Introduction
Sous ce curieux nom se cache un phénomène météorologique particulier ayant d’importantes conséquences pour la côte Ouest des États-Unis. Le nom littéral est Pineapple Express, et vient de l’anglais. L’expression est rarement traduite en français, et l’usage le plus fréquent est de parler également de Pineapple Express dans la Francophonie. Il désigne une situation de « rivière atmosphérique » qui trouve son origine dans le Pacifique tropical. En gros, cette « rivière » prend donc sa source vers Hawaï, patrie des ananas, d’où le surnom donné à ce phénomène. Cette rivière atmosphérique, comme son nom l’indique, transporte ainsi des quantités phénoménales de vapeur depuis l’Océan, qui crèvent en cataractes d’eau sur la côte Ouest. Comme le rappelle Wikipedia, le terme n’est pas « officiel », mais il ne faut pas se fier à cet aspect folklorique. L’Express des ananas est un des cas les plus étudiés de rivière atmosphérique, de par sa forte récurrence (souvent plusieurs fois par an) et ses conséquences majeures pour l’Ouest des États-Unis. D’autres rivières atmosphériques existent de par le monde (notamment au dessus de l’Amazonie et plongeant vers l’Argentine ou encore au dessus de l’Atlantique vers l’Europe de l’Ouest – le Royaume Uni s’étant fait défoncer par l’une d’entre elle ce mois de Décembre 2015 -). Mais probablement aucune n’a atteint la « célébrité » de l’Express des ananas. À la faveur des récentes pluies en Californie qui viennent de sauver in extremis l’État d’une énième année de sécheresse, nous vous proposons un petit retour sur ce phénomène. Nous nous arrêterons plus particulièrement sur la sévérité particularité de l’Express des ananas de ce début mars 2016, qui s’est combiné avec une rivière atmosphérique du golfe du Mexique pour atteindre une immense étendue spatiale et pulvériser des records d’humidité à travers le Sud-Ouest et le Sud des États-Unis.
Un peu de théorie
Parlons donc d’abord un peu des rivières atmosphériques. Ce sont des rivières mais de vapeur d’eau, c’est-à-dire que l’eau y est transporté non sous forme liquide mais sous forme gazeuse. À cette notable différence près, ce sont effectivement des « rivières », c’est-à-dire de longues bandes étroites d’humidité transporté par le vent moyen. Cette page de la NOAA donne quelques informations sur les rivières atmosphériques.
Ces rivières ne peuvent se voir à l’œil nu. Pour les étudier, il est fréquent de regarder ce qu’il convient d’appeler l’Eau Précipitable Totale ou Total Precipitable Water – oh yeah! -, TPW. C’est la hauteur d’eau qui résulterait de la condensation complète de la vapeur sur l’ensemble de la colonne atmosphérique au dessus d’un mètre carré de terrain, ou de manière équivalente une masse d’eau qui en résulterait, sachant qu’un kilogramme d’eau sur un mètre carré donne 1 millimètre de lame d’eau. La charge en vapeur de l’atmosphère varie habituellement de 10 à 40 centimètres pour nos régions, parfois moins ou parfois plus. Évidement, la condensation complète de la vapeur est une hypothèse théorique qui n’est jamais vérifiée, mais l’eau précipitable est ainsi une mesure de l’humidité de l’atmosphère. Pour comparaison, la Belgique a une pluviométrie mensuelle de l’ordre de 50 à 80 millimètres.
L’eau précipitable globale peut être vu au dessus des océans sur le site du CIMMS : http://tropic.ssec.wisc.edu/real-time/mimic-tpw/global/main.html
Cependant, il faut ici se méfier, la banquise fausse le calcul est apparait comme ayant une valeur élevée d’eau précipitable. Il convient alors de savoir où se situe la banquise pour ignorer les fortes valeurs des latitudes polaires. On peut également les voir pour le Pacifique sur le site du REMSS :http://www.remss.com/about/projects/atmospheric-river-watch
Un exemple parmi d’autres de rivière atmosphérique, est celle associée à tempête Desmond, début Décembre 2015, et qui a noyé vif l’Irlande, le pays de Galles, l’Écosse et le nord de l’Angleterre. On vérifiera bien que les fortes valeurs en baie d’Hudson et dans l’Océan Australe atlantique signale la présence de banquise et non une forte humidité de la colonne atmosphérique.
