De la difficulté de prévoir les orages


 Récemment, Jean-Yves Frique du collectif Belgorage écrivait que « la prévision convective est, avec la prévision neigeuse, la plus difficile en météorologie ». Cette remarque est à l’évidence d’une grande pertinence et nous abondons dans ce sens. Cela est d’autant plus judicieux de le rappeler que, pour beaucoup de personnes, les orages sont associés à la chaleur et à l’humidité, et qu’il est donc « naturel » d’avoir des orages quand il fait trop chaud. Les passionnés d’orages savent combien les choses sont hautement plus compliquées. A ce titre, l’auteur de cet article, effrayé par les orages durant son enfance, les attendant comme une délivrance de la chaleur quelques années plus tard, et maintenant passionné depuis 2 ans par ces machines de thermodynamique, les découvre encore un peu comme un novice, en tout cas par rapport à certaines sommités kérauniques.   

C’est donc avec ces yeux de néo-passionné que j’aimerais vous faire partager quelques réflexions autour de la difficulté de la prévisions d’orages. En effet, je découvre encore tous les jours la complexité de la formation des orages, un peu comme notre public parfois plus que novice qui ne comprend pas pourquoi un orage n’a pas éclaté dans son patelin. Il arrive effectivement parfois qu’une prévision d’orages ne se révèle pas correcte, que ce soit dans son timing, sa localisation, ou son niveau de sévérité. Il y a bien évidemment mille raisons à ce manque de prévisibilité, et cela demanderait de longues recherches et des explications probablement fort techniques. Il n’empêche : le public se sent parfois frustré de voir que les prévisions ne se sont pas réalisées « comme prévu » et les discours anti-scientifiques pleuvent. Cet article aimerait donc vous expliquer la difficulté de prévoir les orages à partir de 3 cas théoriques mais bien réels : l’inversion de température, la brise de mer, et l’instabilité. 

L’inversion de température 
Nous avons déjà parlé de l’inversion de température dans cet article. Il faut néanmoins revenir et insister sur certains points. Etant donné que l’inversion de température est une couche d’air plus chaude que celle qui se trouve en-dessous et qu’elle bloque donc la convection comme un couvercle, comment fait-on pour la vaincre et permettre ainsi le développement de nuages convectifs ? On pourrait évidemment espérer un échauffement de la couche inférieure qui rétablirait un profil vertical classique et donc favorable à la convection, mais cela est trop rarement le cas. Reste alors un forçage suffisamment puissant pour percer cette couche d’inversion. Et c’est là qu’intervient la difficulté de la prévision kéraunique. Il est en effet important d’établir quel est le degré de coriacité de la couche d’inversion, en d’autres termes son épaisseur, mais aussi de combien de degrés la température remonte dans cette couche. Le problème est donc le suivant : qu’est-ce qui nous permet de savoir qu’une couche de 100m avec une inversion de 1° pourrait être percée alors qu’une autre de 150m avec une inversion de 1.5° ne pourrait pas l’être ? Dans les discussions rédigées par les spécialistes analystes des couches et masses d’air, il arrive régulièrement que le doute subsiste sur les possibilités de perçage. Entrent en ligne des facteurs non pas de méso-échelle, mais de micro-échelle tels le relief très local ou d’autres. Ainsi, comment pouvoir déterminer qu’une colline de X mètres avec une pente de Y % permettrait d’induire une dynamique de forçage qui percerait alors l’inversion de température ?  C’est probablement à ce moment-là qu’on arrive aux limites de nos capacités techniques et intellectuelles. En effet, les modèles numériques de prévisions, même ceux à maille fine, n’offrent des résolutions que de plusieurs kilomètres et certaines particularités du relief ou d’une manière générale de la topographie ne sont pas ou peu prises en compte par ces modélisations. Elaborer des machines avec encore une résolution plus fine impliquerait non seulement d’intégrer des éléments géographiques d’une infinie précision, mais aussi de mettre en équation ces composants, avec toute la complexité que cela suppose. Evidemment, on peut espérer que le progrès technologique et humain nous permettra dans le futur (proche ou lointain) une meilleure gestion de cette complexité, mais cela demandera encore du temps, de l’argent, et d’autres ressources. 

La brise de mer 
Rappelons que la brise de mer est ce phénomène essentiellement estival où le vent marin se lève à cause de la différence de température entre la terre plus chaude et la mer plus froide. Elle se forme donc dans certaines conditions de gradient thermique mais aussi lorsque le vent continental de Sud à Est est insuffisant pour empêcher la levée de ce vent particulier. L’importance de cette brise pour la formation des orages est qu’elle forme un véritable pseudo front froid le long duquel les vents convergent pour forcer l’ascension de la masse d’air et la convection. Il est donc important de bien évaluer la présence (ou non) de cette brise marine et de l’intégrer dans un contexte orageux avec les autres paramètres tels que l’énergie potentielle ou la dynamique d’altitude.  Le problème de la brise marine est qu’elle réagit là aussi à une situation précise et complexe. En effet, si c’est le gradient thermique qui la provoque, comment peut-on évaluer qu’un gradient thermique de 5° la provoquera et qu’un autre de 4° ne la provoquera pas ? Dans la majorité des cas, les modélisations numériques appréhendent cela assez bien et cela est répercuté dans les bulletins généralistes, mais il existe encore des exceptions qui peuvent perturber les prévisions et en surprendre plus d’un. Malheureusement, intervient aussi l’autre facteur déterminant, à savoir l’orientation du vent continental qui affrontera donc la brise marine. Pour que ce front soit efficace au niveau des convergences et des forçages, il faut que l’angle créé par les vents continentaux et marins soit le plus proche possible des 180°, ce qui permettra un affrontement maximal. Dès lors, vu l’orientation de la côte belge et la brise marine de Nord-Ouest, c’est un vent continental de Sud-Est qui sera le plus à même de générer un forçage efficace. A contrario, un vent plus orienté au Sud ou à l’Est créera un angle d’affrontement qui s’écartera des 180° avec à la clef des forçages moins importants. Toute la difficulté de la modélisation et de la prévision réside donc dans la mécanique de précision de l’orientation des vents. Un écart de 10° peut être suffisant pour perturber la convergence et les forçages. Comme pour l’inversion de température, certains détails topographiques, synoptiques ou thermiques provoqueront un changement dans l’orientation des vents susceptible ou non de déclencher la convection. Ces paramètres sont encore difficiles à appréhender par les supercalculateurs car ils sont inférieures à leur résolution. Ils échappent donc à la prévision convective dont la résolution est plus de micro-échelle que de méso-échelle. Il reviendra donc au prévisionniste d’affiner cela via l’observation visuelle, satellite, radar, et par l’expérience. 

