. Ce jet est parfois dédoublé entre un jet subtropical et un jet polaire.Sur cet écoulement essentiellement d’Ouest se superposent des ondes qui assurent les transports méridiens, c’est-à-dire les transports Sud-Nord, d’énergie. Ce point est illustré dans la carte suivante. La Belgique est un peu près au centre en haut de la carte. Sur le flux d’Ouest moyen des hautes latitudes se superpose une succession de crêtes et de creux.

Situation prévue par le modèle états-unien GFS pour le 13 Décembre 2014. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsavneur.html

Ces ondes peuvent être vues comme les vagues dans un écoulement :

Les vagues. Crest se traduit par crête et through par creux. Source : http://faculty.scf.edu/rizkf/OCE1001/OCEnotes/Waves.htm

Parfois, ces ondes peuvent déferler, comme les vagues peuvent le faire. Ces déferlements assurent des brassages importants de l’énergie. Lorsque le déferlement provoque un « enroulement » de la vague dans le sens anticyclonique (dans l’Hémisphère Nord, c’est le sens des aiguilles d’une montre), on parle en toute logique de déferlement anticyclonique. Et lorsque le déferlement provoque un enroulement de la vague dans le sens cyclonique (dans l’hémisphère Nord, c’est le sens contraire des aiguilles d’une montre), on parle de déferlement cyclonique. Un exemple de déferlement cyclonique est fourni sur ces images pour le 21 – 22 Octobre. La première image est bardée d’indications pour montrer les ondes (succession de flèches rouges et bleues) et le déferlement (enroulement cyclonique en gris). La deuxième image montre la même séquence d’événements avec des images supplémentaires et sans les flèches en tous sens.Sur ces cartes, les couleurs représentent la hauteur de la surface 500 hPa, vers 5500m d’altitude. Les traits blancs sont la pression de surface. Les traits noirs sont une température moyenne sur la colonne atmosphérique (de la surface à 500 hPa) exprimée en mètres de hauteur.

Déferlement cyclonique du 21-22 Octobre 2014. Source : http://www.wetter3.de/Archiv/
Déferlement cyclonique du 21-22 Octobre 2014. Source : http://www.wetter3.de/Archiv/

La variabilité de ces ondes et de leur déferlement est pilotée par des facteurs très divers. La convection tropicale est une source importante d’énergie et perturbe fortement les ondes atmosphériques. Les anomalies de températures de l’Océan, les reliefs, les contrastes entre les terres et les mers sont aussi une source de forçage de l’activité ondulatoire. Plus récemment, le forçage de l’Océan Arctique et de l’enneigement de l’Hémisphère Nord a également pris une grande importance. Nous en avions fait état à plusieurs reprises sur ce blog : 

La fonte de la banquise arctique
Le dérèglement du climat ouest-américainIci, nous nous intéresserons aux régimes de temps. Ce sont des schémas de circulations types qui résultent de l’arrangement spécifique des ondes et de leurs déferlements. Ces régimes de temps persistent quelques jours et déterminent le temps ressenti au jour le jour en Europe. Nous nous contenterons donc d’analyser comment les ondulations du jet module notre temps. En fonction des mêmes facteurs qui modulent les ondes, les sources de chaleurs (anomalies des températures de l’Océan par exemple), la convection tropicale ; ces régimes s’enchaînent différemment. De plus, il y a une part de variabilité intrinsèque, certaines évolutions de la circulation atmosphérique étant privilégiées au détriment de certaines autres.

Cartes isentropiques

Rien que le mot isentropique doit déjà faire peur à beaucoup… Sans rentrer dans le détail du pourquoi et du comment, pour illustrer notre propos nous utiliserons aussi ces cartes :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est site.gif.
Isothêta = 320K du 02 Novembre 2014. Source : http://www.wetter3.de/Archiv/

Simplement, les fortes valeurs, en couleurs chaudes, représentent des anomalies cycloniques et les faibles valeurs, en couleurs bleues et violettes, représentent des anomalies anticycloniques. Le vent est également représenté en blanc, suivant la convention des barbules. En général, le vent est fort lorsqu’une anomalie anticyclonique et une anomalie cyclonique se frottent l’une à l’autre. 