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Eau précipitable totale le 05 Décembre 2015, démontrant l’écoulement d’une puissante rivière atmosphérique au dessus de l’Atlantique vers les îles britanniques. Source : http://tropic.ssec.wisc.edu/real-time/mimic-tpw/global/main.html |
Cependant, toutes les rivières atmosphériques n’apportent pas la désolation. Pour l’Ouest des États-Unis, ces événements apportent environ la moitié des précipitations annuelles et sont donc d’une grande importance pour la région. Ainsi donc, les rivières atmosphériques impactant la côte Ouest sont originaires du Pacifique tropical, dans les parages d’Hawaï. L’archipel ayant été un important producteur d’ananas au milieu du 20ème siècle, l’expression Express des ananas s’est imposé pour désigner ces rivières atmosphériques particulièrement importantes qui venaient doucher la côte Ouest.
Le Pacifique est une région assez différente de l’Atlantique. Le jet subtropical est plus fortement séparé du jet polaire, et les ondes qui se développent sont plus facilement liées à des anomalies de convection du Pacifique équatorial. Il existe notamment l’oscillation Madden-Julian, en anglais Madden Julian-Oscillation, MJO – oh yeah! -. Cette oscillation représente en quelque sorte un train de convection renforcée qui part de l’Océan Indien et traverse l’Océan Pacifique. Lorsque la convection est au dessus de l’Océan Indien, elle tend à favoriser un blocage Pacifique (qui se rapproche alors du schéma du PNA négatif, la MJO expliquant environ 30% de la variance de schéma de la circulation extratropicale). Puis la convection traversant le Pacifique, elle tend a renforcer le jet subtropical. Le blocage tend alors à progressivement s’effondrer, menant à un renforcement de la circulation zonale sur le Pacifique. Le jet subtropical, nourri de l’humidité de la convection, peut éventuellement alors former un Express des ananas. Il est également à noter qu’habituellement le signal de la MJO faiblit dans le Pacifique Central et Est. La MJO est une oscillation qui se retrouve en premier lieu au niveau de l’Océan Indien et Pacifique Ouest.
Le schéma suivant illustre ce phénomène. Pour la traduction, elles sont les suivantes.
Pour le titre, « Heavy West Coast Precipitation Events » signifie « Événements de fortes précipitations pour la côte Ouest ».
Pour le premier crobar, « 7-10 days before event » signifie « 7 à 10 jours avant l’événement », « Heavy rain over far Western Pacific » signifie « Fortes pluies sur le continent maritime », « Moisture plume extends northeast » signifie « Panache d’humidité s’étendant vers le Nord-Est », « Strong polar jet » signifie « Jet polaire puissant », « Strong blocking high » signifie « puissant blocage anticyclonique ».
Pour le deuxième crobar, « 3-5 days before event » signifie « 3 à 5 jours avant l’événement », »Heavy rain shifts west » signifie « Fortes pluies se décalant à l’Ouest », « Moisture plume extends further North-East » signifie « Panache d’humidité s’étendant plus fortement vers le Nord-Est’ », « Split jet forms » signifie « Formation d’un jet séparé », « Block weakens and shift westward » signifie « Affaiblissement et décalage vers l’Ouest du blocage ».
Pour le troisième crobar, « Precipitation event » signifie « événement précipitant », « Heavy rain shifts further east and weakens » signifie « Fortes pluies se décalant encore plus à l’Ouest et s’affaiblissant » -le signal de la MJO est en effet habituellement le plus fort dans l’Océan Indien et le Pacifique Ouest-, « Deep tropical moisture plume » signifie « Profond panache d’humidité tropicale », « Extended jet » signifie « Jet étendu », « Deep low, heavy rain, and possible flooding » signifie « Profonde dépression, fortes pluies, et inondations possibles ».
Il est à noter, comme dit, que la MJO est responsable d’une partie de la variabilité du PNA. Le renforcement de la convection dans l’océan Indien tend à favoriser un schéma de PNA négatif avec un blocage sur le Pacifique Est. Et lorsque la convection est renforcée sur le Pacifique Central ou Est, un schéma de PNA positif est favorisé. Cependant l’Express des ananas ne se produit pas nécessairement en schéma de PNA positif, mais aussi durant la période de transition d’un schéma négatif à un schéma positif. Le renforcement du Jet et les creusements dépressionnaires sur l’Est du Pacifique favorise des déferlements cycloniques des ondes de Rossby (ondes planétaires), qui in fine débouchent sur un enfoncement encore plus vers le Sud du Jet et l’établissement d’un schéma de circulation PNA positif. Cependant, en toute généralité, la Californie est légèrement plus humide en régime de PNA positif. Signalons aussi que ces déferlements cycloniques peuvent aussi perturber le courant Jet jusque dans l’Atlantique Europe avec un impact non-négligeable sur notre météo belge.