L’instabilité 
Un troisième cas n’est pas le moins rencontré : il s’agit de l’instabilité, et plus précisément d’une instabilité revue à la baisse à cause d’une couverture nuageuse plus dense que prévue et donc d’un ensoleillement moins généreux. Durant les grandes périodes estivales, il arrive en effet fréquemment que la dégradation orageuse positionnée sur l’Atlantique voie ses restes envoyés vers la Belgique durant la nuit et en matinée. Dès lors, alors que celle-ci est prévue dans l’après-midi avec un degré de sévérité plus ou moins élevé, la présence de nuages limitera d’autant l’instabilité prévue. Le tout est de savoir de combien sera ce « autant ». Cela dépendra évidemment de la capacité des nuages à se dissiper durant la journée. Interviendront le taux d’humidité, la puissance du soleil, l’orientation et la puissance du vent (humide ou sec), les champs nuageux situés sur la France et remontant vers nos régions, et même des différences thermiques et hygrométriques entre différentes couches de l’atmosphère, entre autres facteurs. Un des problèmes est que la modélisation numérique ne pourra être modifiée qu’à partir des données récoltées au moment de cette invasion nuageuse, c’est-à-dire vers 6h du matin, avec une sortie du « run » à 12h. La présence nuageuse de la matinée sera elle intégrée à 12h avec une prévision à 18h, en pleine dégradation orageuse. Il existe donc déjà un problème de timing de la prévision qui sera « en retard » par rapport aux événements en cours. Notons aussi que ces nouvelles données imprévues sont difficiles à intégrer dans les nouvelles équations et ont du mal à « rattraper » la situation. De plus, une des difficultés du prévisionniste de la convection sera de pouvoir déterminer quelles régions seront les plus exposées aux éclaircies et jusqu’à quel niveau. De cela dépendra évidemment le risque orageux et celui-ci pourrait être redistribué en fonction de la répartition de l’ensoleillement. A ce moment-là, la modélisation numérique sera en grande partie inefficace et seule une observation du ciel et des images satellite et radar pourra donner au prévisionniste une idée des possibilités de développement convectif en fonction des régions. L’expérience jouera aussi un rôle non-négligeable. Toutefois, il arrive encore régulièrement que des « surprises » se produisent et que les prévisionnistes soient tout simplement dépassés par les éléments. 

Conclusion 
On a pu donc le voir à travers 3 cas particuliers, théoriques, mais réels et assez fréquents : la prévision convective est chaque jour délicate. Elle requiert des moyens humains, intellectuels, technologiques, et financiers colossaux. Prévoir des phénomènes aussi localisés que les orages et qui réagissent à des détails aussi infimes et variables relève à chaque fois de la pirouette et du génie humain. Nous nous trouvons à mille lieux de l’équation simpliste : chaleur + humidité = orage. Ces machines de thermodynamique ont besoin de situation beaucoup plus précise que le quidam ne l’imagine car elles réagissent à une dynamique de basse couche (les forçages) réglée presque au degré près, à une énergie potentielle suffisante trop souvent perturbée par un manque d’ensoleillement mal géré par la modélisation numérique, et à un profil vertical thermique dont la progression parfois particulière perturbe les mouvements convectifs. Monsieur tout-le-monde sera alors bien souvent surpris, frustré, et même trop souvent énervé par le manque de prévisibilité et de fiabilité de la prévision convective. Pourtant, si on voulait améliorer la prévision kéraunique, il faudrait une petite révolution. Le météorologiste Luc Trullemans a déclaré un jour que « pour mieux maîtriser cette prévision, il faudrait envoyer des ballons-sondes tous les 5 kilomètres avec des mesures d’altitude tous les 10 mètres, ce qui impliquerait un investissements colossal ». On pourrait rajouter que ce seraient les personnes les plus insatisfaites des prévisions actuelles qui refuseraient de mettre la main à la poche pour financer cet effort scientifique. Dès lors, la prévision convective est et restera la prévision la plus difficile où même les meilleures machines construites par l’homme ne pourront rien face à la complexité des orages. Le dire n’est pas un aveu d’échec ou d’incompétence. C’est de l’humilité.

La goutte froide, c’est quoi?


Vous entendez parfois ce terme au cours des bulletins météo télévisés, assez régulièrement si vous suivez attentivement Info Météo. Mais au fond, peu de personnes savent de quoi il s’agit. De plus, ce phénomène va concerner nos régions ce week-end des 19 et 20 avril, il est donc intéressant d’en reparler (nous avions déjà eu l’occasion d’aborder ce phénomène dans notre article Dépressions et anticyclones, les maîtres du temps, dans la rubrique Comprendre la météo de notre site). La goutte froide désigne une dépression d’altitude fermée, c’est-à-dire coupée de la circulation générale d’ouest en est qui prend généralement place juste au nord de nos régions. Cette circulation est marquée par le Jet-Stream et sépare l’air polaire de l’air doux. Les gouttes froides mesurent en général quelques centaines de kilomètres de diamètre. Ces systèmes peuvent se former de deux façons :  1) Soit à partir de l’isolement d’un talweg (encoche d’air froid et dépressionnaire) issu de la zone de     circulation générale. Il se forme ainsi une masse d’air froid dépressionnaire et isolée au sein de masses anticycloniques où l’air est plus chaud. Le schéma ci-joint présente justement l’isolement d’une goutte froide à partir d’un talweg.–       2)  Soit d’eux-mêmes, à l’écart de la circulation générale, suite à différents mécanismes physiques que nous ne détaillerons pas ici. 

 Au sein de ces gouttes froides, l’air se refroidit par détente. L’entretien de cet air froid est assuré par toute une série de mécanismes physiques, et notamment l’évaporation des nuages en altitude, surtout si une couche d’air sec y est présente et favorise cette évaporation. La baisse de pression en altitude peut à son tour entraîner l’apparition d’une dépression en surface, parfois accompagnée de fronts. Les gouttes froides sont susceptibles de survenir en toute saison : en hiver, elles peuvent amener des chutes de neige de longue durée, à la mi-saison, des pluies ou des averses prolongées, et en été, de fortes et fréquentes averses souvent accompagnées d’orages, quand ce n’est pas de la pluie en continu. Ceci est dû au gradient thermique vertical, donc la différence entre la température au sol et la température plus en altitude. Il devient plus prononcé suite à la présence de l’air froid en altitude. Ceci crée de l’instabilité et donc la formation de nuages cumuliformes. 