Régimes de temps en Hiver

Les régimes de temps sont au nombre de quatre, et sont légèrement différents entre l’Été et l’Hiver. Ils sont définis par des anomalies de la hauteur du géopotentiel 500 hPa. La surface 500 hPa se trouve en moyenne vers 5500 mètres d’altitude, mais cette altitude peut varier. Une anomalie négative indique des conditions cyclonique et plutôt froides, alors que des anomalies positives indiquent des conditions anticycloniques et plutôt chaudes. Et selon la loi de Buys Ballot, le vent laisse les bas géopotentiels à sa gauche et les hauts géopotentiels à sa droite.Les régimes de temps sont calculés pour la région de l’Atlantique Nord, allant de la façade Est des USA aux portes de la Russie. Ici, lorsque nous parlerons des conséquences en termes de temps sensible pour « l’Europe », nous désignerons en fait l’Europe de l’Ouest, les pays limitrophes de la Belgique et la Belgique elle-même. Dans les images qui suivent, les flèches grises ne désigneront plus le sens des déferlements mais la position du jet. Il eut sans doute été préférable de choisir une autre convention de couleurs, mais étant donné que les cartes sont déjà très colorées, le choix était limité.En Hiver, les régimes de temps sont les suivants :

Les quatre régimes de temps en Hiver. Crédit image : http://www.cerfacs.fr/~cassou/Regimes/regime.html

Nous voyons d’emblée que les quatre régimes se produisent avec une fréquence à peu près égale. Nous allons détailler chacun d’eux. La NAO- correspond à un affaiblissement de l’anticyclone subtropical. Les déferlements cycloniques sont nombreux sur l’Atlantique. Le jet polaire s’affaiblit alors et se retrouve anormalement au Sud. C’est un régime de temps plutôt favorable aux froids modérés, mais qui peut malgré tout apporter de la douceur et de la pluie dans certains cas limites. La neige est assez fréquente dans cette configuration. C’est le cas de Janvier 2010 par exemple. Notez que le jet est rejeté loin vers le Sud et ondule. Sur l’Europe c’est donc un flux de Nord à Nord-Est qui rentre. Sur les cartes isentropiques, notez que les déferlements cycloniques s’enchaînent sur l’Atlantique. Le rejet du jet vers le Sud est une des conséquences des déferlements cycloniques. Comparé à la même animation un peu plus bas pour un cas de NAO+, la différence est spectaculaire.

Situation du 02 Janvier 2010 d’après la Réanalyse NCEP/NCAR. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsreaeur.html
Animation du 30 Décembre au 04 Janvier 2010 qui montre que les anomalies cycloniques déferle sans relâche sur l’Atlantique, forçant le jet à s’enfoncer très au Sud. Source : http://www.wetter3.de/Archiv/

La NAO+ correspond à un renforcement de l’anticyclone subtropical, et le jet polaire augmente en puissance et remonte au Nord. Les déferlements anticycloniques se renforcent sur le bassin méditerranéen et le proche Atlantique ; les déferlements cycloniques quant à eux sont exacerbés sur l’Islande, maintenant fermement le jet en place sur l’Atlantique. C’est en quelque sorte l’exagération de la situation climatologique. Le flux est à l’Ouest et fait rentrer largement la douceur atlantique en Europe. On parle aussi de régime de temps zonal, pour exprimer cette idée de circulation d’Ouest. C’est classiquement le régime de temps des tempêtes, du temps doux, gris et pluvieux. Le froid est très peu probable dans cette configuration et le risque de neige négligeable. Dans certains cas, lorsque l’anticyclone établit plus fermement son emprise sur l’Europe, il peut se produire un froid par inversion. Ce régime de temps fut celui de Décembre 2011, qui fut particulièrement arrosé et venté. Notez le flux d’Ouest très tendu et très au Nord caractéristique de cette situation. Sur la carte isentropique, nous voyons que le déferlement anticyclonique bouscule tout à la manière d’un bulldozer et rejette le jet très au Nord. Le déferlement cyclonique est moins spectaculaire mais il est quand même présent. Le déferlement cyclonique tend lui au contraire à enfoncer le jet au Sud. Du conflit des deux résulte ce jet très tendu et très rapide sur l’Atlantique.