L’El Niño est également un facteur favorisant l’apparition d’un Express des ananas. En El Niño, la convection reste à demeure dans le Pacifique. Le jet subtropical tend alors à être renforcé et à être plus au Sud qu’habituellement -normalement car cette année cela n’aura pas vraiment été le cas…- . La convection de plus va nécessairement assurer l’alimentation en humidité. Ainsi, tous les hivers marqués du sceau d’El Niño auront vu au moins un Express des ananas sur la côte Ouest. Normalement, l’El Niño amène un renforcement de la convection dans le Pacifique Central et Est, ce qui aboutit en toute logique à des conséquences assez similaires à celle de la MJO quand elle traverse le Pacifique. Ainsi, en El Niño, le Jet subtropical tend à être nettement renforcé sur le pacifique, avec des situations dépressionnaires sur la côte Ouest. La région qui en profite plus est l’extrême Sud des États-Unis et le Nord du Mexique.
Mars 2016
À la faveur d’une oscillation Madden-Julian très active dans le Pacifique -fait qui normalement ne se produit pas durant un événement El Niño, ce dernier tendant à inhiber la MJO…-, une série de dépressions sont venus frapper la côte Ouest des États-Unis. La Californie a ainsi été sauvé in extremis de la sécheresse qui perdurait depuis des années par un événement qui n’aurait pas du se produire… Pour l’État, les problèmes de déficit en eau ne sont pas encore complétement résolus, mais les Californiens pourront au moins passer cet Été un peu plus sereinement que les trois précédents.
Pour illustrer, nous pouvons regarder les cumuls de pluies dans différentes villes pour le mois de Mars en cours. Ainsi, depuis le 1er Mars, les cumuls suivants ont été enregistrés, comparés à la valeur normale sur le mois (du 1er au 31 Mars).
Sacramento a reçu 114.8 mm de pluie au 14 Mars, pour une normale mensuelle de 76.7 mm.
San Francisco a reçu 127.5 mm de pluie au 14 Mars, pour une normale mensuelle de 75.2 mm.
Eureka a reçu 160.8 mm de pluie au 14 Mars, pour une normale mensuelle de 134.6 mm.
Fresno a reçu 74.4 mm de pluie au 14 Mars, pour une normale mensuelle de 51.6 mm.
Los Angeles a reçu 40.1 mm au 14 Mars, pour une normale de 61.7 mm.
La carte suivante présente les rapports à la normale des cumuls de précipitations pour le mois en cours, ce mois de Mars 2016 donc :
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Rapport à la normale des cumuls de précipitations, pour la période courante du 01er Mars au 14 Mars 2016. Source : http://www.wrcc.dri.edu/ |
Et la carte suivante présente le rapport à la normale des cumuls de précipitations depuis le début de l’année hydrologique. Cette année hydrologique commence au 1er Octobre, ce sont donc les rapports à la normale courant entre le 1er Octobre 2015 et le 14 Mars 2016. On notera que le Sud des États-Unis, qui est censé bénéficier le plus d’El Niño, est la région la plus sèche sur la période… Il faut aller chercher vers l’Est du Mexique et le Texas pour avoir un signal un peu plus consistant avec El Niño.
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Rapport à la normale des cumuls de précipitations, pour la période courante du 01er Mars au 14 Mars 2016. Source : http://www.wrcc.dri.edu/ |
Pour illustration, il faut savoir que Phoenix, en Arizona, n’a toujours pas vu la moindre pluie de l’hiver. Cela n’était arrivé que deux fois auparavant, et pour les hivers listés ci-dessous, aucun n’avait connu de conditions El Niño établies. Ce serait donc une première…
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Cumul de précipitations à Phoenix, période Février-Mars. Source : https://twitter.com/NWSPhoenix?ref_src=twsrc^google|twcamp^serp|twgr^author |
Mais revenons un peu à la Californie. À partir du 04 Mars, la crête anticyclonique qui avait garanti au Sud des États-Unis un temps exceptionnellement chaud et sec commence à s’effondrer. La parade des perturbations prend place dès le lendemain. En effet, le 05 Mars une perturbation glisse du Sud vers le Nord, arrosant copieusement la Californie. Les cartes d’analyse montrent la propagation de ce flux d’Ouest qui provoque l’effondrement de la crête anticyclonique. Dans le même temps, la crête n’est pas entièrement passive et les perturbations viennent ripper contre cette structure, se décalant alors vers le Nord. Cependant, les creusement renouvelés de plus en plus vers le Sud finiront par emporter la décision.