Une goutte froide sur l’Allemagne le 18 avril 2014, telle qu’elle apparaît sur les cartes des modèles météo. La poche d’air froid en altitude (-33°C vers 5500 mètres) est bien nette.Les gouttes froides sont souvent responsables des épisodes de temps pourri en été, faits de très fréquentes averses et de pluies plus régulières, d’une temps très nuageux voire complètement couvert et de températures maximales parfois inférieures à 15°C. Deux raisons majeures expliquent cela : –     1) La première est le froid qui s’auto-entretient véritablement sous ces systèmes. Les causes en sont multiples : air froid en altitude, averses qui rabattent cet air froid près du sol, évaporation partielle de l’humidité en basses couches qui consomme de la chaleur et refroidit donc davantage l’air, peu ou pas de soleil pour réchauffer l’air…–      2) Le très lent déplacement de ces systèmes. En effet, ils surviennent en situation de blocage, c’est-à-dire lorsque des anticyclones au nord ou à l’ouest de nos régions bloquent la circulation atmosphérique générale ou la repousse très haut en latitude. Les gouttes froides ainsi formées sont véritablement piégées par les anticyclones qui l’entourent. La goutte se déplace alors très lentement, de manière erratique, pouvant faire plusieurs passages au-dessus d’une même région ou y stationner pendant plusieurs jours, en faisant perdurer les précipitations sur les zones touchées.      A ce titre, les gouttes froides sont redoutées des météorologues, car les modèles cernent très mal leur déplacement. Ainsi, les prévionnistes évitent d’émettre trop de certitudes plusieurs jours à l’avance lorsqu’une telle goutte est entrevue, et attendent en général un jour, deux grand maximum, avant de délivrer des prévisions plus précises. La durée de vie de ces systèmes va de quelques jours à une semaine. Un des plus beaux cas de goutte froide est survenu les 28 et 29 août 1996. Sous un ciel gris en permanence, de fréquentes averses se sont succédées, apportant des cumuls de précipitations énormes, avec plusieurs relevés supérieurs à 100 mm en 48 heures. Ainsi à Uccle, on a observé 113 mm de pluie, et des températures maximales de 14,8 °C le 28 et 13,6°C le 29. Pire, à Saint-Hubert, de la pluie a été observée pendant plus de 24 heures d’affilée, sans aucune interruption ! Plus près de nous, citons notamment les 16 et 17 août 2010 où une goutte froide stationnant sur l’Europe Centrale a engendré une dépression déversant des pluies diluviennes sur la Belgique, avec régulièrement plus de 70 mm de pluie en deux jours. L’Entre-Sambre-et-Meuse a même collecté des lames supérieures à 100 mm, avec notamment 113 mm à Bienne-lez-Happart, 107 mm à Cerfontaine et à Brûly. 

Encore plus près, signalons le 24 août 2013 où un talweg plongeant depuis la Grande-Bretagne et s’isolant en goutte froide a généré de fréquentes et fortes averses orageuses au côté de plusieurs poches de pluie continue.

Carte réalisée par Info Météo durant le passage de la goutte froide du 24 août 2013.

Vénus, un enfer sulfurique

Vénus est la deuxième planète du système solaire en partant de notre étoile. Elle est à peine plus petite que la Terre. Suite à cette dimension semblable, elle est souvent désignée comme la sœur jumelle de la Terre. Mais ce jumelage n’est qu’apparent tant elles se différencient par les différents phénomènes et comportements physiques dont elles sont le siège. 

Vénus est une planète à rotation très lente puisqu’elle effectue une rotation autour de son axe en 243 jours terrestres. De plus, cette rotation est rétrograde: sur Vénus, le soleil se lève à l’ouest et se couche à l’est. Elle est l’un des rares astres du système solaire à se comporter de la sorte. Ceci étant, en tenant compte de la révolution de la planète autour du Soleil, Vénus présente la même région à ce dernier tous les 116 jours terrestres. Dès lors, le laps de temps entre le lever et le coucher de soleil sur Vénus dure 58 jours terrestres.

Surface of Venus

Planisphère de la surface de Vénus obtenu au radar par la sonde Magellan.
Une atmosphère empoisonnée, épaisse, écrasante et torrideL’air vénusien est tout bonnement irrespirable, composé à 96,5% de gaz carbonique et 3,5% d’azote. On y trouve également, en très faibles proportions, du dioxyde de soufre, de l’argon, de la vapeur d’eau, du monoxyde de carbone, de l’hélium, du néon, du chlorure d’hydrogène et du fluorure d’hydrogène. Un véritable cocktail mortel. L’épaisseur de l’atmosphère est estimée à 300 km. Cette hauteur comprime l’air au niveau du sol, y atteignant des pressions effroyables: une moyenne de 92000 hPa là où la pression moyenne sur Terre est de 1015 hPa. L’importante quantité de CO2 engendre un énorme effet de serre, portant la température de la surface à une moyenne de 462°C, suffisante pour faire fondre le plomb. Ceci en fait la planète la plus torride du système solaire, davantage que Mercure, cette dernière étant pourtant deux fois plus proche du Soleil que Vénus. A de telles conditions de pressions et de températures, le gaz carbonique des basses couches de l’atmosphère ne se comporte plus comme un gaz, mais comme un fluide supercritique, sorte d’intermédiaire entre l’état gazeux et l’état liquide. Le diagramme ci-dessous présente la structuration de l’atmosphère et les températures qui y sont rencontrées. 

 Une première couche nommée troposphère est située entre le sol et une altitude d’environ 68 km au sein de laquelle la température décroit avec l’altitude: 

  • La première petite cinquantaine de kilomètres est relativement claire, avec toutefois une brume d’acide sulfurique située dans la partie supérieure. Du sol, cette brume apparaît jaune.
  • Entre 48 et 51 km sied une couche nuageuse faite de grosses particules d’acide sulfurique, aussi bien à l’état liquide qu’à l’état solide. A cette altitude, il fait environ 30 à 40°C, et la pression est conforme à celle de surface sur Terre (environ 1000 hPa).
  • Entre 51 et 52 km se trouve une petite couche d’air clair.
  • Entre 52 et 58 km se trouve une nouvelle couche nuageuse dense faite de particules d’acide sulfurique, d’acide chlorhydrique et de soufre, aussi bien à l’état liquide qu’à l’état solide.
  • Entre 58 et 68 km sied une couche de cristaux de glace qui donne l’apparence blanchâtre de Vénus lorsque celle-ci est observée depuis l’espace.
File:Venus-real color.jpg

Vénus en vraies couleurs telle que vue par la sonde Mariner 10 dans les années septante. Compte tenu de l’ensemble des couches nuageuses rencontrées, une grande partie de la lumière solaire est réfléchie dans l’espace ou absorbée par les nuages. Ainsi, le soleil apparaît à peine au niveau du sol, conférant une ambiance plutôt sombre et sinistre au paysage vénusien. Au-dessus se trouve la mésosphère puis la thermosphère. La partie basse de la mésosphère, en-dessous de 90 km, est constituée d’une très légère brume d’acide sulfurique.  Une circulation atmosphérique compliquée en deux couchesLe schéma ci-dessous synthétise les circulations atmosphériques vénusiennes. Selon l’altitude, elles peuvent être séparées en deux composantes.