Situation du 3 Décembre 2011 d’après la Réanalyse NCEP/NCAR. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsreaeur.html
Animation du 01 au 04 Décembre 2011 qui montre le déferlement anticyclonique de l’anomalie anticyclonique sur l’Atlantique et le déferlement cyclonique de l’anomalie cyclonique sur l’Islande. Source : http://www.wetter3.de/Archiv/

L’Atlantic Ridge correspond à une remontée de l’anticyclone subtropical vers le Groenland. Le jet décrit une large boucle sur l’Atlantique, et les déferlements anticycloniques sont très fréquents sur le proche Atlantique. Sur l’Europe, il rabat de l’air froid et maritime en plein flux de Nord. C’est rarement une situation à grand froid. Par contre, la neige est fréquente et abondante. Le mois de Décembre 2010 a été marqué par une forte amplitude de ce régime de temps. Notez que le jet est à nouveau rejeté loin vers le Sud et tend à onduler, comme dans le cas de la NAO-. Cependant, dans ce cas, les dépressions ne circulent absolument plus sur l’Atlantique. Au contraire, un barrage anticyclonique se met en place sur l’océan. Les dépressions descendent alors en flux de Nord tout droit de l’Arctique, apportant du froid modéré et de la neige. Sur la carte isentropique, nous voyons le bel enroulement anticyclonique sur l’Atlantique qui ouvre un boulevard aux descentes polaires.

Situation du 17 Décembre 2010 d’après la Réanalyse NCEP/NCAR. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsreaeur.html
Animation du 15 au 17 Décembre 2010 qui montre le déferlement anticyclonique de l’anomalie anticylonique sur l’Atlantique. Source : http://www.wetter3.de/Archiv/

Le Scandinavian Blocking ou blocage scandinave correspond à une remontée de l’anticyclone subtropical vers l’Europe du Nord, et à l’établissement d’un lien entre celui-ci et l’anticyclone sibérien. Les déferlements anticycloniques se multiplient sur l’Europe, forçant la séparation du jet avec une branche très Sud sur l’Afrique et une branche très Nord sur l’Islande. C’est le régime de temps le plus favorable aux grands froids pour une majeure partie de l’Europe, excepté l’Europe du Nord. Le flux s’établit alors à l’Est, voire au Nord-Est, et advecte des masses d’air froid et sec. Ce n’est par contre pas une configuration favorable à la neige, et encore moins à la pluie. Dans certains cas limites, l’alimentation en air froid du blocage fait défaut. Comme nous le verrons plus loin, c’est une configuration plus classique en saison chaude qu’en saison froide. Cependant, si cela se produit, l’Europe se retrouve alors dans un puissant flux de Sud doux et humide. C’est la configuration de cette fin Novembre 2014. Mais le blocage scandinave est aussi le régime de temps du froid Février 2012, illustration des deux opposés. En Février 2012, nous voyons que les dépressions sont bloquées sur l’Atlantique et n’avancent pas plus à l’Ouest. L’Europe est alors dans un flux de Nord-Est à Est froid et sec. Sur la carte isentropique, le schéma de déferlement est assez peu marqué et assez peu spécifique. Une succession de déferlement anticyclonique au Nord de la Scandinavie dévie le jet très au Nord. Cependant l’édifice reste assez bancal. 

Situation du 02 Février 2012 d’après la Réanalyse NCEP/NCAR. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsreaeur.html
Animation du 31 Janvier au 03 Février 2012 qui montre le déferlement anticyclonique au nord de la Scandinavie. Source : http://www.wetter3.de/Archiv/

Régimes de temps en Été

Nous allons détailler chacun des régimes de temps de la saison chaude.

Les quatre régimes de temps en Été. Crédit image : http://www.cerfacs.fr/~cassou/Regimes/regime.html

Le blocage, blocage scandinave, correspond à une situation où l’anticyclone s’établit largement sur l’Europe. En saison chaude, il s’agit uniquement d’une situation propice à la chaleur, voire à la canicule. Le flux s’oriente au Sud et advecte des masses d’air tropicales. Le temps en Europe est donc particulièrement sec et chaud, souvent caniculaire. Ce fut le régime de temps dominant en Août 2003. Notez que le jet est complètement rejeté vers le Nord. L’Europe est dans alors situé au cœur de l’advection d’air tropicale.