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Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa le 05 Mars 2016 à 00 UTC. Notons la crête anticyclonique sur l’Ouest des États-Unis et la profonde dépression dans le golfe de l’Alaska. Source : http://www1.wetter3.de/ |
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Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa. La crête anticyclonique se décale en s’effondrant, et un thalweg s’enfonce en direction de la Californie. Source : http://www1.wetter3.de/ |
Puis les 06 et 07 Mars 2016, un complexe dépressionnaire vient se positionner sur la côte Ouest. Le minimum principal se situe au large de la Colombie-Britannique, et forme par cyclogenèse aval une faible perturbation sur le Montana et l’Alberta. Un autre système se forme quand à lui au large de l’état de Washington, et arrose copieusement la côte. C’est ce système qui, en migrant vers le Sud-Est, va s’isoler partiellement du flux et provoquer de violentes intempéries au Mexique et en Louisiane, intempéries dont nous avions fait écho ici même :
http://infometeobelgique.blogspot.fr/2016/03/quand-une-tempete-de-neige-mexicaine.html
Les images satellites mettent en évidence une relative continuité de la dépression affectant la côte Ouest, avec une ondulation au Nord d’Hawaï. C’est l’Express des ananas.
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Image satellite infrarouge du 06 Mars 2016 à 06 UTC. Notons la perturbation qui s’enroule au large de la Colombie Britannique et dont une partie s’étire depuis le Pacifique. Source : http://rammb.cira.colostate.edu/ramsdis/online/goes-west_goes-east.asp |
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Image satellite infrarouge du 07 Mars 2016 à 06 UTC. La source d’humidité a été renouvelée. La perturbation de la veille a franchi les Rocheuses et une seconde perturbation se développe au large de l’État de Washington. La continuité avec le Pacifique se fait plus au Nord. Source : http://rammb.cira.colostate.edu/ramsdis/online/goes-west_goes-east.asp |
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Autre point de vue pour l’image satellite infrarouge du 07 Mars 2016 à 0600 UTC. Source : http://www.sandiegouniontribune.com/news/2016/mar/07/the-latest-california-storm-moves-south-more-snow/ |
Nous pouvons mettre mieux en évidence l’express des ananas par la mesure de l’eau précipitable. Le ruban de fortes valeurs s’étire depuis le Nord d’Hawaï jusqu’à la Californie le 06 à 06 UTC.
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Eau précipitable totale le 06 Décembre à 06 UTC. Notons la rivière atmosphérique qui s’écoule à travers le Pacifique jusqu’à la Californie. Source : http://tropic.ssec.wisc.edu/real-time/mimic-tpw/global/main.html |
Les cartes d’analyses confirment, avec l’enfoncement vers le Sud des creusements cycloniques. Le 08 Mars, on note un début d’isolement sur la Californie. C’est ce minimum, en renouvelant son approvisionnement en humidité au dessus du Golfe du Mexique, qui va déclencher de violentes précipitations au dessus de la Louisiane.
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Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa. Source : http://www1.wetter3.de/ |
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Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa. Source : http://www1.wetter3.de/ |
Pour la Californie, il y aura quelques jours de répit, puis à partir du 10 l’activité pluvio-instable reprendra, plus modeste. Cette seconde vague de perturbations sera de nouveau alimentée par une rivière atmosphérique prenant sa racine dans le Pacifique tropical. On notera surtout, le 11 Mars, sur l’image suivante, que le creux qui s’était isolé sur le Mexique advecte un second panache d’humidité depuis le Golfe du Mexique. Ce minimum avait déjà été actif en s’alimentant aux sources du Pacifique, là il devient pour ainsi dire explosif en renouvelant son alimentation en air humide aux sources du Golfe du Mexique.