File:Circulation atm Venus.svg
  • La circulation d’altitude est la plus simple à comprendre. La lente rotation de la planète est responsable d’importantes différences de températures entre l’hémisphère du jour et l’hémisphère de la nuit. Ces différences de températures n’existent qu’en haute altitude. Plus bas, l’épaisse atmosphère permet une répartition de la chaleur, créant des températures pratiquement uniformes entre le jour et la nuit. Mais en altitude, l’échauffement de l’air côté Soleil le rend plus léger, le forçant à s’élever. Côté nuit, le refroidissement de l’air le rend plus lourd, le forçant à descendre. L’air circule de manière analogue à un tapis roulant entre ces deux pôles. Les observations par les différentes missions ont mis en évidence à 100 km d’altitude des températures de +29°C sur le côté éclairé par le soleil et de -143°C sur le côté plongé dans l’obscurité.
  • La circulation des basses couches est plus complexe. L’air s’élève au niveau de l’équateur là où le réchauffement solaire est maximal. Cet air afflue en hauteur vers les pôles où le faible rayonnement solaire entraîne son refroidissement. Il devient plus dense et retombe donc vers le sol où il reprend la direction de l’équateur. Ces deux circulations, une pour l’hémisphère nord, l’autre pour l’hémisphère sud, sont appelées Cellules de Hadley. Cependant, ces cellules sont arrêtées dans leur extension vers les latitudes polaires en raison de la présence de deux paires de vortex polaires. Les deux vortex sont en rotation (durée: 3 jours terrestres) autour de chaque pôle et dessinent une forme en S. Au sein de ces structures, les vents peuvent atteindre 180 km/h. Ces vortex sont séparés des Cellules de Hadley par des cols polaires, localisés entre 60 et 70° de latitude nord et sud.

En plus de ces mouvements latitudinaux, les couches de nuages ont un mouvement de rotation propre par rapport à la planète et inverse à celle-ci. Ce mouvement est appelé « super-rotation » et est responsable de vents extrêmement puissants en altitude, avec des vitesses de 540 km/h vers 65 km. Ce mouvement décroît de part et d’autre de cette altitude, avec des limites situées à 10 km et 95 km. Au sol, les vents sont généralement très faibles, inférieurs à 7 km/h en général. Cette vitesse est cependant suffisante pour conférer au fluide supercritique qui caractérise les basses couches atmosphériques d’importantes propriétés érosives. Des virgae et de probables orages
Vénus, ou plus précisément les hautes altitudes de son atmosphère, voit se produire de fréquentes pluies d’acide sulfurique lorsque la concentration de celui-ci dans l’air devient telle qu’il se condense en gouttes. Le terme de « pluie » n’est cependant pas entièrement correct: suite aux fortes températures qui règnent près de la surface, la pluie finit par s’évaporer en tombant vers le bas (à 300°C). Cette pluie d’acide n’atteint donc jamais la surface. Ce phénomène porte le nom de « virga » et existe aussi sur Terre, mettant en jeu de l’eau et à des températures beaucoup plus supportables!Cet acide sulfurique est produit dans la haute atmosphère par la dissociation des molécules de CO2 par les radiations ultraviolettes du Soleil. Il en ressort du monoxyde de carbone et un atome d’oxygène. Ce dernier, très réactif, se combine avec du dioxyde de soufre pour former du trioxyde de soufre, qui se combine à son tour avec le peu de vapeur d’eau présent en altitude pour former l’acide. Plus bas, lors de l’évaporation, l’acide se dissocie en eau et en dioxyde de soufre, ces gaz menant à nouveau à la formation d’acide plus en altitude.

A plusieurs reprises, les sondes envoyées observer Vénus ont relevé des pulsations électromagnétiques en provenance de la planète. Beaucoup de scientifiques pensent qu’elles sont engendrées par des éclairs qui éclatent dans l’épaisse couche nuageuse de la planète. Une observation en visuel permettrait de confirmer cela.

Images of Venus's surface from Venera 13 | The Planetary Society

Cette image colorisée est basée sur les images en noir et blanc prises par l’une des sondes soviétiques Venera au début des années septante et donne une idée approximative mais non-exacte de ce à quoi pourrait ressembler Vénus vue du sol.

Et de la neige… de métaux!
En 1995, les données issues de la mission Magellan mettent en évidence d’étranges reflets sur les montages de Vénus, les plus hautes culminant à plus de 10 km d’altitude (Mont Maxwell notamment, à 10 700 mètres). Les scientifiques attribuent ces reflets à… de la neige. Les températures encore très élevées à cette altitude compromettent l’existence de neige semblable à celle de la Terre. L’hypothèse est que cette neige est faite de composés de métaux comme des sulfure et/ou des sulfates de plomb et de bismuth. La couche n’excéderait cependant pas les quelques millimètres d’épaisseur.La vie est-elle possible?
Bien qu’il existe sur Terre des organismes microscopiques capables de survivre dans des conditions de températures très élevées, il semble difficile d’imaginer que de tels organismes semblables se promènent à la surface de Vénus. Cependant, la vie serait possible plus haut en altitude, dans le voisinage de la couche nuageuse. Des concentrations significatives d’oxysulfure de carbone ont été détectées à ce niveau. Le fait que ce composé soit très difficilement synthétisable par d’autres voies que celle de l’organique pourrait indiquer une possible vie microbienne dans les strates nuageuses de Vénus.Source des informations: Futura Sciences, Wikipedia.