Situation du 11 Août 2003 d’après la Réanalyse NCEP/NCAR. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsreaeur.html

L’Atlantic Low, dépression atlantique en français, correspond à la variante estivale de la NAO+. Le courant perturbé en cette saison est cependant rejeté très au Nord. L’Europe est alors protégée. Le flux s’oriente au Sud-Ouest sur nos régions. Les masses d’air sont alors chaudes et humides, mais les canicules sont un peu moins fréquentes. C’est une configuration favorable au temps chaud, mais plutôt instable et orageux, parfois caniculaire. Ce fut le régime de temps de Juin 2003. Le jet est orienté du Sud-Ouest au Nord-Est et l’Europe reste au Sud de ce jet. C’est une situation similaire à la NAO+ hivernale mais en Été les champs de pression sont plus « mous » en moyenne et  le jet plus au Nord.

Situation du 19 Juin 2003 d’après la Réanalyse NCEP/NCAR. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsreaeur.html

La NAO- correspond à un affaiblissement de l’anticyclone subtropical. Le jet polaire s’enfonce donc anormalement vers le Sud. Pour l’Europe, c’est un temps perturbé qui domine, souvent en flux d’Ouest. Les températures peuvent être particulièrement fraîches, et les précipitations abondantes. Ce fut le cas en Juillet 2011, qui aura hésité entre NAO- et dorsale atlantique. Le jet est alors anormalement au Sud, et la Belgique prend de plein fouet les perturbations.

Situation du 07 Juillet 2011 d’après la Réanalyse NCEP/NCAR. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsreaeur.html

L’Atlantic Ridge, la crête atlantique, correspond à un soulèvement de l’anticyclone sur l’Atlantique. Le jet décrit alors une large courbe sur l’Atlantique. L’Europe se retrouve alors plongée dans un flux de Nord-Ouest frais et perturbé. Le mois d’Août 2006 fut marqué par ce régime de temps. Notez la similitude avec le schéma synoptique hivernal. Si ce n’est qu’il fait en moyenne plus chaud en Été, le flux reste frais et perturbé.

Situation du 15 Août 2006 d’après la Réanalyse NCEP/NCAR. Source : http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsreaeur.html

Intérêt de la prévisibilité à moyenne échéance

Un des intérêts de cette décomposition en régimes de temps est de permettre la prévision à quelques semaines. Le passage d’une perturbation un jour donné ne peut être prévu plus de 5 jours à l’avance au mieux. Cependant les changements de régimes de temps sont prévisibles à plusieurs semaines d’échéances. La modulation des ondes planétaires et de leurs déferlements sont prévisibles à plus longue échéance car ce sont des structures de grande échelle, avec une certaine persistance. Les régimes de temps, qui matérialisent donc cet arrangement d’ondes et de déferlements, peuvent être prévus plusieurs semaines à l’avance. Et puisqu’ils sont associés à des conditions météorologiques assez spécifiques pour chacun d’eux, on peut estimer le ressenti moyen des semaines à venir.Les régimes de temps sont forcés par des facteurs qui commencent à être bien identifiés maintenant. Une des plus importantes sources de forçage des régimes de temps est la convection tropicale. Cette convection libère énormément d’énergie, énergie qui peut moduler la transition d’un régime à l’autre.De plus, spontanément les régimes de temps tendent à évoluer d’une manière privilégiée. Le schéma de transition classique est celui d’une situation NAO+ suivi d’une situation de blocage suivi d’une situation de NAO-. Une évolution d’une situation de blocage scandinave à une situation de crête Atlantique est par exemple assez peu fréquente. Les températures de surfaces de l’Océan Atlantique jouent également un rôle important dans la détermination des régimes de temps. La connaissance des ces interactions permet de déterminer empiriquement l’évolution synoptique à l’échéance de quelques synoptiques. Malgré que la technique soit assez artisanale, elle n’en reste pas moins efficace.