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Eau précipitable totale le 11 Mars 2016 à 11 UTC. Les flècches indiquent les deux rivières atmosphériques, « Atmospheric Rivers », l’une pour la Californie et l’autre pour la Louisiane. Source : http://www.wunderground.com/blog/JeffMasters/floods-from-up-to-20-inches-of-rain-create-state-of-emergency-in-louis |
La carte d’analyse vient étayer en montrant tout à la fois un profond thalweg pacifique qui concerne la Californie, et un minimum d’altitude au dessus du Mexique :
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Pression ramené à la surface de la mer (traits blancs), hauteur du géopotentiel 500 hPa (traits noirs) et épaisseur 1000 – 500 hPa le 11 Mars 2016 à 00 UTC. En lien avec l’image de l’eau atmosphérique ci dessus, notons un profond minimum mexicain issu de la dépression sus mentionnée au large de l’État de Washington. Ce minimum draine de l’humidité vers la Louisiane après avoir drainé de l’humidité vers la Californie. Dans le même temps, au large de la côte Ouest, un profond thalweg circule dans le flux d’Ouest, en lien avec la deuxième rivière atmosphérique. Source : www1.wetter3.de |
Les conséquences concrètes sont spectaculaires. Alors que les grands barrages -situés principalement dans le Nord du pays- étaient pratiquement vides, ils sont maintenant pratiquement plein :
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Lac Shasta, le plus grand lac artificiel de Californie et l’un des plus importants réservoirs d’eau, dans le Nord de l’État. La photo de gauche date de 2015, la photo de droite de 2016. https://twitter.com/shelbygrad/status/709857291944591360/ |
Cependant, dans le Sud de la Californie à nouveau, l’amélioration de la situation pour les réservois n’est que très relative :
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Situation des réservoirs d’eau en Californie. Notons que la plupart des réservoirs reste déficitaires malgré tout, après trois années d’exceptionnelles sécheresses. Cependant, les deux plus importants réservoirs, le lac Shasta et le lac Oroville, tout deux dans le Nord de l’État et donc ayant tout deux le plus profité des récentes pluies, sont remplis ; ce qui autorise un relative optimisme pour cet Été en Californie. Source : http://cdec.water.ca.gov/cdecapp/resapp/getResGraphsMain.action |
Les inondations ne sont pas fait attendre également, par exemple le long de la Russian River (dont le nom rappelle que les Russes occupaient autrefois la côte Ouest jusqu’à la Californie) :
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Débordement de la rivière Russe à Monte Rio, Californie. Source : http://abcnews.go.com/US/wireStory/storm-stay-lingering-northern-california-37599094 |
Ou encore comme ici à Sacramento, la capitale :
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Débordement de la rivière Sacramento dans al périphérie Sud de la ville. Source : https://twitter.com/PocketPride/status/709186770944942080/ |
Et dans la Sierra Nevada, la neige a fait son grand retour après avoir été absente une bonne partie de l’Hiver :
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Neige dans la Sierra Nevada, à Tahoe. Source : https://www.instagram.com/p/BC6dxWwtIwE/ |
On pourra noter cependant que les perturbations ont eu du mal durant tout l’Hiver à s’enfoncer vers le Sud, ce qui représente une déviation majeure par rapport au schéma El Niño classique. Certains, y compris des scientifiques dans leur habituel prudence, considèrent que cela n’est peut-être qu’un aléas, aucun El Niño n’étant un exact copier-coller de la situation canonique. Cela est sans doute vrai, mais il n’empêche que la sécheresse que subit le Sud des États-Unis n’a été que partiellement atténuée par cet événement El Niño. Il ne fallait certes pas s’attendre à un miracle vu le déficit accumulé, mais même sans parler de miracle, l’hiver dans le Sud des États-Unis aura été très loin de réaliser les promesses d’un événement El Niño. Ceci est de plus à mettre en parallèle avec un mois de Juillet 2015 très « pluvieux » -du point de vue des standards locaux où un mois de Juillet est à peu près complétement sec-. Ces éléments donnent l’impression que l’évolution progressive de la circulation atmosphérique avec le changement climatique est maintenant capable de dominer un débat avec El Niño.
De plus, à nouveau, mais c’est bien plus l’activité de la MJO dans le Pacifique Central qui a été capable de déterminer le coup de force des perturbations de début Mars. L’événement El Niño n’a probablement joué qu’un rôle mineur. Cela est d’autant plus vrai que Novembre et Février, deux des mois les plus frais et humides en Californie et encore plus en El Niño, ont été parmi les mois les plus chauds et secs chacun respectivement à sa climatologie. Il est particulièrement perturbant de noter qu’il a fallu combiné une forte activité de la MJO, qui est censé être relativement inactive en El Niño, avec un événement El Niño justement, pour arriver à forcer un pineapple express à descendre vers le Sud, et encore sans atteindre des latitudes qui pourraient réellement être considérées comme classique.
Conclusion
Les Californiens ont qualifié ce mois-ci de « Miracle March« , mars miraculeux. À long terme, il est difficilement envisageable cependant de dépendre de miracles pour arriver à maintenir le bilan hydrologique de la région. Cet hiver a pu mettre un terme à trois années consécutives de forte sécheresse pour la Californie, mais il n’a pas vraiment résolu les problèmes. La consommation excessive d’eau liée à une forte croissance économique et démographique conjuguée au changement climatique sont en train à la longue d’user l’autosuffisance en eau de la région. D’autant que la Californie n’est pas seul au Sud des États-Unis, et pour la région l’amélioration des conditions est encore moins perceptible.