La supercellule, le roi des orages

Le grand public entend parfois parler du terme « supercellule » employé pour désigner l’un ou l’autre orage intense. Mais peu de gens savent ce qui se cache derrière ce terme. Pour faire simple, la supercellule est un orage possédant une cellule unique, là où les MCS sont des fusions d’un grand nombre de ces cellules. Cette cellule se compose d’un courant d’air chaud ascendant et d’un courant d’air froid descendant. A ce titre, elle présente la même organisation qu’un banal orage d’été monocellulaire. Mais la ressemblance s’arrête là. Anatomie du « roi des orages »

Premièrement, la supercellule est, comme son nom l’indique, une cellule géante, pouvant couvrir plusieurs dizaines de kilomètres de large. Une telle puissance nécessite des conditions très particulières, ce qui explique leur relative rareté. Le cocktail nécessaire à leur formation et à leur persistance est constitué d’un air chaud, très humide et souvent très instable, de violents courants à tous les niveaux de la troposphère et de directions et de vitesses différentes (aka. cisaillement des vents), de l’aide d’un courant jet. De plus, et à moins qu’elle évolue dans un environnement extrêmement favorable, la supercellule ne tolère généralement pas de voisins. Dans ce cas, soit elle les ingère, soit elle s’affaiblit. En effet, la supercellule consomme et nécessite donc une grande quantité d’énergie qu’elle puise à des kilomètres, voire plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde.

Probable supercellule sur la région de Bouillon le 28 juin 2012 vers 21h30. Le noyau très intense affaiblit l’ensemble de ses voisins qui tentent de se développer.


Le résultat est un cumulonimbus démesuré très dense et compact, accompagné d’une enclume très épaisse et bien arrondie.

Supercellule sur la Flandre le 21 juillet 2009. Source: P. Talleu via Belgorage. Deuxièmement, la supercellule est un orage en rotation cyclonique la plupart du temps, bien que des rotations anticycloniques existent. L’ensemble du nuage orageux, et plus particulièrement son courant ascendant, tournoie en effet autour d’un axe. La rotation du courant ascendant peut, dans certains cas, engendrer des tornades. Il est estimé que 30% des supercellules deviennent effectivement tornadiques. Un abaissement de la base nuageuse nommée nuage mur ou mesocyclone permet de visualiser la zone susceptible de produire une tornade. 

Jupe du nuage mur très structurée. Crédit photo : Samina Verhoeven

Nuage mur sous une supercellule sur la Flandre Occidentale, 10 septembre 2011. Source: Belgorage
Troisièmement, la supercellule se caractérise par un décalage spatial entre l’air chaud ascendant et l’air froid descendant, ceux-ci pouvant être séparés de plusieurs kilomètres. Ceci est dû à la virulence des vents en altitude qui déplace les courants. Ce décalage permet à l’orage supercellulaire de subsister des heures, parfois jusqu’à six, là où un orage monocellulaire classique ne dure guère plus d’une heure. En effet, au sein de ce dernier, le courant froid descendant transportant les précipitations finit par bloquer et essouffler le courant d’air chaud ascendant nourricier de l’orage. En quelque sorte, la cellule se suicide. Dans le cas de la supercellule, l’air chaud est libre de monter et d’alimenter l’orage en énergie étant donné qu’il se retrouve décalé par rapport au courant froid descendant. A noter que le courant descendant se présente régulièrement sous deux composantes: un courant descendant avant et un courant descendant arrière. De loin, le cumulonimbus qui contient la supercellule peut paraître incliné suite aux puissants courants qui séparent l’air ascendant de l’air descendant. 

Schéma simplifié d’une supercellule. Source: Wikipedia.
Quatrièmement, la supercellule se déplace de manière autonome, et dévie de la direction du vent général. Il est régulièrement observé, pendant le stade supercellulaire, une déviation de la direction de la supercellule vers la droite, selon un angle de 20 à 30°. Ceci peut survenir après un épisode de splitting storm, ou division d’orage. Au cours de ce processus, un orage intense éclate en deux composantes: une cellule moteur gauche et une cellule moteur droit. La première dévie sur la gauche du flux général, et se dissipe très souvent quelques minutes plus tard. La deuxième dévie sur la droite, grossit et se transforme en supercellule. Un deuxième changement de direction accompagnant la reprise de la trajectoire de la supercellule parallèlement au flux général indique la fin de cette dernière, celle-ci redevenant un « banal » orage. 

More on Supercells and Tornadoes | METEO 3: Introductory Meteorology

 L’image ci-dessus présente la cellule de droite (donc la cellule moteur droit) sous la forme d’un crochet, appelé hook echo. Ceci n’est pas anodin, car de nombreuses supercellules présentent cette morphologie lorsqu’elles sont observées sur les radars de précipitations. Ceci est une nouvelle fois dû à la rotation de l’orage autour de son mesocyclone: la pluie (et la grêle), premièrement située au nord de l’axe, finit par être aspirée autour de cet axe, dans un mouvement de spirale. Elle gagne l’arrière du mesocyclone, puis finit par l’entourer, faisant disparaître la signature en crochet, et annonçant généralement une évolution de la supercellule vers un orage banal ou vers un autre stade supercellulaire (nous y viendrons plus loin). Aussi, toute cellule s’aventurant dans une zone et présentant un crochet durable et marqué sur les radars doit être prise très au sérieux par les habitants de la zone en question: c’est au bout du crochet que les tornades peuvent surgir du mesocyclone. 
Des éléments déchaînés Compte tenu de la puissance des courants qui l’animent et de l’énorme quantité d’énergie qu’elle consomme, la supercellule est à même de provoquer des événements dantesques, parfois tous en même temps. Elle s’accompagne d’une activité électrique explosive, souvent intranuageuse et incessante autour du mésocyclone, tandis que de réguliers coups de foudre frappent dans le courant descendant. Elle peut engendrer des grêlons géants, parfois plus de 10 cm de large. Ainsi, le 25 mai 2009, une supercellule a généré des grêlons de 12 cm de diamètre sur le Nord-Pas-de-Calais. Elle s’accompagne également de pluies torrentielles, de downbursts ou de tornades. Les dégâts engendrés par le passage des supercellules ne sont égalés que par certains orages multicellulaires en ligne tels que les échos en arcs et les derechos.

Activité électrique incessante sous une supercellule sur l’Ardenne, la nuit du 21 au 22 juillet 2009. Source: Belgorage.

Fréquence des supercellules
Il est très difficile d’établir un chiffre moyen du nombre de supercellules en Belgique. Il dépend du nombre et de la sévérité des épisodes orageux et des conditions qui les engendrent. Il se produit que quelques supercellules chaque année, mais certaines peuvent passer inaperçues compte tenu des faibles résolutions des radars européens.

Au cours des dernières années, la plupart des supercellules ont été observées en Flandre et dans le Hainaut. La province de Luxembourg semble également concentrer un certain nombre de cas.Plusieurs types de supercellulesLes différent spécimens peuvent être classés dans quatre catégories, bien que les limites entre ces catégories ne soient pas nettes. Supercellule classiqueComme son nom l’indique, c’est la supercellule la plus courante et la plus facilement identifiable sur les radars en raison du développement du crochet (hook echo). La plus grande partie des précipitations se trouve au nord du mesocyclone. Elle s’accompagne de grêle. C’est la supercellule génératrice de tornades par excellence, celles-ci pouvant être très violentes. 