Évolution des régimes avec le changement climatique

Il existe deux évolutions distinctes mais qui s’entremêlent l’une et l’autre. D’une part, à même régime de temps, il fait de plus en plus chaud. C’est le cas de l’Hiver 2009-2010 par exemple, froid dans l’absolu mais extrêmement doux par rapport à une situation synoptique favorable aux grands froids comme rarement l’Europe connait. Une étude a ainsi montré que l’Hiver 2009-2010 aurait dû faire partie des deux hivers les plus froids depuis la seconde guerre mondiale, au côté du fameux Hiver 1962-1963. Au lieu de cela, le réchauffement des températures a projeté l’Hiver 2010 dans la frange des 15% d’Hivers les plus froids. Une solide différence donc… D’autre part, il existe une évolution des régimes de temps en eux-mêmes. Au début des années 2000, les scientifiques avaient sous-estimé la rapidité des impacts du changement climatique. Ils s’attendaient donc en majorité à une plus grande fréquence du régime NAO+ au détriment du régime NAO-. Cela aurait conduit à des Hivers plus doux, plus humides et plus tempétueux ; et à des Étés plus sec et plus chaud.  Depuis, la réalité nous a rattrapé. Le régime NAO+ a fortement reculé ces derniers années, et il s’est en plus dénaturé, le régime NAO+ tel qu’il existait dans les années 80-90 n’ayant pas refait surface depuis, entre autre exemple.

Quelques références

http://www.cnrm.meteo.fr/recyf/IMG/pdf/Michel_et_al12.pdf
http://www.cnrm.meteo.fr/recyf/IMG/pdf/Michel_and_Riviere11.pdf
http://www.cerfacs.fr/globc/links/presentation/Sieste_cassou_2008.pdf

De la difficulté de prévoir les orages


 Récemment, Jean-Yves Frique du collectif Belgorage écrivait que « la prévision convective est, avec la prévision neigeuse, la plus difficile en météorologie ». Cette remarque est à l’évidence d’une grande pertinence et nous abondons dans ce sens. Cela est d’autant plus judicieux de le rappeler que, pour beaucoup de personnes, les orages sont associés à la chaleur et à l’humidité, et qu’il est donc « naturel » d’avoir des orages quand il fait trop chaud. Les passionnés d’orages savent combien les choses sont hautement plus compliquées. A ce titre, l’auteur de cet article, effrayé par les orages durant son enfance, les attendant comme une délivrance de la chaleur quelques années plus tard, et maintenant passionné depuis 2 ans par ces machines de thermodynamique, les découvre encore un peu comme un novice, en tout cas par rapport à certaines sommités kérauniques.   

C’est donc avec ces yeux de néo-passionné que j’aimerais vous faire partager quelques réflexions autour de la difficulté de la prévisions d’orages. En effet, je découvre encore tous les jours la complexité de la formation des orages, un peu comme notre public parfois plus que novice qui ne comprend pas pourquoi un orage n’a pas éclaté dans son patelin. Il arrive effectivement parfois qu’une prévision d’orages ne se révèle pas correcte, que ce soit dans son timing, sa localisation, ou son niveau de sévérité. Il y a bien évidemment mille raisons à ce manque de prévisibilité, et cela demanderait de longues recherches et des explications probablement fort techniques. Il n’empêche : le public se sent parfois frustré de voir que les prévisions ne se sont pas réalisées « comme prévu » et les discours anti-scientifiques pleuvent. Cet article aimerait donc vous expliquer la difficulté de prévoir les orages à partir de 3 cas théoriques mais bien réels : l’inversion de température, la brise de mer, et l’instabilité. 

