Les trainées de condensation (mythes ou réalités)

-> Article rédigé par Michael Bleret, météorologue au Meteo Wing en collaboration avec Guillaume Hurbain, Capitaine sur A320.

Notre positon récurrente entre une barrière de haute pression sur l’Europe continentale et des dépressions circulant vers le Royaume-Uni favorise souvent l’observation de ces trainées de condensation ces derniers jours (voir image 1).


Elles peuvent même persister dans l’atmosphère pendant plusieurs heures voire des jours, elles prennent alors l’apparence de nuages plus traditionnels qu’on appelle dans le jargon météo cirrus homogenitus. A ne pas confondre avec les trainées aux extrémités de l’avion observables plutôt près du sol (voir photo 2), quelques éléments de portance (ailerons ou extrémité d’aile) produisent un vortex tubulaire associé à une dépression sur le dessus de l’aile (ce qui permet à l’avion de voler). La chute de pression est la plus brusque en bout d’aile où elle entraîne une chute instantanée de température. Si l’avion vole dans une zone où l’humidité relative de l’air approche les 100 %, la baisse de température peut faire passer l’air au point de saturation au bout des ailes. Elles sont connues comme traînées de détente (image 2).

En effet, il faut comprendre avant toute chose que plus l’air est froid, moins il peut contenir de la vapeur d’eau. Nous avons tous déjà observé ces gouttelettes en suspension sortant de notre bouche lorsqu’il fait froid. Il est donc très simple de s’imaginer qu’un avion circulant en haute altitude (il y fait souvent en-dessous de -50/-60°C à altitude de croisière) et libérant une certaine quantité de vapeur d’eau puisse créer de telles trainées dans son sillage. Leur persistance ou non dépendra directement du taux d’humidité initial de l’air à cette altitude, si vous voyez déjà d’autres cirrus ou d’autres nuages d’altitude il y donc de forte chance que ces trainées de condensation persistent. Certains observateurs utilisent celles-ci pour déterminer la possibilité de l’arrivée éventuelle d’une dégradation pluvieuse grâce à l’humidification de l’atmosphère en altitude. Mais aussi parce que les vents forts (le courant du jet stream notamment) peuvent déformer ces trainées dans la direction du flux général (image 3).


Nous avons vu que la formation, la persistance ou non de ces trainées résultent de principes météo basiques. Nous étudions d’ailleurs, au Météo Wing, des méthodes de calcul afin de déterminer l’altitude de ces trainées de condensation éventuelles. Elles peuvent être déterminantes d’un point de vue tactique.

Evidemment, et ce n’est un secret pour personne, malheureusement les moteurs d’avion ne produisent pas que de l’eau. Je vous rassure rien qui ne puisse nous manipuler ou sciemment nous rendre malade, il n’existe aucun bouton dans un avion de ligne pour larguer des composants chimiques à un moment et sur un point donné. Une telle chose serait impossible à dissimuler à l’ensemble de la population et de nombreuses preuves seraient inéluctables ce qui n’est absolument pas le cas.

Les gaz d’échappement des moteurs d’avions sont principalement constitués d’eau et de dioxyde de carbone, produits de combustion des hydrocarbures. De nombreux autres sous-produits chimiques issus d’une combustion incomplète d’hydrocarbures, notamment des composés organiques volatils, des gaz inorganiques, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des matières organiques oxygénées, des alcools, de l’ozone et des particules de suie, ont été observés à des concentrations plus faibles. La quantité exacte dépend du type de moteur et de la fonction de base du moteur à combustion, avec jusqu’à 30 % des gaz d’échappement des avions étant du carburant non brûlé (des particules métalliques de la taille d’un micron résultant de l’usure du moteur ont également été détectées.) À haute altitude, lorsque cette vapeur d’eau émerge dans un environnement froid, l’augmentation localisée de la vapeur d’eau peut augmenter l’humidité relative de l’air jusqu’au point de saturation. La vapeur se condense alors en minuscules gouttelettes d’eau qui gèlent quasi instantanément, la température en haute altitude étant largement sous 0°C. Ces millions de minuscules gouttelettes d’eau et/ou cristaux de glace forment les traînées de condensation. Le temps nécessaire à la vapeur pour refroidir suffisamment pour se condenser explique la formation de traînée de condensation à une certaine distance derrière l’avion (image 4). À haute altitude, la vapeur d’eau surfondue nécessite un déclencheur pour favoriser le dépôt ou la condensation. Les particules d’échappement présentes dans les gaz d’échappement de l’avion agissent comme ce déclencheur, provoquant une condensation rapide de la vapeur emprisonnée. Des traînées de condensation se forment généralement à haute altitude ; souvent au-dessus de 8 000 m (26 000 ft), où la température de l’air est inférieure à −36,0 °C. Ils peuvent également se former plus près du sol lorsque l’air est froid et humide. Lorsque l’atmosphère est très sec ou peu humide, les trainées ne persistent pas et disparaissent plus ou moins rapidement selon la teneur initiale en humidité de l’atmosphère, c’est notamment le cas au cœur d’un anticyclone ou d’une crête anticyclonique d’altitude.