Supercellule classique telle que vue sur un radar américain. Source: UStornadoes.

Supercellule classique au-dessus de l’ouest de la Flandre le 10 septembre 2011 vers 19h40. Le crochet est légèrement visible dans la partie basse droite de la cellule. Source: Buienradar.Supercellule HP (high-precipitations) Cette supercellule engendre énormément de pluie, et ce de manière excessivement intense. Les spécimens de cette catégorie se forment dans un environnement très humide. La grosse grêle y est moins probable, bien que possible. L’extrême dangerosité de ces supercellules est due au fait que le mesocyclone, et donc la tornade potentielle, sont entourés par des zones de précipitations. Il est dès lors parfois impossible de voir arriver la tornade visuellement. Seule sa présence peut être supposée en observant les images radar. Cependant, les radars européens à disposition du grand public ne sont pas aussi précis que les américains, compliquant l’identification de ce type de cellule.  Il est parfois observé que des cellules classiques évoluent en supercellules HP, l’inverse étant très peu probable. Au sein d’une supercellule HP, les plus fortes précipitations tendent à se placer au nord, à l’ouest et au sud du mesocyclone.

Supercellule HP telle que vue par un radar américain. Source: TornadoQuest. L’echo en crochet est moins visible, bien que devinable.

Probable supercellule HP sur la région de Virton le 27 juillet 2013 vers 2h45. L’évolution d’une supercellule classique en supercellule HP est une situation fréquente, ce qui fut le cas ici peu avant sa dissipation sur la région de Arlon. Source: Infoclimat.
Supercellule LP (low-precipitations) A l’inverse du cas précédent, la supercellule LP n’engendre que peu de précipitations, ce qui rend sa détection via les radars très compliquée puisque pas d’écho en crochet observable. Leur identification se fait en général en visuel, les structures nuageuses devenant spectaculaires sous ce type de cellules. Elles évoluent dans des environnements secs, et sont donc plus rares dans nos régions. Elles peuvent engendrer des grêlons géants alors qu’il ne tombe aucune goutte d’eau liquide. Suite à l’évaporation intense affectant ce type d’orage, l’air refroidi descend brutalement vers le sol et peut générer de très violents downbursts. Les tornades sont généralement d’intensité assez faible sous ces supercellules LP. 

Supercellule LP aux Etats-Unis. Aucune précipitation n’est visible, au contraire d’un mesocyclone très bien développé.

Spectaculaire supercellule LP photographiée par Dean Gill aux Etats-Unis. La rotation de la colonne ascendante se devine au centre de l’image.

Supercellule LT (low-topped) Il s’agit de versions miniature des supercellules. Ce seraient les plus fréquentes dans nos régions. Elles présentent un cumulonimbus de dimensions plus modestes et ont dès lors besoin de moins d’énergie pour se développer. Leur identification sur les radars peut être compliquée compte tenu de leur petite taille et du fait qu’elle peuvent se dissimuler au sein de structures plus grandes, comme une ligne de grain par exemple. Cela ne les empêchent pas de donner lieu à des tornades, notamment dans nos régions, où il s’agirait du type de supercellules engendrant le plus de tornades belges. Contrairement aux autres supercellules qui ne se forment qu’à la fin du printemps ou en été, les supercellules LT peuvent se développer n’importe quand dans l’année, y compris en hiver. Une grande partie, sinon la quasi-totalité des tornades d’hiver belges sont dues à des supercellules LT. Les autres éléments peuvent être présents, mais très souvent, l’activité électrique reste médiocre sous ce type de cellule. 

Probable supercellule LT (S3) au sein d’une ligne de grains et générant une tornade sur Oosterzele en Flandre Occidentale le 5 février 2013. Source: IRM.

Low-topped supercellule au-dessus de la province d’Anvers le 21 janvier 2008 en fin de soirée. Elle engendrera une tornade F1 – F2 50 minutes plus tard, aux alentours de 23h30, sur la commune de Grote Brokel. Source: IRM.

Etude de cas: la supercellule du 26 juillet 2013

Cette cellule a été attentivement suivie par sur les radars tout au long de son parcours par Info Meteo, et a même fait l’objet d’une émission d’un avis de phénomène intense lorsque celle-ci s’est présentée aux portes du département des Ardennes. Son évolution est détaillée ci-dessous car elle illustre très bien le comportement d’une supercellule classique.

Vers 20h00, un storm splitting s’opère sur le département de l’Eure: une cellule s’y divise en deux: une cellule moteur gauche (flèche rouge) qui se disloque rapidement, et une cellule moteur droit (flèche jaune) qui se renforce rapidement et commence à présenter une courbure en écho, tout en déviant vers la droite du flux général et se dirigeant vers l’est-nord-est.

20h00

A 21h30, c’est une supercellule classique très aboutie qui se présente à l’entrée du département de l’Oise. Le crochet est bien visible sur la frontière sud du département. Elle présente une structure en « papillon » avec deux branches de précipitations (V notch en anglais) se séparant dans sa partie nord, autre signe d’une supercellule bien organisée. D’intenses chutes de pluie et de grêle, ainsi qu’une violente activité électrique, sont signalées. A Chapelle-en-Vexin, l’intensité des précipitations atteint 443,1 mm/heure, ce qui est extrêmement élevé. Des grêlons de 5 cm de diamètre provoquent de gros dégâts à la végétation. Cependant, une cellule orageuse arrivant du sud-ouest va venir interférer avec la supercellule…

21h30 Au même moment, voici ce qui est visible. Le nuage mur se marque nettement (source Keraunos): 

 A 22h00, la supercellule a perdu pas mal de puissance. L’echo en crochet, bien que toujours devinable, se fait moins net, et les précipitations faiblissent. Ceci est dû à la collision avec la petite cellule orageuse arrivant du sud-ouest. Bien que moins puissante, les courants qu’elle génère ont sans doute interféré avec ceux de la supercellule, provoquant sa désorganisation. 

22h00 Vers 22h25, une brève tornade est issue de cette supercellule sur le commune de Montataire, dans l’Oise. Elle a provoqué des dégâts de type F1 sur l’échelle de Fujita. Source: Météo Oise A 22h45, la supercellule a repris de la vigueur, après avoir englouti la cellule arrivant du sud-ouest. Elle développe même temporairement une double structure en crochet, signant peut-être deux mésocyclones. Elle vient de provoquer des inondations et de violentes chutes de grêle (grêlons de 5 cm en moyenne) à l’ouest de Creil. 