L’inversion de température 
Nous avons déjà parlé de l’inversion de température dans cet article. Il faut néanmoins revenir et insister sur certains points. Etant donné que l’inversion de température est une couche d’air plus chaude que celle qui se trouve en-dessous et qu’elle bloque donc la convection comme un couvercle, comment fait-on pour la vaincre et permettre ainsi le développement de nuages convectifs ? On pourrait évidemment espérer un échauffement de la couche inférieure qui rétablirait un profil vertical classique et donc favorable à la convection, mais cela est trop rarement le cas. Reste alors un forçage suffisamment puissant pour percer cette couche d’inversion. Et c’est là qu’intervient la difficulté de la prévision kéraunique. Il est en effet important d’établir quel est le degré de coriacité de la couche d’inversion, en d’autres termes son épaisseur, mais aussi de combien de degrés la température remonte dans cette couche. Le problème est donc le suivant : qu’est-ce qui nous permet de savoir qu’une couche de 100m avec une inversion de 1° pourrait être percée alors qu’une autre de 150m avec une inversion de 1.5° ne pourrait pas l’être ? Dans les discussions rédigées par les spécialistes analystes des couches et masses d’air, il arrive régulièrement que le doute subsiste sur les possibilités de perçage. Entrent en ligne des facteurs non pas de méso-échelle, mais de micro-échelle tels le relief très local ou d’autres. Ainsi, comment pouvoir déterminer qu’une colline de X mètres avec une pente de Y % permettrait d’induire une dynamique de forçage qui percerait alors l’inversion de température ?  C’est probablement à ce moment-là qu’on arrive aux limites de nos capacités techniques et intellectuelles. En effet, les modèles numériques de prévisions, même ceux à maille fine, n’offrent des résolutions que de plusieurs kilomètres et certaines particularités du relief ou d’une manière générale de la topographie ne sont pas ou peu prises en compte par ces modélisations. Elaborer des machines avec encore une résolution plus fine impliquerait non seulement d’intégrer des éléments géographiques d’une infinie précision, mais aussi de mettre en équation ces composants, avec toute la complexité que cela suppose. Evidemment, on peut espérer que le progrès technologique et humain nous permettra dans le futur (proche ou lointain) une meilleure gestion de cette complexité, mais cela demandera encore du temps, de l’argent, et d’autres ressources. 

La brise de mer 
Rappelons que la brise de mer est ce phénomène essentiellement estival où le vent marin se lève à cause de la différence de température entre la terre plus chaude et la mer plus froide. Elle se forme donc dans certaines conditions de gradient thermique mais aussi lorsque le vent continental de Sud à Est est insuffisant pour empêcher la levée de ce vent particulier. L’importance de cette brise pour la formation des orages est qu’elle forme un véritable pseudo front froid le long duquel les vents convergent pour forcer l’ascension de la masse d’air et la convection. Il est donc important de bien évaluer la présence (ou non) de cette brise marine et de l’intégrer dans un contexte orageux avec les autres paramètres tels que l’énergie potentielle ou la dynamique d’altitude.  Le problème de la brise marine est qu’elle réagit là aussi à une situation précise et complexe. En effet, si c’est le gradient thermique qui la provoque, comment peut-on évaluer qu’un gradient thermique de 5° la provoquera et qu’un autre de 4° ne la provoquera pas ? Dans la majorité des cas, les modélisations numériques appréhendent cela assez bien et cela est répercuté dans les bulletins généralistes, mais il existe encore des exceptions qui peuvent perturber les prévisions et en surprendre plus d’un. Malheureusement, intervient aussi l’autre facteur déterminant, à savoir l’orientation du vent continental qui affrontera donc la brise marine. Pour que ce front soit efficace au niveau des convergences et des forçages, il faut que l’angle créé par les vents continentaux et marins soit le plus proche possible des 180°, ce qui permettra un affrontement maximal. Dès lors, vu l’orientation de la côte belge et la brise marine de Nord-Ouest, c’est un vent continental de Sud-Est qui sera le plus à même de générer un forçage efficace. A contrario, un vent plus orienté au Sud ou à l’Est créera un angle d’affrontement qui s’écartera des 180° avec à la clef des forçages moins importants. Toute la difficulté de la modélisation et de la prévision réside donc dans la mécanique de précision de l’orientation des vents. Un écart de 10° peut être suffisant pour perturber la convergence et les forçages. Comme pour l’inversion de température, certains détails topographiques, synoptiques ou thermiques provoqueront un changement dans l’orientation des vents susceptible ou non de déclencher la convection. Ces paramètres sont encore difficiles à appréhender par les supercalculateurs car ils sont inférieures à leur résolution. Ils échappent donc à la prévision convective dont la résolution est plus de micro-échelle que de méso-échelle. Il reviendra donc au prévisionniste d’affiner cela via l’observation visuelle, satellite, radar, et par l’expérience. 