On ne vous cache donc rien concernant ces fameuses trainées. Cependant, leurs impacts ne sont pas à négliger non plus d’autant plus qu’à défaut d’autres combustibles, elles seront amenées à être de plus en plus nombreuses dans notre ciel dans ces conditions de formation favorables. On estime que le trafic aérien pourrait être multiplié par 6 entre l’an 2000 et 2050, si vous venez à peine de vous rendre compte du phénomène sachez qu’il n’en est peut-être qu’à ses débuts même si de nombreuses études portent à diminuer l’ampleur de ces trainées de condensation qui n’ont pas fini de faire jaser (image 4).

Selon de nombreuses études justement, si les trainées de condensation persistantes, se transformant en bancs de nuages d’altitude, peuvent très légèrement refroidir la basse troposphère en journée, la nuit le phénomène inverse se produit menant à un forçage radiatif positif. Il est très difficile de quantifier le phénomène mais il parait évident qu’il contribue au réchauffement climatique. Sans oublier également les gaz à effet de serre directement induit par le trafic aérien. D’ailleurs, selon Guillaume (pilote de ligne) dans le cadre du plan climat certaines compagnies prévoient d’introduire dans les algorithmes des plans de vol la capacité de choisir l’altitude de croisière en fonction de la consommation, de la rapidité mais aussi des trainées de condensation (diminution).

Les recherches les plus récentes suggèrent que les émissions de CO2 des avions représentent un tiers de l’impact de l’aviation sur le changement climatique, les deux autres tiers provenant des émissions non CO2 des avions, y compris les traînées de condensation. Par exemple, ces derniers mois, au cours de l’essai de prévention des traînées, « l’ EUROCONTROL Maastricht Upper Area Control Centre » (MUAC) tente, sur une base expérimentale, en fonction des conditions météorologiques et de circulation dominantes et d’autres facteurs, d’empêcher la formation de traînées en proposant des ajustements verticaux à l’avion (plus haut ou plus bas) dans la phase tactique du vol.

Depuis quelques années, et c’est pour moi potentiellement le plus inquiétant, certains pays ou secteurs larguent d’autres gaz dans l’atmosphère comme l’iodure d’argent ou du chlorure de sodium, c’est ce qu’on appelle l’ensemencement des nuages afin d’influencer les précipitations. On entend aussi de plus en plus parler d’utiliser certains types de gaz dans la haute atmosphère afin de limiter le réchauffement climatique mais, à l’heure actuelle, ça reste un projet qui, je l’espère personnellement, ne verra jamais le jour. Autre élément important, pour l’iodure d’argent ce sont des avions scientifiques/gouvernementaux/militaires qui fonctionnent avec des systèmes séparés. On ne met bien sûr rien dans le carburant qui serait trop dangereux pour les moteurs.

Il faut aussi être averti de ce genre de pratique ou de projet sans tomber dans les fake news à outrance. A propos de celles-ci on voit beaucoup cette fameuse image où l’on aperçoit des politiciens visiter un airbus avec pleins de réservoirs. Ceux-ci contiennent en fait juste de l’eau. Lorsque qu’un constructeur sort un nouveau type d’avion, il doit le tester et le certifier à différents régimes de vol et de centrage/poids. Ces réservoirs servent donc de « sac de sable » et permettent également de faire évoluer le centrage de l’avion durant un vol test (image 5). Rien à voir avec des quelconques produits chimiques.

Enfin, sur certains gros porteur, la masse maximum acceptée à l’atterrissage étant plus basse que la masse maximale au décollage, en cas de soucis technique, ces gros avions doivent larguer du fuel (heureusement au prix du carburant ça n’arrive presque jamais, au pire 2-3 x par an pour toute une compagnie) car ils n’ont pas le temps de le « brûler » tout en atterissant dans des conditions optimales (image 6). Ce fuel sort par un tuyau situé sur les ailes. Cette image (voir dernière image) circule également comme « chemtrails ».

Les conséquences principales de ces trainées ne sont donc pas nécessairement celles dont on parle le plus, il faut dire que les théories complotistes et hors sol (c’est le cas de le dire) prennent beaucoup trop de place notamment sur les réseaux sociaux. En tout cas, Guillaume me certifie que beaucoup de compagnies aériennes et surtout l’Europe, prennent très au sérieux l’effet qu’induisent ces trainées de condensation notamment dans le cadre du réchauffement climatique.

Belle soirée à tout le monde et merci à Guillaume Hurbain, pilote de ligne, pour la relecture et ces compléments d’info à propos de ces trainées de condensation. Le sujet étant débattu à toutes les sauces je vous demanderai de partager cette publication. 🙂

Si vous êtes formé ou informé dans le domaine, vous pouvez évidemment apporter vos éclaircissements.

Laisser un commentaire