22h45 A 23h15, la supercellule présente une structure très aboutie, avec un superbe crochet sur son flanc est. C’est à ce moment-là que Info Météo a fait part à ses membres de la dangerosité potentielle de cette supercellule se dirigeant en direction du département des Ardennes. Le crochet était à ce point net qu’une tornade n’aurait été guère surprenant. Cependant, la nuit tombée, les pluies diluviennes, les violentes rafales de vent et l’activité électrique incessante ont peut être masqué la survenue d’une telle tornade. Au sud et à l’est de la supercellule, l’apparition d’un système multicellulaire va une nouvelle fois venir interférer dans l’organisation de l’orage. A noter que le fait que le mesocyclone soit rejeté sur l’est de l’orage, et que le crochet se fasse massif et commence à entourer le mesocyclone pourrait indiquer une évolution de la supercellule depuis le stade classique vers le stade HP. 

23h15 A 23h45, il est possible que la supercellule classique ait complètement évolué en une supercellule HP, le crochet étant encore peut-être visible sous la forme d’un rond rouge entouré de violet dans la partie est de l’orage, mais il n’est pas possible de le confirmer. Cependant, l’environnement de la supercellule devient nettement perturbé, avec même l’apparition d’un orage très intense au sud-est. Celui-ci va initier une nouvelle supercellule qui traversera le département des Ardennes et la Lorraine belge plus tard dans la nuit. Une transmission de relais en quelque sorte… 

23h45

A 0h15 le 27, la supercellule se démantèle complètement sur le centre du département de l’Aisne, trop perturbée par le complexe multicellulaire qui s’organise à ses côtés.

Vortex polaire et réchauffement stratosphérique

Pour comprendre la suite de l’article, il est impératif de faire un arrêt sur cette tranche de l’atmosphère. La stratosphère commence à environ 10-15 km d’altitude (la hauteur variant selon la latitude) et se termine à environ 50 km d’altitude. Cette tranche d’air est stable dans le sens où la convection n’y existe pas, contrairement à la tranche inférieure, la troposphère, qui est le siège de la plupart des événements météorologiques. Ceci fait même dire à certains que la météo s’arrête à la tropopause, soit la limite entre la troposphère et la stratosphère. S’il est vrai que les effets des phénomènes météorologiques existent essentiellement dans la troposphère, il ne faut nier la dynamique de la stratosphère dont les modifications peuvent avoir un impact considérable sur la météo « d’en dessous ».

Dans la stratosphère, la température de l’air est pratiquement stable entre 10 et 25 km d’altitude, autour de -55°C en moyenne. Plus bas, elle décroit avec l’altitude. Plus haut, elle augmente à nouveau avec cette même altitude, finissant par atteindre environ 0°C au niveau de la mésopause, la limite entre la stratosphère et la mésosphère, à environ 50 km d’altitude. Au-dessus, dans la mésosphère, elle diminue à nouveau.

Le comportement du gradient thermique stratosphérique est dû à la présence de l’ozone. Ce gaz joue un rôle prépondérant dans la dynamique de cette partie de l’atmosphère. En absorbant les rayons UV, il connait un gain d’énergie qu’il redistribue à l’air sous forme de chaleur. Ceci explique l’augmentation progressive de la température entre 25 et 50 km d’altitude. En-dessous, la couche isothermique (où la température n’évolue pas avec l’altitude) est due à l’apport thermique de la couche d’ozone située plus haut, et ce par conduction.

Vortex polaire?
Le vortex polaire est une grosse dépression d’altitude située sur les régions arctiques et remplie d’air froid. Dans la stratosphère, il y règne des températures inférieures à -80° lorsque le vortex est très bien constitué et concentré. Cela a deux conséquences intimement liées : 

1) Le contraste entre ces températures très froides et les températures nettement plus chaudes des Tropiques va provoquer l’établissement d’un puissant courant d’Ouest. En effet, en bordure du vortex se forme un courant dit Jet de la nuit polaire, qui est un vent thermique. Sans entrer dans les détails, la théorie du vent thermique se résume comme suit: un courant s’établira dans un sens bien précis si, à la gauche de ce sens se trouve un air froid et à la droite un air chaud. Le vent est d’autant plus rapide que le contraste est important ; 

2) Les hautes pressions subtropicales ne peuvent percer cette masse froide et ne peuvent donc s’établir vers les latitudes septentrionales où elles généreraient alors un courant de Nord à Est déferlant sur nos régions. 

Cette image de décembre 2013 montre un vortex très solide, très concentré et rempli d’air froid jusqu’à moins de -80° à certains niveaux, environ 15° de moins que la normale. Dans ces conditions, on comprend la violence du courant Jet qui a enfanté la tempête Dirk les 22 et 23 décembre (440 km/h!) et l’impossibilité pour les hautes pressions d’établir des crêtes vers le Groenland ou la Scandinavie. Au-dessus du Jet-Stream, le Jet polaire stratosphérique était surpuissant compte tenu de l’important gradient de températures, et maintenait dès lors un vortex bien fermé. En soi, un vortex polaire bien concentré est un élément tout à fait normal du paysage dynamique de la stratosphère. De plus, il en existe sur d’autres planètes. Ce sont plutôt les modifications morphologiques affectant le vortex qui sont plus inhabituelles et qui peuvent modifier durablement le temps en Europe, mais aussi ailleurs dans l’hémisphère nord. Comment se forme le vortex polaire? Il convient de faire ici la différence entre le vortex polaire stratosphérique dont nous venons de parler, et le vortex troposphérique, en-dessous de ce dernier. La composante stratosphérique atteint le maximum de sa force en hiver tandis qu’elle disparaît complètement en été. Son homologue troposphérique est également très puissant en hiver, mais ne disparaît pas complètement en été, même si sa taille est relativement réduite. Les mécanismes qui régissent la formation de ces composantes sont différents. Si la composante troposphérique obéit essentiellement à des mécanismes physiques, celle de la stratosphère répond davantage à des phénomènes physico-chimiques. L’ozone stratosphérique joue alors un rôle fondamental. Au début de l’automne boréal, les nuits commencent à réapparaître aux pôles, incluant donc un ensoleillement moins important. Ceci est réduit de faco la quantité de rayons UV absorbés par l’ozone. Consécutivement, la quantité de chaleur produite diminue. La stratosphère commence à se refroidir au-dessus du pôle: c’est le début de la formation du vortex polaire. L’air continue de se refroidir au fur et à mesure de l’allongement des nuits, jusqu’à la nuit polaire où le vortex atteint le maximum de sa puissance. Plus l’air au sein du vortex se refroidit et plus le Jet polaire, en tant que vent thermique, prend de la puissance. A l’inverse lors du printemps boréal, le retour du soleil permet de relancer le processus d’absorption des UV par l’ozone, ce qui enclenche le réchauffement de la stratosphère polaire et qui détruit petit à petit le vortex stratosphérique… jusqu’à l’automne suivant où le cycle recommence. Réchauffement stratosphérique soudainIl arrive que l’air du vortex se réchauffe en d’autres circonstances que celles qui régissent l’habituel cycle construction – destruction du vortex. Ces phénomènes, abrégés en SSW (Sudden Stratospheric Warming) voient l’air du vortex se réchauffer de plusieurs dizaines de degrés en l’espace de quelques jours, entraînant une déstabilisation massive du vortex et le chamboulement des vents stratosphériques qui en dépendent. Il faut néanmoins distinguer deux types de SSW selon leur importance: – Les SSW mineurs qui ont un impact limité sur la dynamique du vortex.– Les SSW majeurs qui parviennent à modifier durablement tout le fonctionnement du vortex, jusqu’à le déplacer ou le faire exploser en plusieurs lobes.