L’instabilité 
Un troisième cas n’est pas le moins rencontré : il s’agit de l’instabilité, et plus précisément d’une instabilité revue à la baisse à cause d’une couverture nuageuse plus dense que prévue et donc d’un ensoleillement moins généreux. Durant les grandes périodes estivales, il arrive en effet fréquemment que la dégradation orageuse positionnée sur l’Atlantique voie ses restes envoyés vers la Belgique durant la nuit et en matinée. Dès lors, alors que celle-ci est prévue dans l’après-midi avec un degré de sévérité plus ou moins élevé, la présence de nuages limitera d’autant l’instabilité prévue. Le tout est de savoir de combien sera ce « autant ». Cela dépendra évidemment de la capacité des nuages à se dissiper durant la journée. Interviendront le taux d’humidité, la puissance du soleil, l’orientation et la puissance du vent (humide ou sec), les champs nuageux situés sur la France et remontant vers nos régions, et même des différences thermiques et hygrométriques entre différentes couches de l’atmosphère, entre autres facteurs. Un des problèmes est que la modélisation numérique ne pourra être modifiée qu’à partir des données récoltées au moment de cette invasion nuageuse, c’est-à-dire vers 6h du matin, avec une sortie du « run » à 12h. La présence nuageuse de la matinée sera elle intégrée à 12h avec une prévision à 18h, en pleine dégradation orageuse. Il existe donc déjà un problème de timing de la prévision qui sera « en retard » par rapport aux événements en cours. Notons aussi que ces nouvelles données imprévues sont difficiles à intégrer dans les nouvelles équations et ont du mal à « rattraper » la situation. De plus, une des difficultés du prévisionniste de la convection sera de pouvoir déterminer quelles régions seront les plus exposées aux éclaircies et jusqu’à quel niveau. De cela dépendra évidemment le risque orageux et celui-ci pourrait être redistribué en fonction de la répartition de l’ensoleillement. A ce moment-là, la modélisation numérique sera en grande partie inefficace et seule une observation du ciel et des images satellite et radar pourra donner au prévisionniste une idée des possibilités de développement convectif en fonction des régions. L’expérience jouera aussi un rôle non-négligeable. Toutefois, il arrive encore régulièrement que des « surprises » se produisent et que les prévisionnistes soient tout simplement dépassés par les éléments. 

Conclusion 
On a pu donc le voir à travers 3 cas particuliers, théoriques, mais réels et assez fréquents : la prévision convective est chaque jour délicate. Elle requiert des moyens humains, intellectuels, technologiques, et financiers colossaux. Prévoir des phénomènes aussi localisés que les orages et qui réagissent à des détails aussi infimes et variables relève à chaque fois de la pirouette et du génie humain. Nous nous trouvons à mille lieux de l’équation simpliste : chaleur + humidité = orage. Ces machines de thermodynamique ont besoin de situation beaucoup plus précise que le quidam ne l’imagine car elles réagissent à une dynamique de basse couche (les forçages) réglée presque au degré près, à une énergie potentielle suffisante trop souvent perturbée par un manque d’ensoleillement mal géré par la modélisation numérique, et à un profil vertical thermique dont la progression parfois particulière perturbe les mouvements convectifs. Monsieur tout-le-monde sera alors bien souvent surpris, frustré, et même trop souvent énervé par le manque de prévisibilité et de fiabilité de la prévision convective. Pourtant, si on voulait améliorer la prévision kéraunique, il faudrait une petite révolution. Le météorologiste Luc Trullemans a déclaré un jour que « pour mieux maîtriser cette prévision, il faudrait envoyer des ballons-sondes tous les 5 kilomètres avec des mesures d’altitude tous les 10 mètres, ce qui impliquerait un investissements colossal ». On pourrait rajouter que ce seraient les personnes les plus insatisfaites des prévisions actuelles qui refuseraient de mettre la main à la poche pour financer cet effort scientifique. Dès lors, la prévision convective est et restera la prévision la plus difficile où même les meilleures machines construites par l’homme ne pourront rien face à la complexité des orages. Le dire n’est pas un aveu d’échec ou d’incompétence. C’est de l’humilité.