Ces SSW, pour rester simples, sont dus à des forçages provenant de la troposphère ou de la mésosphère. En considérant la troposphère, nous devons intégrer la notion d’onde de Rossby. Ces ondes sont formées par les ondulations du Jet-stream qui délimite le vortex polaire troposphérique de son environnement. Lorsqu’une onde de grande importance advecte une puissante bouffée d’air chaud en direction du pôle, l’énergie ainsi transportée vers les régions polaires peut se répercuter dans la stratosphère pour autant que cette énergie soit suffisamment importante. L’air du vortex stratosphérique commence alors à se réchauffer de manière brutale à partir de sa périphérie, de plusieurs dizaines de degrés en l’espace de quelques jours. Or, nous avons vu que les vents thermiques dépendaient du gradient de température entre l’air intra-vortex et l’air extra-vortex. Etant donné que le gradient se trouve diminué suite au réchauffement de l’air intra-vortex, les vents thermiques diminuent en force, et le vortex stratosphérique entre dans une phase instable. Deux événements peuvent alors survenir: un événement de déplacement ou un événement de division.

Evénement de déplacement, ou displacement event
Au cours du displacement event, le réchauffement de la stratosphère polaire n’est pas suffisant pour faire éclater le vortex. Celui-ci est simplement chassé par un anticyclone stratosphérique qui tend à prendre sa place au pôle. Les conséquences d’un displacement event sont moins importantes que celle d’un splitting event dont nous parlerons au point suivant.

L’animation ci-dessous est une prévision effectuée par le modèle GFS le 27 décembre 2012 pour une période allant du 3 au 7 janvier 2013. Elle montre l’onde « chaude » attaquant le vortex (bleu – mauve) depuis la Sibérie. Ce dernier est éjecté de ses quartiers habituels et poussé vers l’Europe tout en faiblissant. Une semaine après cette modélisation, plusieurs offensives hivernales et un basculement des flux d’air troposphériques s’opéraient sur le Vieux Continent. Nous reviendrons plus loin sur les impacts d’un dérangement du vortex polaire.

Evénement de division, ou splitting event Le splitting event est le phénomène le plus extrême: la pulsion chaude finit par faire exploser le vortex en deux lobes. Dès lors, la circulation des vents stratosphériques est complètement perturbée, ceux-ci finissant par s’arrêter et même par changer de direction. 

L’image ci-dessous montre un splitting event en janvier 2013. La pulsion chaude, anticyclonique, a envahi le pôle et a fait éclater le vortex en deux lobes, l’un d’entre eux s’établissant sur le proche Atlantique, entraînant une modification profonde des circulations stratosphériques et troposphériques dans l’hémisphère nord. Au même moment, il neigeait abondamment sur l’Europe de l’Ouest. 

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Les displacement et splitting events de janvier 2013 en vidéo
Le GIF ci-dessous, réalisée par la NASA, montre le comportement du vortex polaire. Les zones bleus représentent l’air froid, et les zones rouges, l’air plus doux. En décembre, le vortex polaire est très concentré sur le pôle nord. Au Nouvel an, le SSW commence sous la forme d’une pulsion d’air chaud venue de Sibérie commence à l’écraser et à le chasser en direction de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Enfin, le 7 janvier, la pression de l’onde chaude est tellement forte que le vortex finit par éclater en deux lobes, puis se déstructure complètement dans la dernière décade du mois. 

Les conséquences Les events (splitting ou displacement) ne sont pas rares, mais ils ne sont pas extrêmement fréquents non plus. Dans leur plus grande forme, ils sont capables d’entraîner de profondes modifications de la météo, et ce pour plusieurs semaines. Entre le moment où le phénomène se déclenche et son impact observé en surface, il s’écoule environ deux semaines. Ceci est intéressant car cela permet de voir venir les grandes modifications de la météo, essentiellement les offensives hivernales et les vagues de froid. Durant l’hiver 2012-2013, les prévisions du displacement event puis du splitting event ont permis d’envisager, environ 20 jours à l’avance, une brusque offensive de l’hiver. Les dérangements du vortex polaire stratosphérique ne sont en effet pas sans conséquences sur son homologue troposphérique qui finit par être déstabilisé à son tour. La circulation habituelle d’ouest en est est en effet fortement dérangée par les modifications de direction des vents stratosphériques, le pire cas étant l’inversion de la direction de ces derniers suite à un splitting event. A son tour, le vortex polaire troposphérique finit par présenter de fortes ondulations, entraînant conséquemment une modification des vents en surface et en troposphère. Ainsi, en janvier, février et mars 2013, ces vents se sont retrouvés régulièrement orientés au nord ou au nord-est, amenant de l’air froid et de la neige qui donneront un hiver 2012-2013 costaud, anormalement froid et interminable. A l’inverse, lors de l’hiver 2013-2014, le vortex polaire a également subi un SSW, le délocalisant vers l’Amérique du Nord qui a subi une impressionnante vague de froid tandis que l’Europe baignait dans la douceur et l’humidité. Pour aller plus loin… Pour tous ceux qui veulent suivre l’évolution du vortex polaire, vous pouvez aller sur le site de MeteoCiel dans l’onglet « Temp10Hpa stratosphère » :http://www.meteociel.fr/modeles/gfse_cartes.php?ech=6&code=code&mode=10&mode3h&runpara=0&carte=1